Par

Chloé Berry

Publié le

21 mai 2025 à 17h30

Le mercredi, c’est la journée des enfants, c’est bien connu. Et si cela était amené à évoluer prochainement ? La routine des élèves est questionnée dans un rapport de la Cour des comptes sur l’enseignement primaire, publié mardi 20 mai 2025.

Dans celui-ci, l’institution s’insurge contre la semaine de quatre jours, en vigueur dans la quasi-totalité des écoles aujourd’hui. De quoi réactiver le débat sur l’un des plus vieux serpents de mer de l’Éducation nationale : faut-il revenir à la semaine de quatre jours et demi ?

Un consensus sur la question

Pour avoir eu divers interlocuteurs pour les besoins de cet article, difficile de trouver des farouches opposants à la semaine de quatre jours et demi.

Les deux associations de parents d’élèves contactées, la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP) et la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) sont au diapason : rétablir les cours le mercredi matin serait bénéfique pour les enfants.

« Des enseignants nous ont remonté le fait qu’avec la coupure du mercredi, les enfants se couchaient plus tard le mercredi soir après une journée plus dense que d’habitude, et qu’ils arrivaient fatigués le jeudi matin à l’école », indique à actu.fr Grégoire Ensel, président de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE).

Vidéos : en ce moment sur ActuPetite histoire de la semaine des quatre jours et demi

De 2008 à 2013, les quatre jours s’appliquent partout en France… avant la réforme des rythmes scolaires de Vincent Peillon qui chamboule tout.

Le nouveau pensionnaire de la rue de Grenelle remet la demi-journée manquante au programme. La réforme prévoit la mise en place d’activités périscolaires, à la charge des municipalités, sur le temps dégagé en fin de journée.

Changement de patron, changement de braquet. En 2017, c’est à Jean-Michel Blanquer de détricoter le travail d’un de ses prédécesseurs. Il signe un décret permettant aux villes de choisir entre les deux options.

Ça ne loupe pas, 87% des communes font le choix de revenir à la semaine de quatre jours, permettant à ce rythme de s’imposer largement dans l’Hexagone.

La semaine de quatre jours jugée « néfaste »

Là, on touche au sujet de la chronobiologie de l’enfant, c’est-à-dire l’étude des rythmes biologiques dans l’organisme. Et le sujet est étudié depuis des années : la Cour des comptes s’appuie sur un rapport de l’Académie nationale de médecine paru… en 2010. Il y a 15 ans donc.

Dans cet écrit, on peut lire que la semaine de quatre jours a un « rôle néfaste sur la vigilance et les performances des enfants les deux premiers jours de la semaine, liées à une désynchronisation liée au week-end ».

Les termes sont forts. Cette désynchronisation est, à l’inverse, moins forte sur quatre jours et demi.

Une « grasse matinée » qu’on juge récupératrice (à tort)

Déjà en 2008, les spécialistes des rythmes de l’enfant pointaient le problème. Le chronobiologiste François Testu critique plutôt la « grasse matinée » du mercredi matin dans Rythmes de vie et rythmes scolaires : aspects chronobiologiques et chronopsychologiques.

L’absence du réveil imposé le mercredi matin permettant aux élèves de faire une grasse matinée ne se traduirait pas par une récupération plus importante : au contraire, les élèves qui ont expérimenté cette pause au milieu de la semaine dorment en moyenne plusieurs minutes de moins par semaine.

François Testu
Dans une publication de 2008

Autre argument qui apporte de l’eau au moulin de la semaine de quatre jours et demi : les enfants apprendraient mieux le matin et seraient inutilement fatigués par des journées trop longues, comme le rappelle François Testu dans ses travaux.

« Il y a des matières qui en souffrent »

Au-delà du rythme biologique de l’enfant, il y a aussi celui de l’apprentissage. Pour les professeurs, avoir moins d’heures de cours nécessite quelques ajustements. Et même si c’est au forceps.

On a posé la question à une professeure des écoles. Nathalie, qui enseigne dans une école privée à Paris, est au régime des quatre jours. L’enseignante en CP admet qu’à ce rythme soutenu, c’est « difficile de faire rentrer tout le programme ».

Il y a des matières qui en souffrent, notamment l’EMC (Éducation morale et civique), les arts et la découverte du monde. On privilégie forcément les maths et le français. Avoir 3h en plus le mercredi matin, ça changerait la donne, c’est sûr.

Nathalie
Professeure des écoles en CP à Paris

« Un débat de riches »

Autre argument qui pèse dans la balance : la semaine de quatre jours accentue les inégalités sociales. Ce n’est pas nous qui le disons, mais le site vie-publique.fr, site d’information placée sous l’autorité du Premier ministre.

La semaine de quatre jours pénaliserait les élèves issus de milieux défavorisés, qui se retrouveraient souvent désœuvrés le mercredi.

Vie-publique.fr

Nathalie enseigne dans un milieu qu’elle juge favorisé. Dans son école privée du 12e arrondissement, ses élèves de six ans font du football ou vont au musée avec leurs grands-parents le mercredi. Mais ce n’est pas le cas de tous les enfants.

Quatre jours ou quatre jours et demi… c’est un débat de riches. Quand on a des moyens économiques et culturels, ou qu’on peut se mettre à 80%, on peut organiser cette journée facilement. Quand on a peu de moyens (que ce soit les parents ou le territoire qui aurait une offre culturelle et sportive peu dynamique, ndlr), ça pénalise les enfants. 

Grégoire Ensel

Pourquoi la semaine de quatre jours et demi n’est pas la norme ?

Mauvais pour la chronobiologie des enfants, accélérateur d’inégalités… On ne manque pas d’arguments contre la semaine de quatre jours. Et pourtant. Comme le rappelle le site vie-publique.fr, 87 % des communes l’ont choisie en 2018.

Une majorité écrasante qui est encore plus surprenante lorsque l’on sait que la France est le seul pays de l’OCDE où les élèves de primaire suivent une semaine de quatre jours (la semaine de cinq jours étant largement répandue dans les autres pays).

Pour deux principales raisons qu’expose Laurent Zameczkowski, porte-parole de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP), à actu.fr.

La semaine de quatre jours, ça permet aux parents de s’organiser, car le système de demi-journée est compliqué pour les gardes. Deuxièmement, ça coûte moins cher aux villes, car elles ont moins d’activités à proposer aux enfants, d’animateurs de centre de loisirs à employer, et ça fait une journée de cantine en moins.

Laurent Zameczkowski
Porte-parole de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP)

À Pontorson (Manche), on a fait le choix des quatre jours et demi. Mais ça a un prix : 10 000 euros. Une question de « volonté politique », confiait le maire André-Jean Belloir à nos journalistes de La Gazette de la Manche en 2023.

Face au rythme de l’entreprise de papa et maman et des réalités du budget de la commune, ce sont les enfants qui trinquent. À moins d’un peu de volonté.

Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.