Est-ce la fin de l’interminable saga de l’A69 ? S’inspirant de la motion de rejet adoptée contre la loi Duplomb – qui a permis d’évincer 3 500 amendements et des semaines de débat – les fervents défenseurs de l’A69 viennent de voter la motion de rejet déposée symboliquement par la France insoumise. Dans un geste peu commun mais calculé, le bloc central, la droite et l’extrême droite se sont joints aux voix de la gauche pour rejeter le texte. Désormais, la proposition de loi dite de «validation» de l’autoroute entre Toulouse et Castres, qui devait être examinée ce lundi 2 juin dans la niche parlementaire des députés macronistes Ensemble pour la République file directement en commission mixte paritaire, où le texte est quasi-certain d’être adopté.

Par ce vote, les parlementaires viennent ainsi d’acter leur passage en force dénoncé de toutes parts. Après leur victoire sans difficulté au Sénat, ils sont proches de légaliser définitivement les autorisations environnementales du ruban de bitume de 53 km, pourtant annulées le 27 février par le tribunal administratif de Toulouse. En clair, la «raison impérative d’intérêt public majeur» du projet, rejetée par la justice faute de motivation sérieuse, va être reconnue par la loi.

Sur les bancs de la gauche, c’est la stupéfaction. Quelques heures plus tôt, la députée écologiste de Haute-Garonne Christine Arrighi ne pouvait se résoudre à un tel scénario : «Je doute que Jean Terlier [le rapporteur de la loi, ndlr] aille jusqu’à voter la motion de rejet de La France insoumise.» Avant de douter : «Quoique avec eux, tout est possible.» Et ils l’ont fait. Pour l’élue, c’est la preuve ultime que le bloc central-droite-extrême-droite souhaite «priver les citoyens de débat et même du droit à la parole». Le groupe écologiste a pour sa part, quitté l’hémicycle avant le vote de la motion de rejet.

Au micro, Mathilde Panot, cheffe de file des députés insoumis, qui ont tous voté pour la motion de rejet, laisse éclater sa colère, qu’on peine à saisir dans le brouhaha ambiant : «Deux choses : aujourd’hui vous nous avez offert une victoire car le seul vote de l’Assemblée nationale sur l’A69 a été le rejet complet de votre proposition de loi et le Conseil constitutionnel ne pourra que retoquer ce détournement manifeste du débat parlementaire». Avant d’asséner, en direction de la majorité : «Faites attention à ce que vous faites.» Ce à quoi Jean Terlier, même niveau sonore, lui rétorque : «Vous ne convaincrez personne Madame Panot. Vous avez décidé de maintenir votre motion de rejet. C’est l’arroseur arrosé. C’est pour l’A69 que ce vote a eu lieu.» En effet, l’ensemble des groupes centraux et de droite ont justifié leur vote en faveur de la motion de rejet afin d’éluder les 766 amendements déposés par les écologistes et les insoumis.

Un échec cuisant pour les opposants. La décision de la cour administrative d’appel de Toulouse, mercredi 28 mai, autorisant la reprise des travaux, avait déjà particulièrement secoué les activistes du climat et les élus opposés au chantier de 53 km devant relier Toulouse à Castres. Mais la menace que le projet ne soit définitivement entériné a, semble-t-il, ravivé la flamme de leur mobilisation. Ce matin, le Groupe national de surveillance des arbres a investi les platanes face à la Chambre basse, avant de redescendre calmement dans l’après-midi, en accord avec les forces de l’ordre.

Désormais, la proposition de loi doit être peaufinée en commission mixte paritaire, où sept sénateurs et sept députés doivent se mettre d’accord. Nul doute qu’ils parviendront à un texte commun, la gauche étant minoritaire. Encore faut-il que cette loi, qui brouille la séparation des pouvoirs, passe l’étape du Conseil constitutionnel.