C’était une époque où la vitesse n’était pas seulement réservée à une élite. Né à Hyères, dans une famille d’agriculteurs maraîchers, Henri-Paul Magnan se lance dans les années 1970 dans les courses de côte, ces courses chrono en montagne qui se disputent alors partout en France. Il terminera notamment 5e au championnat de France 2e division et 3e à une épreuve du championnat d’Europe, en 1991. Surnommé « cagette » -en référence à son entreprise – ou « papy », pour sa longévité sportive, il aura marqué une génération et la fin d’une époque, avant de devenir pionnier dans le photovoltaïque, avec son épouse.
D’où vous est venue cette passion pour les courses automobiles?
Un jour, en 1948, mon père a acheté un tracteur. J’étais un petit garçon, mais les voitures à pédales, ça ne le faisait pas pour moi. Je voulais tourner le volant du tracteur. Ce qui m’a aussi donné l’étincelle, ce sont les Douze heures d’Hyères. Les pilotes venaient ici pour un entraînement, quinze jours avant les 24 Heures du Mans. J’étais un petit garçon qui courait au milieu… Mais comment cela m’est venu, je ne sais pas. Jamais personne ne m’a appris à conduire. À neuf ans, je me suis assis au volant de la 203 familiale et j’ai démarré, avec mon père assis à côté de moi. C’était les prémices de la conduite accompagnée! Puis, je suis allé régulièrement assister à la course de côte d’Ampus-Draguignan, qui comptait pour le championnat d’Europe de la montagne. Il y avait les ténors qui venaient. Et un jour, j’ai dit « il faut que j’essaie ». J’avais mis le petit doigt dans l’engrenage. Et j’ai fait vingt saisons consécutives en championnat de France de la montagne.
Qu’est-ce que représentaient les courses de côte, dans les années 1970?
C’était ce qui était le plus facile pour un amateur, parce que cela ne prenait qu’un week-end, pratique pour ceux qui travaillaient. On était 100, 120 pilotes au départ, il n’y en avait qu’un ou deux qui étaient professionnels. Aujourd’hui, il ne reste que quelques courses de côte en France. Alors qu’on pouvait alors courir tous les week-ends, de mars à octobre. Ce qui fait que j’ai pu faire la moisson (en montrant ses trophées, ndlr). Ma première voiture de course, c’était la R8 Gordini. C’était la voiture qu’il fallait avoir, et la plus petite qui pouvait être engagée. Puis, j’ai grimpé méthodiquement les échelons, jusqu’à la Formule 2, la plus puissante.
Comment vous avez fait?
Un jour, je reçois un coup de fil du président de mon club auto, qui était également président de la ligue automobile Côte d’Azur, qui me demande sous forme de plaisanterie, « Henri, est-ce que tu as un casier judiciaire vierge? », avant de me proposer de faire gratuitement l’école de pilotage sur monoplace au circuit Paul-Ricard, avec une bourse du ministère de la Jeunesse et des Sports. Après le stage, j’ai demandé à l’instructeur: « Ce genre de petites bagnoles, où est-ce qu’on les achète? » Il m’a présenté un certain monsieur Henri Julien, d’AGS (Automobile Gonfaronnaise Sportives) qui est arrivé à construire des voitures de Formule 1, à Gonfaron. Deux mois après, j’avais une voiture made in France. Un produit local ! Une voiture monoplace sur une route de montagne, c’est un peu spécial. Normalement, c’est destiné aux courses sur circuit. En course de côte, d’un côté, il y a du rocher, de l’autre côté, du précipice, il vaut mieux rester sur la route. Il y a quand même du risque… Ce n’était pas la meilleure voiture pour ce type de course, mais c’était la meilleure pour gagner.
Vous courez jusqu’à l’âge de 50 ans…
Oui, jusqu’à ce que l’électronique arrive dans les voitures. et là, il fallait être accompagné d’un gars, avec un ordinateur. Sinon, on n’arrivait même pas à mettre le moteur en route.
Ensuite, vous vous retrouvez en Formule 1 de manière détournée…
La bourse de pilotage m’avait donné une entrée au circuit Paul-Ricard, où avaient lieu les Grands Prix de Formule 1, avant qu’ils ne partent à Magny-Cours. Un jour où j’étais au circuit, mon président me dit: « Qu’est-ce que tu fais, là? ». Je lui réponds: « Je regarde les voitures. » Il me dit: « Tu nous donnes un coup de main? ». Moi: « Oui. bien sûr, sans hésiter, si je sais le faire ». Il me dit, « tu sais le faire: c’est pour conduire une auto ». Et ils m’ont bombardé pilote d’intervention médicale Formule 1. Mon passager était un professeur de médecine anglais, Sidney Watkins. J’ai fait des interventions sur la piste, pour Nigel Mansell, notamment. Je prenais le départ avec les F1, je faisais le premier tour, puis je me garais, en attente. Cela a duré cinq-six ans.
Qui vous fait rêver dans la nouvelle génération?
Loeb est un très bon pilote. Le gars que j’ai toujours admiré, c’est Prost, parce qu’il avait un pilotage très fluide. On aurait dit qu’il avait le coude à la portière. Sinon, la F1 actuelle, on regarde, mais je n’ai pas les poils qui se dressent sur les bras.
La vue depuis la colline du château. Photo doc L. M..
Ça reste entre nous : coups de cœur et petits secrets
Où emmenez-vous quelqu’un qui vient chez nous pour la première fois?
À la table d’orientation du château, à Hyères. Il faut un peu grimper, mais c’est magnifique.
Avec une baguette magique, que changeriez-vous dans la région?
J’ai un peu la nostalgie de mon Hyères de jeunesse, où on se connaissait presque tous. Cela me manque. Là, je vais en ville, je ne connais personne. C’est pareil que si j’allais à Marseille…
Qu’est-ce qui vous manque, quand vous n’êtes pas dans la région?
Ma terre. Je suis un terrien. Cette terre, c’est la terre d’un de mes grands-pères. Il y a trois générations qu’on est là.
Si vous deviez vivre dans une autre région, laquelle choisiriez-vous?
J’ai pas envie de partir de là, je suis bien. Sinon, ce qui me plairait, ce sont les Alpes-de-Haute-Provence, s’il y faisait moins froid, le département d’origine de mes grands-parents.
Qu’est-ce qui vous met de bonne humeur le matin?
Le soleil. On a la chance d’habiter un beau pays privilégié, avec ce microclimat. Vous savez, on a 300 jours de soleil à Hyères, par an.
… et de mauvaise humeur?
Les infos.
Bio express
1966
Monte son entreprise de fabrication de cagettes, à l’âge de 23 ans.
1973
2e à la course de côte du mont Ventoux, 21,6 km, sa préférée.
1977
Fait l’école de pilotage au Castellet.
1978, 1979, 1980,1982
Champion de la ligue automobile Côte d’Azur.
1980-1981
Décès de ses parents.
1992
Rencontre son épouse actuelle.