Resté silencieux jusque-là, Téhéran lève la voix. Il aura suffi de lire le commentaire de Jean-Noël Barrot pour que les dirigeants de la république islamique fassent entendre leur courroux dans la vague de réactions à la palme d’or de Jafar Panahi à Cannes, samedi 24 mai

«Suite aux propos insultants et aux allégations infondées du ministre français des Affaires étrangères à l’encontre de l’Iran, le chargé d’affaires à Téhéran a été convoqué au ministère», a indiqué l’agence officielle Irna. Dans un message sur X saluant la Palme d’or, le ministre des Affaires étrangères avait reconnu dans Un simple accident, le film de Panahi, ancien prisonnier politique en Iran, «un geste de résistance contre l’oppression du régime iranien, […] qui ravive l’espoir pour tous les combattants de la liberté, partout dans le monde». Plus largement, précise l’agence, l’Iran condamne «l’utilisation abusive par le gouvernement français» du Festival de Cannes «pour faire avancer son agenda politique contre la République islamique».

Critique sans détour du joug iranien, Un simple accident a été tourné à la sortie de prison de Jafar Panahi, emprisonné sept mois entre 2022 et 2023. Le film, un règlement de comptes avec le régime, raconte la relation entre une victime et son bourreau lors d’une virée en van. Avant la réaction officielle du régime, il avait fallu se contenter de brefs commentaires de presse, à commencer par l’agence d’Etat Fars, qui avait affirmé que le choix du jury était politique. Comme relevé par Courrier international, le média ultraconservateur SNN avait aussi convoqué le mort de Jean-Noël Barrot, «un message sur X faisant l’éloge de cette œuvre ridicule».

Les quotidiens réformateurs Etemad, Shargh et Ham Mihan avaient rapporté en ligne de façon factuelle la victoire de Panahi, sans l’assortir de commentaire. Mais aucune mention n’est faite sur leur version papier. Pour sa part, la télévision d’Etat a passé sous silence la Palme d’or, mettant l’accent sur le Festival du film de la Résistance, un événement officiel qui prime des oeuvres pro-palestiniennes ou sur la guerre Iran-Irak (1980-1988).