Par
Thomas Bernard
Publié le
28 mai 2025 à 18h25
Le 16 février 1943, Pierre Laval, chef du gouvernement de Vichy, instaure la loi du Service du travail obligatoire (STO). Des milliers de jeunes Français, appelés les S.T.O, nés entre 1920 et 1922 sont requis et contraints de travailler Outre-Rhin pour répondre aux exigences de main-d’œuvre de l’Allemagne nazie.
Ce mercredi 28 mai 2025, France 3 diffuse « S.T.O. – Les oubliés de la victoire », un documentaire réalisé par Lucie Pastor et Paul Le Grouyer, sur les jeunes Français obligés par le régime de Vichy de travailler sur le territoire de l’occupant.
Des familles de S.T.O témoignent dans ce film. Parmi eux, Lydie Marlin, habitante de Nantes qui évoque le parcours de son grand-père. En parallèle de son témoignage, Lydie Marlin a réalisé en 2023 un documentaire intitulé « Papy S.T.O ». Un « itinéraire personnel » où elle retrace l’histoire de son ancêtre, Nasip Kaftandjian.
De l’Arménie à la Pologne
Lydie s’est lancée dans la réalisation de son documentaire après avoir découvert le journal intime de son grand-père où il raconte son passé de S.T.O. « Mon grand-père n’en parlait pas de son vivant. Il a gardé pour lui et l’a retranscrit par écrit. Il avait envie de transmettre son histoire sans nous la dire », explique Lydie Marlin.
Grâce au manuscrit, la Marseillaise d’origine retrace le parcours de son papy.
Après avoir fui l’Arménie suite au génocide arménien, Nasip Kaftandjian se réfugie à Marseille. Alors âgé de 29 ans, Nasip est requis par le gouvernement de Vichy en mars 1944 pour le S.T.O.
« Le 28 mars, il a été envoyé en Silésie dans un petit village appelé Markstädt où il était employé dans une usine d’armement sur une machine perceuse », narre la petite-fille de S.T.O.
L’usine d’armement du grand-père se trouve à côté d’un camp de travail, sous-camp du camp de concentration nazi de Gross-Rosen.
La seule fois que mon grand-père m’a parlé de son temps au STO, c’est pour me dire qu’il faisait très froid. Il avait des stalactites sous le nez.
Lydie Marlin
Réalisatrice du documentaire Papy S.T.O
Dans ses mémoires, Nasip Kaftandjian raconte croiser des Polonais, Italiens, Allemands, Arméniens, Russes et Français à Markstädt et voir les déportés du camp de travail voisin. « Les travailleurs de l’usine étaient séparés des déportés. Même si c’était interdit, il pouvait y avoir des échanges et de la solidarité entre eux », confie Lydie.
Nasip Kaftandjian a été contraint de travailler dans une usine d’armement pour l’Allemagne nazie. (©Lydie Marlin / transmis à actu Nantes)
Pour son documentaire, la réalisatrice est partie sur les traces de son grand-père en Silésie, aujourd’hui en territoire polonais. Sur place, elle a pu rencontrer des anciens travailleurs de la même usine que son grand-père où 12 000 personnes ont été mobilisées.
« J’ai voulu essayer de comprendre pourquoi on n’a pas parlé d’eux, parce que chaque S.T.O a une histoire particulière. Certains travaillaient sous les bombardements et voyaient leurs collègues mourir sur leurs yeux. Ce n’était pas le quotidien de mon grand-père mais il travaillait dans des conditions difficiles à côté de déportés qui mourraient de faim. »
« Il y a un certain tabou du S.T.O »
Après la Libération, on reproche aux requis du STO de ne pas avoir « désobéi ». Leurs histoires et souffrances ont été évincées du roman national, des commémorations et boudées par l’Histoire. Comme le titre France 3 dans son documentaire, ce sont « les oubliés de la victoire ».
Les requis du STO étaient victimes puisqu’ils ont été emmenés de force en Allemagne. Après la guerre, il y a eu des amalgames entre les volontaires partis en Allemagne et ceux qui étaient obligés d’y aller. Mon grand-père a obéi, c’était un réfugié qui voulait s’intégrer et qui a suivi ce qu’on lui a dit. Encore aujourd’hui il y a un certain tabou de parler du S.T.O.
Lydie Marlin
Réalisatrice du documentaire Papy S.T.O
Pour son film, Lydie a échangé avec Raphaël Spina, historien spécialiste de l’histoire de la collaboration et auteur d’Histoire du STO. L’historien s’inscrit dans une historiographie nouvelle qui s’intéresse au parcours des STO notamment les requis, victimes d’un exil forcé.
À travers son travail et son témoignage, Lydie Marlin veut « démystifier l’image des S.T.O » :
Pris au mieux pour des lâches, pris au pire pour des collaborateurs, les requis du S.T.O et leurs proches ont souffert en silence de manque de reconnaissance. Les documentaires de France 3 et de Lydie Marlin veulent redessiner le visage de milliers d’anonymes qui ont été privés de parole et dont leurs souffrances ont été occultées.
Infos pratiques :
« S.T.O-Les oubliés de la victoire », diffusion le mercredi 28 mai 2025 à 21h05 sur France 3.
Diffusion du documentaire « Papy S.T.O », le 26 novembre 2025 à May-sur-Evre (Maine-et-Loire).
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