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Les ministres des Affaires étrangères de l’Union ont adopté le programme SAFE qui prévoit des prêt 150 milliards d’euros.
Aux yeux du Français Benjamin Haddad, le ministre délégué en charge de l’Europe, il s’agit « d’une étape et il faudra aller plus loin ».
Plusieurs pays non-membres, comme la Norvège ou la Suède pourraient participer au programme Safe.
L’instrument de prêt de 150 milliards d’euros est destiné à stimuler la production de défense dans l’ensemble de l’Union, en consacrant une préférence européenne de 65 % à 35 %.
Voici les principaux éléments à retenir :
La préférence européenne
Les États membres se sont ralliés à la proposition de la Commission selon laquelle, pour bénéficier des fonds de l’UE, un minimum de 65 % (article en anglais) de la valeur du système d’arme acquis doit être réalisé dans un État membre de l’UE, en Ukraine ou dans un pays de l’Espace économique européen/Association européenne de libre-échange.
Les 35 % restants peuvent provenir de n’importe quel pays tiers.
Mais certains pays tiers peuvent être mis à niveau et participer à hauteur de 65 %. Pour cela, ils doivent avoir conclu un partenariat de sécurité et de défense (PDS) avec l’Union européenne, condition préalable à la conclusion d’un second accord bilatéral qui leur permettrait d’accéder à ce programme spécifique.
L’UE a conclu sept PDS de ce type avec la Norvège, la Moldavie, la Corée du Sud, le Japon, l’Albanie, la Macédoine du Nord et ,depuis cette semaine, avec le Royaume-Uni.
Autorité de conception
L’UE souhaite également exercer un certain contrôle sur les composants et les logiciels provenant de l’étranger en veillant à ce que les entreprises nationales soient habilitées à les concevoir.
Il s’agit de s’assurer que les pays tiers ne puissent pas bloquer l’utilisation, par le biais d’un « kill switch » comme le pratique les États-Unis par exemple sur son programme de chasseurs F35, ou la réexportation de l’ensemble du système d’armes.
Quel est l’objectif ?
L’UE veut être en mesure de se défendre, seule si nécessaire, contre un agresseur dans les années à venir et, pour ce faire, elle reconnaît qu’elle doit augmenter considérablement ses dépenses de défense et stimuler la production nationale.
En effet, la guerre menée par la Russie en Ukraine a mis en lumière les déficiences et les dépendances de la base industrielle de défense européenne, tandis que le retour de Donald Trump à la Maison Blanche a jeté le doute sur la poursuite du soutien militaire des États-Unis à long terme.
Traditionnellement, et encore aujourd’hui, Washington est le principal pourvoyeur de la sécurité européenne.
Le président américain a longtemps fustigé les alliés européens de l’OTAN qui ne dépensaient pas assez, et a laissé entendre que les États-Unis pourraient décider de ne pas venir en aide aux alliés qui ne dépenseraient pas jusqu’à un certain niveau, ou qu’ils pourraient retirer des troupes et des équipements du sol européen.
On craint également de plus en plus que l’aide militaire de Washington à l’Ukraine ne soit supprimée, laissant les Européens assumer seuls le fardeau.
Le plan « Préparation 2030 » de la Commission, dont SAFE est un pilier essentiel, vise à stimuler les commandes, à sécuriser les chaînes d’approvisionnement et à activer les lignes de fabrication en incitant les États membres à mettre en commun les achats pour certaines capacités considérées comme prioritaires.
Il s’agit notamment des munitions, des systèmes de drones et anti-drones, de la défense aérienne, de la mobilité militaire et de la guerre électronique.
Fonctionnement des paiements SAFE
Si les ministres approuvent l’accord soutenu par les ambassadeurs lors du Conseil « Affaires générales » du 27 mai, les États membres disposeront alors de deux mois pour élaborer les projets pour lesquels ils souhaitent obtenir des fonds de l’UE. Pour être éligible, chaque projet doit inclure au moins deux pays. La Commission aura alors jusqu’à quatre mois pour les analyser.
Si la réponse de la Commission est positive, les États membres pourront demander le versement d’une première enveloppe pouvant aller jusqu’à 15 % du coût total estimé.
Ils devront ensuite tenir la Commission informée de l’évolution du projet tous les six mois, ce qui pourrait donner lieu à d’autres déboursements. La dernière approbation de déboursement peut avoir lieu jusqu’au 31 décembre 2030.
Pourquoi passer par SAFE ?
La Commission jouit d’une cote de crédit AAA auprès de la plupart des grandes agences de notation, notamment Fitch Ratings, Moody’s et Scope.
Pour certains États membres, il pourrait donc être moins coûteux de se voir prêter par la Commission des fonds qu’elle a levés sur le marché que de les lever eux-mêmes. Le SAFE accordera également des prêts à long terme, d’une durée maximale de 45 ans et assortis d’un délai de grâce de 10 ans pour le remboursement du capital.
Les prêts seront garantis par le budget de l’UE, ce qui signifie que les États membres n’auront pas à débourser d’argent supplémentaire si les coûts de remboursement augmentent, comme ce fut le cas pour le programme de relance post-COVID, en raison de la hausse des taux d’intérêt due à la pandémie qui a frappé l’économie mondiale et à la guerre menée par la Russie en Ukraine.
Un autre avantage de l’utilisation de SAFE est que les États membres n’auront pas à payer la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les achats.
Qui peut l’utiliser ?
Cinq États membres sont notés AAA : le Danemark, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède. Plusieurs n’ont même pas la note A, comme la Bulgarie, la Grèce, la Hongrie et l’Italie. La plupart se situent entre les deux.
La Lettonie, qui est notée A, a déjà indiqué qu’elle souhaitait puiser dans le SAFE pour financer la montée en puissance de sa défense.
Ce petit pays balte prévoit d’allouer 3,65 % de son produit intérieur brut aux dépenses de défense cette année, puis 4 % l’année prochaine.
Neale Richmond, ministre de la Défense de l’Irlande, un pays militairement neutre qui jouit d’une note AA, a déclaré mardi que le pays « considérera absolument le SAFE comme un moyen d’acquérir potentiellement plus d’équipements plus rapidement » ou comme une opportunité d’obtenir des dérogations en matière de TVA, mais qu’il « n’aurait probablement pas besoin du processus SAFE pour accéder à des fonds ».
L’activation de la clause de sauvegarde nationale – l’autre pilier financier du plan « Préparation 2030 » de la Commission pour la défense – est un indicateur possible de l’appétit des États membres. Quatorze Etats membres ont demandé à pouvoir s’écarter des règles fiscales de l’Union pour augmenter les dépenses de défense, ce que la Commission considère comme un succès.
Il s’agit de la Belgique, de la Bulgarie, du Danemark, de l’Estonie, de la Finlande, de l’Allemagne, de la Grèce, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Pologne, du Portugal, de la Slovaquie et de la Slovénie.
En outre, le fait que les pays puissent décider de contracter des prêts SAFE non pas pour renforcer leurs propres stocks, mais pour envoyer davantage de soutien militaire à l’Ukraine, pourrait stimuler la participation dans les États membres où l’augmentation de la production de défense et le réarmement pourraient être politiquement sensibles.