« C’est une famille… » Et pour cette famille, celle de la Ciamada Nissarda, elles et ils ont repris le collier, ont remis leurs costumes, renfilé leurs ballerines, ravivé leurs instruments, raclé leur gorge de chanteur d’antan, afin de célébrer les 100 ans du groupe.
Leur groupe culturel de chant, danse et théâtre niçois, le plus vieux des groupes folkloriques niçois et la 3e plus vieille association du terroir après l’Acadèmia Nissarda et l’OGC Nice.
Ce lundi soir, dans leurs locaux, à l’école Terra Amata, des femmes et des hommes, entre 50 et 60 ans, prennent place autour de la table. Impatients de raconter tout ce que la Ciamada leur a donné.
Tenues rayées puis de mariage
Il y a là, Virginie Fava-Rivi, surnommée « Puce », membre depuis 1982 et présidente depuis 2023, son époux, Christophe, responsable de la musique, « désireux qu’il y ait des anciens au spectacle des 100 ans, ce samedi, dans le cadre des Mai, à Cimiez ». Et donc, des anciens.
René Abbondanza devint danseur et chanteur lorsque fut lancée la section des juniors de la troupe, hébergée alors dans l’ancien casino municipal, sous les arcades Masséna. Christine Chauve, danseuse de 1977 à 1995, est de nouveau en piste, mais version chant, toute excitée de « découvrir des chansons inconnues du fondateur de la troupe, Jouan Nicola, ressorties pour cet anniversaire ».
Un couple aussi. Andrée Césarini, « accordéoniste dès l’âge de 13 ans, partie au bout de 10 ans et revenue il y a 20 ans à cause du manque » et Georges Césarini, son mari, danseur entre 1979 et 1981, lui aussi de retour en 2005 pour le chant et finalement embauché au théâtre, à la grosse caisse et élu vice-président. « On s’est connus à la Ciamada il y a plus de 40 ans », évoque Georges avec émotion.
Des histoires d’amour. Des jupes et pantacourts rayés aux tenues de mariage… Pascale Bottollier-Depois, danseuse, a pointé le pied sur la Ciamada, avec ses deux sœurs, à la création des juniors: « On nous appelait la tribu. J’y ai aussi connu le papa de mes enfants et là, je reprends pour les 100 ans. »
Marie-José Théus, là dès 1978, se souvient: « J’ai dansé jusqu’en janvier 1992. J’ai rencontré mon mari ici. Il faisait partie des juniors. Je reviens pour les 100 ans, en section chant. »
Esprit de famille
En 1942, au Festin des Cougourdons de Cimiez… Photo DR.
Les témoignages s’égrènent. Chacun veut exprimer le sien. Le terme « famille » s’invite dans la ronde comme un refrain. « La famille, éclaire Marie-José, c’est le fait de monter sur scène ensemble, de toucher ensemble à toutes les disciplines, de participer ensemble à la réalisation des décors et après, d’aller boire un coup ensemble. Nos parents aussi ont pris part à l’élaboration des spectacles. »
René veut rajouter son grain de sel: « Moi j’étais tout le temps aux Mai. Je suis entré à la Ciamada parce que mes parents, qui faisaient des pans bagnats avec Roland de Zordo, ont appris qu’un groupe de petits allait se monter. Cela m’a plus tout de suite, car c’était très amical. On était en sécurité, même lors de nos nombreux déplacements à l’étranger. On était en confiance. »
Les raisons du retour
Pourquoi ce come-back des aînés? Peut-être à cause des sales coups du destin. Pascale, Marie-Jo, Christine, Virginie résument le ressenti collectif: « Le décès en mai 2024, de Terence Lallouette, le fils de Babette et de Gilbert, des figures de la Ciamada, nous a tous fait tilter. Il fut notre petit paillassou qui volait dans les airs, notre mascotte. Pareil pour Jérémie Bouton, le sapeur-pompier fauché mortellement en deux-roues, sur la promenade des Anglais en juillet dernier. Trop dur. Nous les anciens, nous ne nous voyions que pour les enterrements. D’où une prise de conscience de se retrouver différemment. »
Des retrouvailles finalisées notamment lors des répétitions conviviales, plusieurs soirs en semaine. « Et ça fait plaisir de voir que l’histoire continue. »
Une philosophie au-delà du spectacle
Encore Marie-José: « Il ne faut pas oublier d’où on vient pour savoir où on va. Si on n’avait pas été à la Ciamada, on n’aurait pas vécu pareil. On a appris le vivre-ensemble, la bienveillance, la tolérance, la rigueur transmise à travers la musique, les pas, le théâtre, le chant. Car on représentait Nice, donc cette rigueur avait toute son importance. Et on a gardé cet état d’esprit, qu’on a transmis aux autres générations. »
Nice aux tripes. Nice au cœur. « On est tous niçois, insiste la présidente. Même si on ne naît pas à Nice. On a par exemple un petit Ukrainien et un jeune Franco-Australien qui se sont pris au jeu, aux valeurs de Nice. La Ciamada est un vecteur d’échanges, un ciment fédérateur. »
100 ans d’aubade niçoise
Ce samedi 24 mai, entre 10h et 19h, lors de la journée de folklore régional, organisée dans les jardins des Arènes de Cimiez, en partenariat avec la Ville de Nice et le service Culture et Patrimoine, les inconditionnels du folklore à la niçoise, auront une pensée pour plusieurs personnes ayant marqué l’ADN de la Ciamada Nissarda, qui signifie Aubade niçoise.
Une pensée d’abord pour Jouan Nicola, auteur-compositeur niçois fondateur de la troupe en 1925, au bar de la Treille, dans le Vieux-Nice. C’est lui, qui a choisi le costume de la bouquetière pour les dames et celui du pêcheur pour les messieurs.
Une pensée ensuite, pour les présidents qui lui succédèrent, dont Francis Barralis, « Cici », grâce à qui la Ciamada a sillonné le monde entier, et fut invitée aux plus grands festivals de folklore, contribuant à la renommée touristique internationale de Nice…
Egalement ce samedi, deux groupes invités entoureront la Ciamada Nissarda: Lei Baisso Luserno de Grasse et Flour d’Inmourtalo de Nîmes. Au programme: danses, musiques et balèti ouvert à tous.
La suite des festivités dès le 23 octobre et jusqu’en janvier 2026. Un anniversaire aussi long et joyeux qu’une farandole.