LR, UDI, Modem, Renaissance, Horizons, Parti radical et Parti radical de gauche (PRG) sont depuis vendredi officiellement engagés dans un « projet commun » aux Municipales et une liste tout aussi commune. Ils en détermineront la tête non via des primaires mais « un sondage ». Objectif de « Saint-Etienne Ensemble 2026 » : « faire renaître la ville » en battant à la fois la gauche et le maire sortant Gaël Perdriau, ex LR, exclu il y a 2 ans et demi de son ancien parti en raison de « l’affaire ». Un arc d’alliance à la largesse présentée comme « inédite » en France.

Dirigeants, représentants (et quelques membres) de sept partis en question posant devant l’hôtel de ville. ©If Saint-Etienne / XA

Quasiment au grand complet. A droite et au centre, le paysage des velléités politiques en vue des Municipales 2026 à Saint-Etienne s’est brusquement simplifié vendredi dans un contexte local justement façonné par la complexité. LR, UDI, Modem, Renaissance, Horizons, Parti radical et le Parti radical de gauche (PRG) avec les soutiens logiques de l’ancien maire Michel Thiollière et de l’actuel président du Département Georges Ziegler, ont officiellement annoncé leur décision d’union ferme, définitive et irrévocable en constituant « Saint-Etienne Ensemble 2026 ». S’y associe la dizaine d’élus ayant quitté la majorité de Gaël Perdriau il y a bientôt un an, dont les ex adjoints restés LR Nicole Peycelon, Claude Liogier ou encore Robert Karulak.

« Les discussions ont commencé petit à petit cet automne mais tout s’est accéléré à partir de fin janvier-début février », précise à If ce dernier et à qui a été confié les relations presse de cet « arc » désigné par ses fondateurs de républicain et « d’inédit » à l’échelle même du pays du fait de sa largesse. Ils excluent d’avance toute possibilité de rapprochement – dès maintenant et en cas de 2e tour – avec les extrêmes et associés sur leur droite : le RN, l’UDR d’Eric Ciotti, Debout la France et, a fortiori, donc Reconquête si tant est que le parti d’Eric Zemmour dépêche un candidat à Saint-Etienne. Tandis que de l’autre côté de l’échiquier, LFI est considérée à leurs yeux comme un autre extrême antidémocratique à battre à tout prix afin d’éviter une « catastrophe » pour Saint-Etienne. Exclu aussi, tout rapprochement avec les socialistes locaux : « Il y a désormais deux députés extrémistes à Saint-Etienne », a même tamponné, vendredi Quentin Bataillon, fugace député stéphanois au nom de Renaissance de 2022 à 2024.

Une charte pour graver les engagements

Le PS, en discussions pour former une union avec EELV, LFI Sainté Populaire et le PC n’était de toute façon pas intéressé et partira seul ou via une union « complète », sinon partielle à gauche. De leurs côtés, ce sont donc sept représentants de premier plan ou n°1 départementaux de leurs partis, avec, ont-ils précisé l’aval officiel de ces derniers au niveau national, qui ont signé vendredi une charte officielle posant la ligne de conduite, les grands principes inaliénables de « Saint-Etienne Ensemble 2026 ». A savoir, l’engagement à créer une association regroupant l’ensemble des sympathisants militants et soutiens des partis signataires ; via cette dernière à faire campagne derrière cette même bannière ; définir un projet aussi commun que leur future liste sera commune, et annoncée comme « transpartisane » car « s’appuyant uniquement sur des compétences », « ouverte aux sans étiquettes ».

Le député du Gier Emmanuel Mandon était signataire de cette charte au nom du MoDem malgré une présidence Loire tenue par Siham Labich, adjointe restée fidèle à Gaël Perdriau ; Quentin Bataillon représentait Renaissance donc ; Lionel Boucher longtemps lieutenant de Gilles Artigues, ex adjoint relégué de force conseiller d’opposition, était logiquement là pour l’UDI ; Zahra Bencharif pour le Parti Radical de Gauche (membre et ex adjoint de Maurice Vincent, André Friendeberg était présent aussi) pour ce qui est de la seule composante centre gauche de l’arc qui nous avait fait part de son absolue « incompatibilité » avec LFI dès 2022. Les derniers ralliés à l’attelage semblent avoir été Horizons avec Eric Le Jaouën comme candidat déjà en lice et le Parti radical présidé par Alain Berthéas, ajoutés à la liste des acteurs peu avant le jour J de la présentation. Et pas seulement en raison d’un oubli technique selon nos informations bien que rien n’indique de fondamentales hésitations sur le fond.

Un sondage pour désigner la tête de liste

Il y a, enfin, Dino Cinieri au nom des LR, dont l’ensemble des élus majeurs dans la Loire s’étaient définitivement – ou brusquement… – désolidarisées publiquement de Gaël Perdriau fin novembre 2022, trois mois après la première publication de Mediapart, quand la diffusion d’un enregistrement lié à l’affaire était venu éclabousser Laurent Wauquiez, enfonçant six pieds sous terre ses relations déjà préalablement hostiles avec le maire de Saint-Etienne… L’abandon à l’automne 2023 par Dino Cinieri de son poste de député, pourtant réélu en juin 2022 n’est bien sûr sans doute pas étranger à ce qui se passe aujourd’hui. En tant que futur leader, et donc tête de liste, de cette large alliance ? L’ex parlementaire qui n’a sans doute pas récupéré par hasard un mandat de vice-président au sein du Parc naturel régional du Pilat juste avant sa démission du Palais Bourbon, justifiant même cette dernière par cette élection, semble avoir été missionné par sa famille politique pour éviter que Saint-Etienne ne tombe à gauche et/ou reste aux mains de Gaël Perdriau.

Chaque parti composant cet arc, du moins, s’il le souhaite, désignera une personne pour participer à ce sondage.

Vendredi, il avait l’air au centre de la manœuvre – a minima sur la formation / animation de cette alliance – en se fiant à ses prises de paroles répétés initiale, intermédiaires et conclusive. Ainsi, parfois, qu’aux déclarations d’encouragement de partenaires. De là à en faire le leader… S’il veut en être effectivement, c’est le seul résultat d’un sondage auprès des Stéphanois qui le dira, a acté – cela fait l’objet d’un article de sa charte – « Saint-Etienne Ensemble 2026 ». Mode de désignation préféré à des primaires jugées à l’évidence trop casse-gueule à organiser au regard du poids respectif des formations impliquées. Du passif en la matière sans doute aussi. « Chaque parti composant cet arc, du moins, s’il le souhaite, désignera une personne pour participer à ce sondage. Au regard des incertitudes qui touchent le pays avec encore des possibilités de motion de censure, de dissolution et parce que nous voulons avant cela définir notre programme commun, nous effectuerons ce sondage cet automne. »

« Notre ville est isolée »

« Entre les mois de septembre et de novembre 2025 », dit exactement la charte qui engage à « respecter, accepter les résultats ainsi qu’à travailler avec celle ou celui qui sera désigné (e) comme chef de file, à la constitution d’une liste représentative des différents courants ». Vendredi, seul Eric Le Jaouën dans la continuité d’une campagne qu’il a déjà lancée a annoncé qu’il serait de ce sondage au nom d’Horizons. En attendant, la campagne de chaque associé, si elle a déjà lieu, doit désormais se mener sous le tampon « Saint-Etienne Ensemble 2026 » au logo et tracé d’arc retourné coloriés en vert comme en réfère Saint-Etienne à défaut d’un code couleur suffisamment commun pour ne pas effacer l’une ou l’autre des formations regroupées. Il s’agira donc, au moins dans ces premières semaines d’annoncer, expliquer cette union visant à « dépasser les clivages partisans pour placer Saint-Etienne au cœur des priorités » puisque le projet commun n’est pas défini. Si ce n’est « faire renaître notre ville à travers une dynamique collective, responsable et unie ».

Photo plus large de cette famille recomposée. ©If Saint-Etienne / XA

« Nous voulons redonner à Saint-Etienne le souffle dont elle a besoin. Car le constat est clair. Notre ville est isolée, en perte de crédibilité et souffre d’une image dégradée. » La capacité induite et donc prêtée par ce constat à des exécutifs de collectivités issus des urnes (Région, Département…) mais aussi des gouvernements et leurs agences quant à l’écoute et le co-financement des projets Ville et métropole, et donc avec de hauts fonctionnaires d’Etat non issus des urnes, à ainsi sanctionner 400 000 stéphano-métropolitains en raison de l’affaire, interroge très lourdement sur la conception de l’intérêt général que se feraient alors ces mêmes « décideurs » (s’ajoute l’argument d’un effet épouvantail côté privé aussi mais là, il ne s’agit pas de l’argent appartenant aux citoyens français et à eux seuls). Reste que la droite, le centre, et une petite part du centre gauche avec le PRG considèrent Saint-Etienne en plein marasme depuis et en raison de l’éclatement de l’affaire.

Gaël Perdriau sera-t-il en mesure d’être concurrent ?

« A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Il est urgent de se débarrasser d’un pouvoir malsain », veut résumer Zahra Bencharif. Mais au-delà ? Si chaque parti dit de toute façon constater, avant même de les croiser et synthétiser pour de bon, que leurs analyses et remèdes respectifs à la situation sont déjà très proches, quid de la politique menée par la majorité de droite et centre droit de Perdriau de 2014 à 2022 ? Sécurité, urbanisme, commerces, transports, environnement : fallait-il que ce qui fut leur propre camp, au moins pour une grande part des acteurs dans la salle vendredi, fasse en réalité autrement ? Alors même que des membres de cette même majorité sont de Saint-Etienne Ensemble 2026 ? A défaut d’une réponse de la part des dirigeants de partis – « ce n’est pas le sujet aujourd’hui ! », c’est un de ceux directement évincés par Gaël Perdriau, Claude Liogier qui nous répond :

« Oui, nous avons adhéré au projet et pour beaucoup décidé d’être de sa continuité en 2020. Et bien sûr que du bon travail a aussi été fait, comme nous le défendions encore il y a un peu plus d’un an. Mais il faut faire la différence entre le déroulement du premier et du second mandat. Au niveau de la gouvernance du maire, toujours plus autocratique, avec des adjoints au maire et non pas les maires adjoints que nous promettons d’avoir cette fois. D’autre part, nous estimons que ces deux, trois dernières années, le centre-ville a été de plus en plus délaissé à tous points de vue et que les dernières orientations prises ne vont plus dans le sens de ce à quoi nous adhérions. » Un peu plus tôt, Dino Cinieri avait attaqué plus frontalement : « C’est facile d’augmenter les impôts en se disant en danger pour finalement constater 12 M€ d’excédents et faire déjà campagne à tout va, en faisant la tournée des quartiers, en distribuant l’argent, en disant oui à tout brusquement. »    

Il faut faire la différence entre le déroulement du premier et du second mandat. Au niveau de la gouvernance mais pas que.

Claude Liogier, élu d’opposition, ex adjoint au maire de 2014 à 2024

En 2020, la liste Perdriau (adoubée LR / UDI et autres centre droit) avait réalisé près de 47 % des voix exprimés dès le 1er tour à Saint-Etienne. Le candidat d’En Marche 4,7 %. Il faudra réaliser 10 % des voix exprimés pour être du second tour. Certes mars 2020 et mai 2025 sont séparés par une éternité de faits nationaux et locaux, parfois croisés, et souvent bouleversants. Physionomie électorale de la ville compris ? Les données de l’équation restent de toute façon en grande partie à déterminer. A commencer par l’union complète ou non de la gauche. Mais aussi, la candidature de Gaël Perdriau à sa succession, à l’évidence attendue mais potentiellement empêchée techniquement. Si le maire de Saint-Etienne fait l’objet d’un procès cet automne avec conclusion d’inéligibilité avant les élections et qu’un appel ne pourra plus forcément parer. A moins que le passage au tribunal soit fixé à l’hiver ? Peu probable puisqu’encore plus « téléscopable » avec la campagne des Municipales ? Alors après l’élection ? Pas plus satisfaisant quant au risque immédiat encouru pour la vie publique si l’éventuel accusé était juste avant réélu. Le dépôt officiel de candidatures devrait, comme à l’accoutumée, se situer entre fin janvier et fin février 2026. De quoi laisser du terrain à d’autres bouleversements.

Maurice Vincent et la Convention sollicités ? « A ce stade, c’est précipité »

Si le PRG représente maigrement au sein de cette union son côté centre gauche, il peut se voir potentiellement garnir par le mouvement socio-démocrate lancé par l’ex PS Bernard Cazeneuve, la Convention, représentée dans la Loire par l’ex PS aussi et maire de Saint-Etienne de 2008 à 2014. Un appel du pied lui a été fait vendredi, son ancien adversaire Michel Thiollière compris lors d’une vidéo. Contacté par If Saint-Etienne ce matin, Maurice Vincent confirme la sollicitation et des échanges mais estime que donner une réponse à « ce stade, serait précipitée. Nous déciderons probablement à la rentrée à la suite d’une réflexion, j’insiste, collective et pas de mon seul fait. Notre mouvement attend déjà de connaître la ligne des socialistes vis-à-vis de LFI à la suite de leur congrès (ce 27 main Ndlr) mais il y a d’autres incertitudes comme le risque d’une motion de censure du gouvernement, voire de dissolution. C’est trop tôt. Saint-Etienne est une grande ville et ce qui passe au niveau national a forcément un impact sur ce type de décisions. Or, s’ajoute localement l’éventualité du procès…»