Le timing était presque trop parfait. À peine un jour après que l’artiste Banksy a révélé sur Instagram une nouvelle oeuvre à Marseille – un phare noir projetant une lumière blanche sur fond de poésie mélancolique – la fresque était déjà détériorée. Dans la nuit du 31 mai au 1er juin, un inconnu a barbouillé la façade d’un graffiti violet, ajoutant deux testicules de part et d’autre de l’image transformant ainsi le jeu d’ombre entre un poteau et la lumière du phare en… phallus assumé.

Au petit matin, la restauratrice Agnès Perrone mobilisée depuis l’annonce de la découverte est intervenue. Malgré un vernis anti-graffiti pas encore pleinement efficace, elle a réussi à effacer les ajouts sans altérer l’œuvre originale. « Je trouve ça très con. Mais en même temps, je suis Marseillaise : c’est un sport national de combattre les tags ici », a-t-elle confié à l’AFP. À midi, le phare avait retrouvé sa clarté, et la phrase qui l’accompagne, « I want to be what you saw in me » ( Je veux être ce que tu as vu en moi ), pouvait à nouveau être lisible sans entrave.

Installée rue Félix-Frégier, non loin des Catalans, l’œuvre n’a pas été signalée par hasard. C’est via les réseaux sociaux que l’artiste de street art mythique l’a dévoilée, un post sans légende, fidèle à sa méthode de communication minimaliste. En jouant avec le mobilier urbain, ici, l’ombre d’un poteau devenant partie intégrante du pochoir, il continue de tordre le réel avec une simplicité désarmante. Le message, quant à lui, est à double tranchant. Intime mais livré à un espace public comme une lettre ouverte que chacun peut s’approprier.

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Et l’appropriation, justement, est au cœur du débat. Banksy, fervent défenseur de l’art dans l’espace urbain et sa gratuité accepte et embrasse l’idée de l’éphémère. Il a même orchestré la destruction en direct de La petite fille au ballon dans une salle des ventes. À Marseille, c’est l’ironie du destin. Une œuvre apparue sans autorisation est protégée comme un trésor puis vandalisée, restaurée…et devenue en 48 heures une attraction. L’ombre d’un poteau, quelques coups de bombe de peinture, un pochoir, et voilà la ville qui s’enflamme.

Connue pour ses murs couverts de graffitis, du Panier aux abords du Vieux-Port, Marseille accueille les tags comme d’autres accueillent les statues. La venue surprise de Banksy dans la citée phocéenne a ravi autant qu’elle a réveillé touristes, curieux et photographes. Tous ont convergé vers cette ruelle discrète entre deux bains de mer et un concert de Bruce Springsteen au Vélodrome. Et si le phare de Banksy n’est resté intact que quelques heures, il a déjà trouvé sa place dans la mémoire de la ville.