Faux papiers d’identité, livret de famille falsifié, courriers, photos… Cathie Fidler range consciencieusement les documents dans des pochettes plastifiées puis une chemise cartonnée. Ils viennent d’être numérisés et seront versés au fond du Mémorial de la Shoah de Paris qui va ouvrir un musée à Nice l’an prochain, passage Gottlieb (ex-Meyerbeer). Comme cette Niçoise de 78 ans, d’autres sont venus confier, ce mercredi 21 mai 2025, leurs archives personnelles et témoigner dans le cadre d’une collecte qui se poursuit ce jeudi 22 mai 2025 à la Maison pour l’accueil des victimes (6, rue Gubernatis).
« Nous cherchons tout ce qui peut aider à retracer l’histoire de Nice et de la région, de l’avant à l’après Seconde Guerre mondiale, résume Lior Lalieu, responsable de la collecte pour le Mémorial de la Shoah. Nous faisons appel aux particuliers disposant de documents ou d’objets. Ils sont numérisés ou photographiés sur place puis rendus – sauf s’ils souhaitent nous les confier. Cela permettra de nourrir la mémoire et mieux savoir ce qu’il s’est passé: des zones d’ombre persistent. Les archives de l’hôtel Excelsior, réquisitionné pour rassembler les juifs arrêtés, ont par exemple disparu. »
Le bouleversant témoin d’une rafle
La démarche n’est pas toujours aisée, même 80 ans après le conflit. « Ce matin, un monsieur victime de la rafle du 26 août 1942 est venu nous confier son histoire. Lui a survécu, mais pas sa famille. Des témoignages comme celui-ci sont particulièrement bouleversants. Nous avons besoin de connaître les circonstances dans lesquelles les événements se sont déroulés. C’est pourquoi la parole des survivants ou de leurs descendants est primordiale. En présence d’une photographie, par exemple: si personne n’est en mesure de dire où elle a été prise ni qui figure dessus, cela n’a guère d’intérêt historique. Pour mener un travail historique, nous avons besoin de contextualiser les documents. »
Ainsi, les membres du Mémorial de la Shoah et les équipes du service Passerelles du FSJU (Fonds social juif unifié), où avait lieu hier la collecte, prennent le temps de dialoguer avec chaque donateur Le lieu, calme, est propice aux confessions. « Beaucoup n’osent pas venir, notamment par crainte de rouvrir des cicatrices. Nous faisons en sorte d’établir un lien de confiance. S’ils ne se sentent finalement pas de raconter, nous le respectons et peut-être ce sera une prochaine fois », remarque Stéphanie Assor-Lardant, déléguée régionale FSJU.
Des faux papiers pour survivre à la guerre
Quiconque possède des documents en lien avec la Shoah – de près comme de loin – peut venir les confier: « Pas nécessairement des personnes de confession juive, d’ailleurs. Il peut aussi s’agir de témoins, de Justes, de proches », indique Lior Lalieu. Mais aussi des descendants, comme Cathie Fidler, née en 1947. « Mes parents étaient juifs. Ils sont parvenus à obtenir des faux papiers et un faux livret de famille en modifiant leur nom: Fidler devenu Fournier. Cela, grâce au Dr Lucien Lavabre-Delannoy, qui a été maire de Mougins et a accepté d’apposer le tampon officiel. Sans lui, je ne sais pas ce qui serait arrivé… Avec ces documents, mes parents ont pu partir vivre dans le Vaucluse sous leur fausse identité jusqu’à la fin de la guerre. »
« De telles histoires familiales sont importantes pour mieux retracer les événements et la manière dont les juifs ont traversé le conflit à Nice », souligne la responsable de la collecte. Cette dernière sera encore présente ce jeudi, de 9h à 18h pour recevoir les donateurs, y compris sans rendez-vous. Pour ceux qui ne pourraient s’y rendre, il est possible de prendre contact avec le Mémorial au 01.53.01.17.28.