Par

Hervine Mahaud

Publié le

22 mai 2025 à 8h10

La filière du chocolat traverse une époque compliquée : hausse du prix du cacao, du sucre, de l’énergie, baisse de la consommation… Face à ces difficultés, les chocolatiers et confiseurs de France se serrent les coudes. Leur confédération était présente à Lille, lundi 19 mai 2025, pour rencontrer les artisans de la région Hauts-de-France. Leur but : échanger sur les problématiques mais aussi faire émerger des idées qui pourraient aider les professionnels du secteur.

Le chocolat, un luxe devenu inaccessible ?

À voir la folie générale qui s’est déclenchée, ces derniers mois, autour du chocolat Dubaï, on se dit que l’amour des Français pour le chocolat est intarissable. Oui, mais à quel prix ? Car les chocolatiers l’ont bien constaté : les clients ont drastiquement baissé leur budget pour (se) faire un petit plaisir.

Dernièrement, il y a en effet beaucoup moins de bonbons chocolatés dans les ballotins achetés par les clients. « Avant le Covid, on était à une moyenne de 375 grammes. On a fait deux excellentes années au sortir de la crise sanitaire car les gens voulaient consommer local. Mais leurs habitudes ont de nouveau changé : on est passé à des ballotins de 250 grammes en moyenne », constatent Anne-Sophie et Nicolas Haag.

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Le couple a ouvert en 2009 sa chocolaterie dans un ancien corps de ferme, puis, en 2015 sa boutique à Amiens (Somme). Il est ainsi aux premières loges pour relever les changements d’habitudes de ses clients. « Ils ne viennent même plus nous voir en boutique », regrette le chocolatier. « L’image du produit a été dégradée car on a entendu en boucle dans les médias que le prix du cacao avait flambé. » Résultat : pour beaucoup, le chocolat semble être devenu un produit de luxe (sur lequel on place même un antivol !). «Les gens se sont dit ‘ça va être trop cher’ et ils sont moins venus pour Pâques. »

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Pourtant, le fondateur des « Chocolats de Nicolas » et son épouse assurent qu’ils n’ont pas répercuté toutes les augmentations de prix auxquelles ils ont dû faire face. Ils veulent rassurer les amateurs de chocolat : « il faut pousser la porte de notre boutique et constater les prix. Et même si on a un petit budget, on peut se faire plaisir. »

Un produit qui tend à se raréfier

Et pourtant, la région Hauts-de-France serait l’une des plus gourmandes de France. « Alors que dans les autres régions, la consommation a tendance à s’estomper en dehors des périodes de Noël et Pâques. Vous, vous êtes gourmands toute l’année », constate Thierry Lalet, président de la confédération des chocolatiers et confiseurs de France. Venu expressément de Bordeaux pour rencontrer ses homologues nordistes, il écoute, attentif, leurs problématiques rencontrées ces dernières années.

« Au niveau mondial, il y a une demande de cacao en hausse. Car aujourd’hui, on en met du chocolat partout. Puis on a des pays qui sont devenus consommateurs, comme en Asie. Cela fait beaucoup de demandes en plus. »

Thierry Lalet, président de la confédération des chocolatiers et confiseurs de France

Celui qui est à la tête de la chocolaterie Saunion, entreprise familiale née en 1893 à Bordeaux, a aussi été confronté à la pénurie de cacao. « Il y a deux ans, il y a eu de mauvaises récoltes à cause du climat. C’est là qu’on s’est aussi rendu compte qu’il y avait de moins en moins de producteurs. » Et s’ajoutent aussi à ces problèmes, l’inflation des matières premières comme le sucre, la hausse des prix de l’énergie, la baisse des aides à l’apprentissage. « Il y a beaucoup de grains dans la machine du chocolatier », estime le chocolatier.

Discuter entre professionnels permet ainsi d’évoquer tous ces soucis. « En tant que syndicat, on voit comment on peut les accompagner pour passer cette époque compliquée. » Et quelques fois, des solutions émergent.

La solution : se diversifier

Confrontés à une baisse des volumes d’achat, et aussi de la fréquentation de leurs boutiques, les artisans n’ont pas d’autre choix que de s’adapter. À Lille, Christian Roux, chocolatier chez Astral, doit aussi faire face à la concurrence : « il y a beaucoup de chocolatiers au m² ! » Alors pour se démarquer, et faire du chiffre d’affaires toute l’année (le chocolat étant moins consommé durant les beaux jours), il a dû diversifier son activité. Ainsi, en juin 2024, il a ouvert une glacerie, idéalement située face à la cathédrale de la Treille. « C’est beaucoup plus facile de vendre des glaces que du chocolat assure-t-il.

Nicolas Haag, le chocolatier d’Amiens, a lui aussi dû faire preuve d’inventivité. Après avoir ouvert les portes de son atelier pour des visites de groupe, il devait trouver une solution pour « attirer les clients toute l’année » dans sa boutique. « On cherche sans arrêt à donner de l’impulsion à notre activité. Alors on s’est lancé dans la biscuiterie. Ça a attiré les plus jeunes, et ils reviennent ensuite acheter du chocolat pour offrir à leurs parents et grands-parents. » Heureusement, la transmission de la gourmandise et le bonheur d’offrir ne connaissent pas la crise.

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