Par

Thibault Nadal

Publié le

28 mai 2025 à 5h58

On lui promettait de devenir les « Champs-Élysées de Marseille ». Avec son architecture haussmannienne typique de la capitale et son emplacement idéal entre le Vieux-Port et La Joliette, la rue de la République dispose de tous les éléments pour s’imposer comme une place économique forte. Mais aujourd’hui, ses commerçants tirent la langue et viennent de lancer une pétition contre le prix des loyers. « Je veux raisonner les bailleurs », explique Alain Chébane, l’instigateur de la fronde.

Près de 14000 euros de loyers mensuels

Ce qui a motivé Alain Chébane, gérant de la brasserie « Chez Alain » à lancer ce coup de gueule, c’est la décision de son bailleur américain d’augmenter son loyer. « Je paye désormais 13707 euros par mois contre 12000 euros auparavant ». Un loyer exorbitant pour un commerce d’une surface de 185 m2.

Pour justifier cette décision, les propriétaires des murs avancent auprès d’Alain Chébane « une hausse des charges locatives » comprenant notamment les ordures et l’éclairage.

Mon chiffre d’affaires est de 20000 euros par mois. Il faut retirer 13707 euros de loyer, 15000 euros de salaires et 10000 euros de marchandises. Je finis le mois avec 8000 euros de découvert, c’est juste impossible à tenir.

Alain Chébane
Gérant de « Chez Alain »

Le restaurateur ne paie plus son loyer

Déjà étranglé financièrement, le restaurateur a fait le choix depuis le mois de février de ne plus payer son loyer.

Afin de vivre de son métier, Alain Chébane devrait réaliser autour de 4 500 euros de chiffres d’affaires par jour. « Mon meilleur mois est à 1800 euros », confie amer le gérant de cette brasserie, située à deux pas du Vieux-Port.

Avec son architecture haussmannienne, la rue de la République détonne à Marseille.
Avec son architecture haussmannienne, la rue de la République détonne à Marseille. (©TN / actu Marseille)

Une situation qui n’est pas un cas isolé sur la rue de la République, puisque selon les derniers chiffres de la mairie transmis à actu Marseille, une quinzaine de commerçants ont signalé des loyers abusifs.

Un peu plus haut dans la rue, Olivier possède un commerce de glace. Il assure aussi être «étranglé». « Tu enlèves le loyer et les charges, ils ne restent plus rien », appuie le patron de La Glacier. Pour lui, le prix de son local représente 40 % de son chiffre d’affaires, 55 % chez Alain Chébane, alors que cela devrait être de l’ordre de 6 % par mois.

Les commerçants assurent aujourd’hui « travailler tous les jours avec la peur ». La crainte devoir baisser le rideau, comme nombre d’enseignes avec elles. Selon une source proche, plus d’une cinquantaine de locaux seraient vides sur la rue, longue de deux kilomètres.

« Le tissu commercial est affaibli »

Pourtant, au moment de se lancer dans cette aventure, il y a un an et demi, ce basque d’origine croyait « au potentiel » de cette rue. Après 18 mois, Alain Chébane se montre plus dur : « Ce n’est plus la rue de la République, c’est la rue de la pauvreté. »

Mais pas résigné pour autant. Déterminé à conserver son commerce, il entend se battre et propose des solutions à la mairie, comme la piétonnisation durant certains jours de la rue. Une proposition à laquelle est « favorable » Rebecca Bernardi, adjointe au maire en charge du Commerce, de l’Artisanat, des noyaux villageois, et de la vie nocturne. « Mais cette mesure serait très longue à mettre en place et nécessiterait d’importants travaux », explique l’élue à actu Marseille.

Au-delà de cette proposition, elle juge que ce sont « des réponses immédiates » qui doivent être apportées. Car la rue de la République n’est pas un cas isolé dans le centre-ville de Marseille.

« C’est tout le tissu commercial qui est affaibli », affirme Rebecca Bernardi, qui cite deux causes : la présence de centres commerciaux autour du centre-ville et la « rénovation du centre-ville qui a occasionné beaucoup de travaux ».

Quelles solutions ?

Pour sortir de cette situation, elle souhaite que la région mette en place des aides directes pour les commerçants et non une simple politique d’accompagnement à la formation, comme aujourd’hui.

De son côté, la ville va poursuivre sa politique de préemption entamée depuis plusieurs mois et va même aller encore plus loin. Elle va créer sa « société foncière et tertiaire ». Cela lui permet « d’aller plus que la préemption » en devant propriétaire de « rez-de-chaussée et d’immeubles et proposer des loyers raisonnés ».

Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.