Par
Yann Rivallan
Publié le
29 mai 2025 à 11h56
Le dossier ressemble de plus en plus à une impasse. Pourtant, la mobilisation ne faiblit pas aux abords de la préfecture de Seine-Maritime, à Rouen. Dans le quartier Pasteur, le campement installé au début du mois de mai par un collectif de jeunes mineurs isolés est toujours là. « Et tant qu’ils n’auront pas de réponses, ils ne partiront pas », insiste Dominique Pierre, bénévole du Réseau Éducation Sans Frontières qui prête main-forte depuis le début.
« Ils restent sur leurs positions »
Suite à l’installation le 2 mai, le collectif formé autour de la dizaine de mineurs isolés du campement a pu organiser quelques entrevues. Une première le 12 mai dernier avec les services de la préfecture s’est malheureusement soldée par un échec, selon les bénévoles.
Une délégation menée par plusieurs syndicats de l’éducation nationale (FSU, Solidaires et CGT Éduc) a aussi été reçue au rectorat de Rouen mardi 27 mai, selon nos informations. Mais là encore, les échanges se sont révélés infructueux : « Ils restent sur leurs positions », assure Dominique Pierre.
« Nous sommes abandonnés »
D’après les bénévoles interrogés, la minorité des jeunes installés à Pasteur n’est pas reconnue. Que ce soit en préfecture, à l’Éducation nationale ou au Département de la Seine-Maritime, la situation reste la même.
Une bonne partie d’entre eux sont engagés dans des procédures administratives pour tenter de faire reconnaître leur minorité. Mais en attendant « nous sommes abandonnés », regrettait Doss, le délégué du collectif début mai.
Depuis le 2 mai, le campement a bien évolué, avec notamment l’ajout de cette grande tente blanche, prêtée par la Ville de Rouen. (©YR/76actu)
Ce que demandent la dizaine de jeunes installés dans ce campement, c’est d’être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance et l’éducation nationale, même pendant leurs différents recours auprès des tribunaux. Sans ça, ils se retrouvent inévitablement à la rue.
Le campement s’organise pour tenir bon
En attendant leur prochain rendez-vous à l’hôtel du Département le 2 juin, les mineurs isolés du campement s’organisent. Depuis leur installation, des associations, des syndicats et même des passants leur viennent en aide.
Pour tenir, les jeunes du collectif ont installé des tableaux à craie où ils renseignent leurs besoins en nourriture et produits d’hygiène. (©YR/76actu)
La Ville de Rouen leur a fourni une grande tente pour qu’ils puissent se mettre à l’abri la nuit. Sur des tableaux à craie positionnés à l’extérieur, ils inscrivent leurs besoins en nourriture et produits d’hygiène. Chacun est ensuite libre de leur apporter quelques produits.
Pour se laver, ils utilisent les douches publiques ou sont accueillis généreusement chez des bénévoles. « Ils font même du ramassage de déchets et laissent l’endroit propre », note Dominique Pierre de RESF.
Chaque jour ou presque, des étudiants se relaient pour donner des cours bénévolement aux jeunes du campement. (©YR/76actu)
Pour les aider dans leur apprentissage avant une éventuelle prise en charge, des étudiants viennent également leur donner des cours de français, d’histoire, de mathématiques ou encore d’écriture.
Des élus demandent au Département de prendre ses responsabilités
Dans l’espoir de faire bouger la situation, les conseillers municipaux et départementaux Valentin Rasse-Lambrecq et Marie Fouquet (affiliés au Parti Socialiste) ont écrit un courrier au président du Département de Seine-Maritime, Bertrand Bellanger.
Ces jeunes ne sont pas une menace, ils sont vulnérables. Ils ne sont pas illégitimes, ils sont mineurs. Leur situation sanitaire, éducative et sociale requiert une réponse immédiate et digne. L’hébergement d’urgence, l’accès à la santé et à la scolarisation ne peuvent être différés au motif de délais administratifs ou de vérifications sans fin.
Valentin Rasse Lambrecq et Marie Fouquet
Conseillers départementaux
Ils demandent au président du Département de prendre ses responsabilités : « Nous vous demandons de mettre en place, sans délai, des dispositifs d’accueil provisoire adaptés à ces mineurs, de renforcer les moyens alloués à l’évaluation et à la mise à l’abri de ces jeunes et d’engager, en lien avec les services de l’État et les associations, un véritable plan d’action départemental pour la prise en charge des mineurs non accompagnés ».
Le Département dit ne pas pouvoir intervenir
Sollicité, Bertrand Bellanger répond par écrit : « À ce jour, aucun jeune non évalué par le service d’évaluation se déclarant mineur n’est en attente de mise à l’abri et d’évaluation. Ainsi, le collectif comprend probablement des jeunes déjà évalués et dont il ressort qu’ils sont majeurs ou qu’ils ne sont pas isolés, comme cela a pu être rappelé lors de la rencontre récente en préfecture à laquelle les services du Département ont participé. »
Il recontextualise la prise en charge des jeunes étrangers en Seine-Maritime : « Les services n’ont pas de délai d’attente. Lorsqu’un jeune étranger se déclare mineur et isolé, il est reçu dans la journée et sa situation est évaluée dans les jours qui suivent. En attendant l’évaluation, le jeune est accueilli et mis à l’abri immédiatement (hébergement compris). »
D’après le président du Département, « 1 016 jeunes étrangers et isolés » sont pris en charge en Seine-Maritime au titre de l’aide sociale à l’enfance. Concernant ceux installés à Pasteur, le Département assure ne pas pouvoir « intervenir dans leurs situations », du fait de leur supposée majorité ou non isolement.
Même si une rencontre est prévue le 2 juin, leur prise en charge reste donc, pour le moment, peu probable.
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