« Cela fait six, sept ans que je perçois une montée des propos homophobes en flèche mais aussi des stéréotypes sur les filles et les garçons », constate Christophe Chabaud, professeur de SVT au sein du collège Jean-Giono de Nice. En 27 ans de carrière, il assiste à l’émergence de nouveaux discours: « Plus récemment, j’entends des élèves marquer leur accord sur le fait qu’elles n’auraient pas les mêmes droits que les garçons. » Un phénomène pour lequel le corps pédagogique va pouvoir disposer d’une nouvelle boîte à outils.
Dès la rentrée de septembre, le programme Evars – Éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité – sera enseigné dans les établissements publics et privés, de la maternelle au lycée. Pour y parvenir, des sessions sont actuellement organisées par les 24 formateurs de l’Académie de Nice pour les 300 référents – soit au moins un par établissement.
« Des notions adaptées aux niveaux et à l’âge »
L’une d’entre elles s’est tenue hier non loin du rectorat. L’occasion de clarifier les objectifs de cet enseignement qui, malgré son caractère obligatoire*, n’est dispensé qu’à 15% des élèves.
Le discours porté par l’Éducation nationale est clair: il s’agit de « transmettre des valeurs fondamentales, telles que le respect de soi et des autres », « prévenir les discriminations », « promouvoir l’égalité entre les garçons et les filles » ou encore « lutter contre les violences et le harcèlement en renforçant la capacité des enfants à demander de l’aide ».
Dans la forme: les enfants suivent trois séances annuelles qui peuvent être accompagnées d’intervenants extérieurs agréés par le ministère. Mais l’ambition repose bel et bien sur la diffusion des valeurs fondamentales du programme dans les matières de manière transversale. « Toutes les notions et compétences sont adaptées à l’âge des élèves, à leur maturité et à leur développement psychoaffectif « , assure Fatima Moujdi-Menauge, inspectrice d’académie/inspectrice pédagogique régional de SVT pour l’Académie de Nice, qui copilote la mission Evars. Pour la faire courte: les questions liées à la sexualité ne sont pas abordées entre la petite section et le CM2.
« Les contestations sont très marginales »
Parce qu’il s’agit bien d’un sujet de crispation pour certaines associations et organisations conservatrices. Depuis plusieurs mois, les théories quant au potentiel contenu de l’Evars sur la théorie du genre alimentent une polémique. « Ces contestations sont très marginales, parfois trop médiatisées », juge Natacha Chicot, rectrice de l’Académie de Nice: « Cet enseignement dispose d’un très large soutien de la part des familles. La formation que nous dispensons à ce personnel ressource doit permettre de leur donner les clés pour répondre à ces inquiétudes et interrogations. Il n’y a aucune tentative d’endoctrinement quelconque. »
Mais en cas de levée de boucliers à la rentrée? « Si ces contestations se font trop vives, nous répondons aussi avec fermeté. » Sandrine Mauruc, à la tête du collège niçois Henri-Matisse depuis quatre ans – établissement de plus de mille élèves – connaît la nature de l’enjeu: « Les questions de consentement, de naissance de l’intimité peuvent être délicates pour certaines familles. C’est pour cela que la communication est importante. » D’autant plus à l’heure où TikTok, Instagram, Snapchat et compagnie grignotent les esprits des élèves dès qu’ils quittent leur salle de classe. Partageant le meilleur comme le pire.
Le « fléau » réseaux sociaux
Alors, il y a matière à lutter. Comme l’indique Sophie Raoux, enseignante en mathématiques au sein de l’Institution Nazareth de Nice: « Les réseaux sociaux sont un fléau. Ils nuisent à leur santé mentale. On y voit des gens faire la promotion du suicide, expliquer comment se scarifier… Les conséquences sont concrètes sur nos jeunes. Et cela touche tout le monde, toutes les classes sociales. »
Mauvaise influence, fausses informations, discours masculiniste… Les algorithmes font la part belle aux extrêmes, sans filtre, sans tri. « L’objectif est de déconstruire certains préjugés qui peuvent circuler », indique la rectrice.
Imen Chaieb, professeure de SVT au collège Sidney-Bechet d’Antibes-Juan-les-Pins voit dans l’Evars une réponse, un soutien institutionnel à la réalité du quotidien du personnel éducatif. En seize ans d’enseignement, les problématiques évoluent vite: « On voit de plus en plus de violences sexistes, sexuelles. de cyberharcèlement, voire du “revenge-porn”… Alors oui, ce programme est à sa place. »
*Depuis 2001.