Par
Laure Gentil
Publié le
21 mai 2025 à 18h15
Il a une citation pour toutes les situations… Jean-François Pasques est un capitaine de police de 54 ans qui mène une double vie : il est auteur de romans policiers. Un auteur à succès.
Rien ne le prédestinait à entrer dans la police, et encore moins à écrire des romans. Pourtant aujourd’hui, ce Nantais d’adoption a reçu le Prix du Quai des Orfèvres 2023 pour son livre Fils de personne, vendu à plus de 230 000 exemplaires. La suite, L’avocat du diable, est sortie le 2 avril dernier. Il a accepté de rencontrer actu Nantes.
Un hasard « provoqué »
Né à Châteaudun (Eure-et-Loir), Jean-François Pasques souhaitait se dédier à la chimie, mais s’est vite lassé. « Je m’embêtais dans mon laboratoire alors je suis entré dans la police », explique-t-il simplement.
En chimie, je ne voyais personne, j’avais l’impression d’être coupé du monde alors j’ai passé plusieurs concours administratifs.
Jean-François Pasques
Douanes, les postes, les eaux et forêts et enfin la police. « J’en ai réussi plusieurs et puis je me suis dit ‘tiens, la police je vais voir’, j’y suis entré, j’ai vu et je suis resté. C’était il y a trente ans », nous raconte-t-il plein d’humour.
Assis sur un fauteuil en rotin sous le soleil, Jean-François Pasques jette un regard honnête sur son parcours. Il aime son métier de policier mais refuse de parler de vocation. « Je ne sais pas si on peut vraiment parler de hasard, en tout cas c’est un hasard que j’ai provoqué. »
D’abord gardien de la paix à Paris – un poste qu’il a adoré – il devient finalement officier de police judiciaire et travaille pour la section criminelle.
Une première histoire pour ses enfants
Après quinze années à Paris, sa famille et lui souhaitent partir pour Nantes. Sa femme et ses enfants partent devant, et celui que ses amis appellent « Jeff » reste à Paris encore un an et demi le temps de la transition.
C’était un choix de vie, pour offrir un meilleur cadre pour nos enfants.
Jean-François Pasques
Un soir, en rentrant du boulot, Jean-François s’assoit et se met à écrire. « J’avais emmagasiné tellement de matériel ! », s’enthousiasme-t-il soudain. « Le désir d’écrire est venu d’une frustration et d’une impossibilité. »
Sur une enquête criminelle Jean-François doit « faire fi de ses émotions ».
Il lui fallait donc une échappatoire pour se débarrasser de cette charge mentale. « En rentrant à la maison, on ne sait pas comment restituer cela, on ne veut pas faire peur à nos proches », soupire-t-il. Lui a utilisé l’écriture.
Mon premier récit… Je me suis dit qu’au lieu d’aller faire la java avec les copains, j’allais écrire une histoire que je donnerai par la suite à mes enfants, quand ils seraient plus grands. Sur laquelle nous pourrions échanger. J’ai choisi la facilité, une enquête policière.
Jean-François Pasques
La machine est lancée. Pendant un an, le policier continue d’écrire ce qui deviendra son premier roman. Il en imprimera les pages au commissariat.
Rencontre avec une autrice
Durant une enquête à Paris, Jean-François fait la rencontre d’une victime qui changera sa vie. Cette personne, dont il ne dira pas le nom, est une écrivaine « un peu connue », dont les tableaux ont été volés.
« On est resté en contact, elle m’a parlé du roman policier qu’elle écrivait, elle voulait des corrections, pour que ça paraisse authentique », relate-t-il. Jean-François reformule des phrases. L’autrice le remarque, parle de « sensibilité ». Il finit par avouer avoir écrit un manuscrit. « Elle m’a rappelé trois jours après et elle m’a dit que je devais publier, qu’elle voulait le montrer à un éditeur », avoue-t-il avec un grand sourire.
C’est au tour de l’éditeur de le rappeler. Jean-François demande conseil à son épouse qui l’incite à accepter. Son livre est publié six mois après son arrivée à Nantes. « J’en ai vendu quelques-uns, c’était un tout petit éditeur ! », rit le capitaine de police.
Un succès inattendu
Si la vie de tous les jours à Nantes est douce, avec la mer et les balades au bord de l’Erdre, sa vie professionnelle au « service de car » (police-secours N.D.L.R) est dure pour lui : « Je me suis retrouvé confronté à une misère que je ne voyais plus lors de mon ancien poste ».
Au bout de sept ans, il demande à entrer à la Sécurité publique. « J’avais vu trop de cadavres », soupire-t-il.
À côté, il continue de publier ses livres, toujours avec le même petit éditeur, qu’il quitte finalement pour les Éditions Lajouanie. « J’avais enfin mes livres en librairie, plus besoin de les vendre seulement sur Internet ».
Il se met à espérer de gagner le Prix du Quai des Orfèvres qui récompense un manuscrit inédit de roman policier. Le gagnant est publié par Fayard. Jean-François décide d’en écrire un juste dans ce but : Fils de Personne. « Quand on m’a annoncé que je l’avais, je ne l’ai pas entendu », admet-il.
Jean-François songe à écrire autre chose que des polars. Comme pour tourner la page de son métier. « Je suis un grand voyageur, j’aimerais restituer ces voyages dans mes récits. Je vais me métamorphoser petit à petit. Je suis en fin de carrière, il va falloir passer la main », reconnaît l’auteur. « Comme dirait Alain Souchon, j’ai plus assez d’essence pour faire la route dans l’autre sens. »
Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.