REVUE DE PRESSE – Alors que la sixième puissance économique européenne vient d’élire un nouveau président conservateur, les journaux analysent la nouvelle donne politique et ses incertitudes.
Ce qui va se jouer sur la scène politique polonaise ces prochains mois représente «bien plus qu’une confrontation politique intérieure», selon le Corriere della Serra. Pour le quotidien italien, après la victoire sur le fil du rasoir du candidat nationaliste Karol Nawrocki à la présidentielle polonaise, «c’est l’avenir de l’intégration européenne qui est en jeu». L’élection a donc été suivie de près par la presse internationale, intéressée par la situation politique de la principale économie d’Europe centrale. Tous les organes de presse ont noté la participation record de près de 72% à ce scrutin.
D’un point de vue purement politique, la BBC annonce «la prolongation d’un conflit entre les deux groupes qui dominent la scène polonaise depuis deux décennies», le parti national-populiste Droit et Justice (PiS) et le parti de centre-droit, Coalition civique. Pour le journal allemand Die Zeit, il fait en effet peu de doutes que Karol Nawrocki «continuera à utiliser le veto présidentiel, comme l’a fait son prédécesseur Andrzej Duda , pour bloquer les lois votées par le gouvernement du premier ministre Donald Tusk». Selon le média américain CNN, le résultat de ces élections présidentielles est d’ailleurs «le pire scénario pour Donald Tusk, qui a peiné ces derniers mois à mettre en œuvre son ambitieux programme». Le quotidien conservateur polonais Rzeczpospolita prédit une cohabitation «intense». Alors que Tusk et Nawrocki se sont lancé «les pires insultes», «trouveront-ils la sagesse de surmonter les traumatismes du passé ?», interroge encore le média.
«Deux visions sociétales aux antipodes»
Pour le quotidien suisse Le Temps, ce scrutin serré prouve que la Pologne «reste un pays extrêmement divisé, où se font face deux visions sociétales aux antipodes». Parmi les sujets susceptibles de faire face à un blocage : «l’avortement, les droits LGBT, l’immigration ou encore l’aide aux réfugiés ukrainiens». Alors que le projet politique précis du nouveau président, notamment sur le volet économique, reste flou, le journal juridique polonais Gazeta Prawna se demande s’il prendra en considération les «véritables défis auxquels sont confrontées nos finances publiques», tels que «l’ampleur de la dette, le vieillissement de la population ou le besoin d’investir dans la défense».
L’orientation de Nawrocki en matière de politique internationale sera particulièrement scrutée et fait déjà l’objet de quelques analyses. Pour Die Zeit, il est évident que l’arrivée au pouvoir de ce personnage, qui a érigé Donald Trump en «modèle», signera un rapprochement entre la Pologne et les États-Unis. «En raison de la peur de son ennemi de longue date, la Russie, et du scepticisme envers son ancien ennemi de longue date, l’Allemagne, la Pologne dépend davantage des États-Unis pour sa sécurité que d’autres pays», poursuit le journal allemand. Un politologue du Tagespiegel annonce, pour sa part, l’avènement d’une version polonaise du «Maga» («Make America Great Again», NDLR).
Une position incertaine vis-à-vis de l’Ukraine
Alors que la Pologne faisait partie jusqu’à maintenant de la «coalition des volontaires» avec la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, affichant un soutien vigoureux à l’Ukraine, les cartes pourraient être rebattues. Selon le Kyiv Post, «les implications de cette élection sont claires» : «Nawrocki va s’engager à bloquer la candidature de l’Ukraine à l’OTAN pour gagner les faveurs des électeurs de la Confédération, ce parti nationaliste et libertarien.» La victoire du candidat est en effet, en grande partie, due à leurs reports de voix. Au-delà de l’adhésion à l’OTAN, deux questions restent en suspens : l’aide financière à l’Ukraine et accueil des réfugiés ukrainiens. De façon générale, le Kyiv Post estime «le spectre d’une attitude anti-Kiev en Europe de l’Est s’est accru».