Dans ce plan mené de main de maître, il ne restait qu’un seul doute (très léger) : mais est-ce que Huw Buck Jones, le Britannique de Bourg-en-Bresse Ain Cyclisme a véritablement remporté l’étape ? Est-ce lui qui s’impose au sprint ce mercredi, dans un doublé devant son coéquipier Victor Loulergue, sur l’étape d’ouverture de la Ronde de l’Isard 2025, entre Saint-Mont (Gers) et Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées) ? Le Gallois hésite : “Je me demandais s’il n’y avait pas un échappé devant nous”. Jusqu’à ce que Victor Loulergue lève le bras pour deux et hurle “Mais c’est toi qui gagnes ! C’est nous”. Ils l’ont fait, et c’est “tellement énorme”, disent-ils, que c’est dur d’en croire ses yeux. Le plan d’équipe, exécuté à la lettre (voir classement).

« UNE OMBRE SUR MA GAUCHE »

Ce n’est pas dans le sprint que la course s’est scellée, ni dans la dernière ascension, celle du col des Palomières, ni dans la descente si stratégique qui fond vers la ligne d’arrivée. Non, tout s’est joué cet hiver quand la Continentale fédérale a décidé de miser lourd sur la Ronde de l’Isard. Les coureurs ont été mis en demi-repos trois semaines en avril, priés de « ronger leur frein ». Victor Loulergue parvient à gagner une étape du Circuit de Saône-et-Loire (lire ici), mais l’équipe ne lorgne que vers les Pyrénées. Et, sitôt arrivée sur place lundi, elle entreprend les repérages de cette première étape. Une intuition jaillit : il faudra attaquer peu avant le sommet du dernier col, à 500 mètres, Victor Loulergue d’abord, Huw Buck Jones dans sa roue, pour basculer en tête et passer la descente sur la jante, la succession de virages, le rond-point…

“Mais il a d’abord fallu passer la montée, rappelle le Gallois. Le tempo était hyper élevé”. “J’étais étonné de voir les Lotto U23 groupés, ajoute son lanceur français. Je pensais que (Jarno) Widar allait attaquer au sommet… mais non !”. C’est alors un coureur d’Astana qui gicle. Collé par Victor Loulergue, Huw Buck Jones sur son porte-bagage. Il reste cinq kilomètres et, étonnamment, tout se passe pour l’instant comme dessiné au tableau noir.

Descente de folie. Victor Loulergue et Huw Buck Jones rétrogradent vers la quatrième position, mais ils assurent. Les courbes serrées, la route étroite : rien ne les fait dévier du plan. En bas, ils abordent aux rangs n°2 et 3 le dernier virage, avant la courte dernière ligne droite vers la ligne. Cette fois, Huw Buck Jones est derrière Niels Driesen de la Lotto Development. Il déclenche, prend la tête et tout concourt déjà à un doublé de l’équipe. “J’ai vu une ombre sur ma gauche, prolonge Huw Buck Jones. Je ne savais pas qui c’était, j’ai continué à tout donner”. “Eh oui, c’était moi ! s’amuse Loulergue. À dix mètres de la ligne, il ne faisait aucun doute qu’on allait gagner”.

« IL MÉRITAIT LA SIENNE »

Reste cette image magnifique et toujours un peu fratricide aussi d’un sprint entre copains. Est-ce que le deuxième aurait pu remonter le premier ? S’est-il vidé de ses ultimes gouttes d’essence pour tenter de déborder ou bien, au contraire, a-t-il éviter de coiffer son équipier sur le poteau ? Victor Loulergue, un brin gêné, car il ne vaut avoir l’air ni faux-modeste, ni faux-orgueilleux, mais s’estimant “simplement heureux pour Huw” : “C’est bien qu’il ait passé la ligne devant moi. J’ai quatre victoires cette année et lui il méritait la sienne. C’est un résultat super pour moi et parfait pour l’équipe”.

“Ce doublé vient valider notre brief tactique mais aussi l’identité de l’équipe, qui consiste depuis une dizaine d’années à développer de jeunes grimpeurs sur les courses internationales”, savoure Christian Milesi, directeur sportif de Bourg-en-Bresse Ain Cyclisme. “Un positionnement que très peu d’équipes de formations ont adopté”, insiste-t-il. Référence aux prestations passées de Victor Lafay, Rémy Rochas, Thomas Champion, Baptiste Huyet, Martin Tjotta et quelques autres. Le doublé sur la Ronde de l’Isard des hommes en vert et blanc est en tout cas à ranger au même plan que les précédesseurs illustres. Dans les premières pages d’un album de famille et au frontispice des bons coups tactiques où chaque détail est pensé puis scrupuleusement respecté sur le terrain. L’équipe espère maintenant remporter une deuxième étape sur cette Ronde de l’Isard et épingler une place dans les premiers du classement final.