L’Allemagne séduit les étudiants étrangers à coups de promesses de reconnaissance de diplômes, de filières anglophones et de visa accéléré. Mais, une fois sur place, beaucoup déchantent, faute de logement abordable. Der Spiegel dresse un constat sévère : le marché immobilier, saturé et discriminant, mine les ambitions d’intégration à long terme. “Bienvenue en Allemagne, mais nous n’avons pas de chambre”, résume l’hebdomadaire.

Chaque année, des milliers d’étudiants venus d’Inde, de Chine, de Turquie ou d’Australie rejoignent les universités allemandes. En 2024, ils représentaient près d’un tiers des nouveaux inscrits, selon l’Office fédéral de la statistique. Pour l’économie allemande, ils sont cruciaux : une étude du très libéral Institut de l’économie allemande (IW) commandée par l’Office allemand d’échanges universitaires (Deutscher Akademischer Austauschdienst, DAAD), montre que, “quelques années après leur diplôme, leurs impôts dépassent les aides qu’ils ont reçues pendant leurs études”. Et pourtant, plus de la moitié d’entre eux quittent l’Allemagne dans les dix ans.

Une angoisse constante

Le principal obstacle ? Se loger. “Après deux semaines, je n’arrivais plus à dormir, ma tête continuait à bourdonner 24 heures sur 24”, confie Prashant Makwana, étudiant indien, épuisé par des allers-retours entre Ingolstadt et Rosenheim faute de logement. Beaucoup, comme lui, passent des semaines sans recevoir de réponses à leurs dizaines de candidatures, victimes de discrimination – près de 40 % des étudiants étrangers peinent à obtenir un logement contre 24 % des Allemands.

Les plus vulnérables tombent dans les pièges de fausses annonces, de loyers abusifs ou de logements multiples pour un même bail. Kumar Ashish, président du syndicat des étudiants étrangers, alerte : “De nombreuses personnes vivent leur arrivée en Allemagne avec une peur totale.”

Malgré quelques efforts (programme de politique publique, quotas en résidence universitaire), les résultats sont lents. Il faut en moyenne trois ans pour qu’un nouveau logement étudiant sorte de terre. En attendant, les résidences privées surfent sur la crise et proposent des micro-appartements à plus de 1 000 euros, hors de portée pour la majorité.

Stéphanie Herta est australienne et a déboursé plus de 40 000 euros pour son master en psychologie. “Je pensais que je ne pourrais pas terminer mes études parce que je deviendrais une sans-abri”, dit-elle.

L’Allemagne attire, mais ne retient pas. Sans logement digne, les talents formés s’en vont. Le paradoxe est cruel : former des forces vives pour les voir partir faute de toit.