‘‘Sa place est dans un musée’’ serait-on tenté de dire pour paraphraser le professeur d’archéologie fictif Indiana Jones. C’est en tout cas l’avis de Vincent (1), propriétaire d’un tableau représentant saint Barthélemy et expertisé comme faisant partie d’un cycle de peintures religieuses conçues au XVIIe siècle par le maître espagnol Diego Velázquez.
Une toile ‘‘réapparue’’ miraculeusement à Metz en 2021 à la suite du décès du père de cet infirmier vivant à Grasse et officiant dans l’agglomération est-varoise.
« Ma sœur et moi avions sollicité les services d’un commissaire-priseur afin qu’ils prennent en charge la vente de la totalité des biens que contenait la maison de notre père qui collectionnait les antiquités. Lors de l’inventaire des biens, ce tableau, qui était accroché entre la friteuse et la machine à café, a suscité l’intérêt du professionnel qui a jugé bon de le faire expertiser. »
Pour ce faire, la peinture a été envoyée à Paris au célèbre et réputé cabinet d’Éric Turquin, surnommé ‘‘l’œil’’ pour sa capacité à détecter les tableaux de maîtres. « Après une longue étude de près de deux ans et la sollicitation d’historiens d’art ou encore de Guillaume Kientz, directeur de l’Hispanic society museum & library de New York, une conclusion a été rendue ».
Probablement pas de la main même de Velázquez mais…
Dans ce compte rendu, le tableau est attribué « entourage Velázquez » et est rattaché à la série incomplète d’apôtres – un apostolado – peinte par Velázquez dans sa prime jeunesse et au sein de laquelle figure notamment saint Thomas et saint Paul. « Dans le style caravagesque, de dimensions proches et qui porte une inscription similaire en lettres bâton, en haut, les identifiant par leurs prénoms ».
Néanmoins, les peintres de renom pouvaient laisser à d’autres le soin d’achever ces apostolados « pour se tourner vers des commandes plus intéressantes ou plus prestigieuses reçues entre-temps ». La paternité de ce saint Barthélemy au coloris terreux et habillé d’une cape reste donc drapée de mystère.
Une radiographie pour tâcher d’y voir plus clair
« On m’a fait comprendre que ce n’était probablement pas une œuvre peinte de la main même de Velázquez, mais sans jamais l’écarter formellement non plus. Dans tous les cas, elle mérite de plus amples approfondissements », poursuit Vincent.
Ainsi, l’intéressé a eu l’idée de faire réaliser une radiographie de sa toile. Une opération permettant de révéler les coups de pinceaux et donc la technique de l’artiste.
Il y a quelques jours, un radiologue raphaëlois a consenti à se prêter au jeu… Reste désormais à trouver un œil expert acceptant de se pencher sur ces clichés offerts par les rayons X.
Ce qui, contre toute attente, se révèle assez complexe depuis le début des recherches de Vincent. « Je me suis notamment rapproché du musée des Beaux-Arts d’Orléans qui a récemment organisé une exposition sur l’Apostolado de Velázquez. D’ailleurs, un tableau avait été rajouté en cours d’exposition après qu’un collectionneur privé en a fait la révélation. Et dans le cas de ce tableau-ci, des infrarouges et une radiographie ont rapidement été effectués sous l’égide du musée qui l’a tout aussi promptement exposé ».
Le désir voir l’œuvre exposée
Aujourd’hui, Vincent se trouve dans la plus parfaite incompréhension. « Pourquoi ce tableau n’a pas davantage attisé la curiosité des spécialistes? Parfois, j’ai l’impression qu’ils ne veulent pas mettre leur réputation en jeu en affirmant ou en infirmant la paternité de cette œuvre. Je me demande également si les musées n’attendent pas que je la mette en vente sans confirmation de son origine [le tableau a été estimé entre 60.000 et 80.000 euros en l’état actuel, NDLR] afin de la faire éventuellement authentifier après rachat. Mais ça n’arrivera pas, car si elle a été initialement mise entre les mains d’un commissaire-priseur avec le reste des biens de mon père, je n’ai aujourd’hui aucune intention de la vendre. »
Cependant, de son propre aveu, Vincent estime qu’il serait dommage que cette pièce reste uniquement accessible à ses yeux et à ceux de ses proches. D’autant que ce dernier est « davantage amateur d’art contemporain » que de peinture baroque.
Aussi, ce dernier exprime « le désir de notre famille de voir ce saint Barthélemy exposé ». Qu’il soit, ou non, reconnu comme l’œuvre du maître espagnol.
Cela pourrait bientôt être le cas: tout récemment, la toile accompagnée de sa radiographie a suscité un regain d’intérêt de la part d’un commissaire d’exposition du musée des Beaux-Arts d’Orléans.
Affaire à suivre…
1. Le prénom a été changé par souci d’anonymat.