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Laure Gentil

Publié le

23 mai 2025 à 7h32

Il a échangé une vue de la Garonne pour la Loire. Antoine Leroy, 60 ans, est procureur de Nantes depuis maintenant quatre mois. Mais il connaissait déjà bien la cité des ducs de Bretagne ayant commencé sa carrière non loin, à Saint-Nazaire.

Déjà bien habitué à son nouveau lieu de travail, il n’est pas rare d’apercevoir sa très grande silhouette dans la salle des pas perdus. C’est dans son bureau, qu’il a accepté de rencontrer actu Nantes pour un entretien.

« À 300 mètres de chez moi, il y avait une fac de droit »

Antoine Leroy est né à Paris. Fils de médecin, rien ne le prédestinait à la magistrature, un monde complètement inconnu pour sa famille : « Encore aujourd’hui, je ne suis pas sûr qu’ils comprennent bien ce qu’est la magistrature », nous dit-il un sourire en coin. Il n’y avait pas non plus de sa part une vocation personnelle et invoque le hasard.

Le droit ce n’est pas attirant du tout, mais à l’époque je vivais à Sceaux (Île-de-France) et à 300 mètres de chez moi, il y avait une fac de droit. Si ça avait été une fac de littérature, j’aurais fait littérature.

Antoine Leroy
Procureur de Nantes

Après sa maîtrise de droit (l’équivalent d’une licence) en poche, Antoine Leroy entre à Sciences Po Paris, dans la « section service public » qui l’intéressait.

Mains croisées, coudes sur le fauteuil, il se rappelle cette période avec un certain humour : « On avait le choix, si on était très intelligent et très travailleur on faisait l’ENA (École Nationale de l’Administration N.D.L.R), si on était moins intelligent, très sympathique, mais tout aussi travailleur on faisait l’ENM (École Nationale de la Magistrature N.D.L.R). »

Il décide de s’inscrire dans la première prépa ENM de Sciences Po, le directeur de l’époque partant du principe « qu’il n’y avait pas que l’ENA dans la vie ». Pari gagné, il réussit le concours d’entrée à l’ENM.

Je n’avais jamais été dans un tribunal. Je ne connaissais pas les magistrats. Je suis entré à l’ENM et j’ai trouvé ça formidable.

Antoine Leroy
Procureur de Nantes

Le magistrat insiste, il ne regrette pas son choix de carrière et en apprécie la « diversité de métiers ». Une diversité dont il a profité, alternant siège et parquet.

Des premières assises inoubliables

À sa sortie, il choisit de devenir substitut du procureur à Saint-Nazaire, en partie pour celle qui deviendra par la suite son épouse, magistrate elle aussi, qui travaillait non loin.

« C’était une juridiction avec peu de monde, donc on faisait de tout, se souvient-il. J’avais des responsabilités, j’allais requérir à Nantes aux assises, je faisais le parquet des mineurs, les stups… C’était large, aujourd’hui les magistrats sont plus spécialisés. »

Il n’a d’ailleurs jamais oublié ses premières assises : « Je m’en souviens très bien de cette affaire, alors que j’en ai oublié d’autres. C’était dans une commune connue pour son très bon cidre, Kérisac. »

Il quitte finalement l’Hexagone pour Fort-de-France, en Martinique en tant que juge placé, un magistrat dédié à renforcer une juridiction en occupant des postes différents.

Une vie aux Antilles « formidable »

Il décrit cette période de sa vie comme « formidable ». Les Antilles n’étaient pas un terrain inconnu pour Antoine Leroy, sa belle-famille étant Guadeloupéenne. Il en garde un très bon souvenir « à la fois personnel et professionnel ».

Son poste lui a permis d’être juge d’instruction, mais aussi juge aux affaires familiales et juge pour enfants. C’est à ce dernier rôle qu’il se consacre après deux ans. Il en apprécie le « côté éducatif » et reconnaît avec sérénité avoir eu une réputation de juge « sévère ».

Aux Antilles, il y a une spécificité, les situations pouvaient sembler dramatiques mais malgré tout, l’enfant est très protégé. Quand il y avait placement, il y avait toujours quelqu’un de la famille prêt à prendre l’enfant, ce qui n’est pas forcément le cas en métropole.

Antoine Leroy
Procureur de Nantes

Au fur et à mesure des années, Antoine Leroy a appris à se forger une carapace, pour résister aux enquêtes parfois difficiles émotionnellement. « Quand les enfants sont gravement victimes, il y a quelque chose de plus lourd. Au final, on s’habitue », explique-t-il simplement.

Nantes, une ville qui a changé en bien

Comme son arrivée à la magistrature, sa mutation au tribunal de Foix en tant que procureur est le fruit du hasard. Il s’installe à Toulouse « une ville très attachante », qu’il ne quittera jamais vraiment.

Pendant 20 ans, Antoine Leroy reste en Occitanie : Carcassonne, Agen puis directement la Ville Rose où il devient procureur adjoint. « J’ai bougé sans bouger », remarque ce vétéran du droit.

S’il n’a pas pris l’accent, son amour pour le chef-lieu occitan est très ancré et il garde encore un œil sur les exploits du Stade Toulousain. « Ne me demandez pas de critiquer Toulouse, je ne le pourrai pas », nous avoue-t-il même.

Il y a quatre mois, il a fait son retour à Nantes, pour la première fois depuis 30 ans, au poste de procureur général.

Par ses proches et collègues, il savait que Nantes « avait beaucoup changé ». Mais contrairement aux détracteurs, il assure qu’elle a changé « en bien », notamment en termes de qualité de vie.

Ça peut surprendre les Nantais quand je dis ça !

Antoine Leroy
Procureur de Nantes

Il reconnaît la présence de la délinquance, mais ne la pense pas pire qu’ailleurs et la décrit presque comme inéluctable.

Pour les Nantais, le choc vient du fait que la délinquance est arrivée plus tard. Cette délinquance-là, Toulouse la connaît depuis plus longtemps.

Antoine Leroy
Procureur de Nantes

Selon lui, Nantes, « un peu comme Rennes », a été préservé « une dizaine d’années de plus », et les Nantais « ont sans doute cru pouvoir être épargnés ».

Lui, a pris ses habitudes. Il se balade en ville, notamment le matin en allant au travail. Il en apprécie son côté « jeune ».

Antoine Leroy jette alors un regard par la fenêtre de son bureau, en direction de la Loire. « Je ne pensais pas que la ville était devenue aussi agréable. »

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