A couper le souffle de Alexis Laipsker*

A couper le souffle de Alexis LaipskerA couper le souffle de Alexis Laipsker Michel Lafon

Le commissaire Venturi revient dans une nouvelle enquête mais qui, cette fois-ci, va le toucher personnellement car c’est sa propre fille qui va être enlevée par un tueur en série. Un pervers diabolique qui enterre ses victimes vivantes, les laissant agoniser, distribuant des indices diffus afin que les secours arrivent tout juste après la mort. 17 heures. Voilà le temps qu’il reste au Cow-Boy, surnom de ce policier qui a des méthodes plutôt expéditives, pour retrouver sa fille Emma. Un roman qui se lit en apnée, rythmé par le décompte macabre des heures d’oxygène restant. Si on retrouve le commandant Elisabeth Guardiano et la psy Olivia Montalvert qui l’ont déjà épaulé sur ses précédentes affaires, cette fois Venturi est mis à pied car trop proche de la victime et devra enquêter de son côté. On comprendra très vite qu’un père est prêt à tout pour sauver son enfant.

*Michel Lafon, 380 pages, 20,95 €

La longue route de Bernard Moitessier par Stéphane Melchior et Younn Locard*
La longue route de Bernard Moitessier par Stéphane Melchior et Younn LocardLa longue route de Bernard Moitessier par Stéphane Melchior et Younn Locard Gallimard BD

Liberté, solitude, renoncement et communion avec l’océan, c’est ce qui attend les lecteurs dans cet incroyable roman graphique qui retranscrit en images le journal de bord du marin Bernard Moitessier qui, en 1968, a relevé le défi lancé par le Sundey Times pour un tour du monde en solitaire. Moitessier n’est pas un compétiteur, ce n’est ni l’appât du gain, ni la gloire médiatique qui l’a attiré. C’est un aventurier, un homme qui aime défier et communier avec la nature, qui vit pour l’océan et comprend, à l’instinct, les brises, les nuages, les courants.

Dans son journal de bord, il raconte la mer, la fatigue, les imprévus avec le vocabulaire qui devient petit à petit familier – foc, tourmentin, méridienne, déferlante, houle, artimon… Grâce à la précision des dessins et des couleurs, on ne lit pas cette traversée, on la vit !

 » On est seul pour jouer avec la mer tout entière… seul avec le passé, le présent et le futur. « 

* Gallimard BD, 344 pages, 29 €

Dans le magasin des papas j’aurais choisi Toi de Mathou*
Dans le magasin des papas j'aurais choisi Toi de MathouDans le magasin des papas j’aurais choisi Toi de Mathou Robert Laffont Jeunesse

C’est le livre mignonnet à offrir à son papa. Une déclaration d’amour en images avec des moments que chaque enfant a dû partager. L’illustratrice Mathou, après celui destiné aux mamans, met en scène la vie d’une petite fille avec son papa. Des histoires avant de dormir aux ratés d’un papa pas vraiment parfait mais qui fait de son mieux. Tellement touchant, à lire et à relire dans les bras de son papa !

Robert Laffont Jeunesse, 40 pages, 14,90 €

Tsar Bomba, les paradoxes d’Andreï Sakharov de Fabien Grolleau et Cyrille Elophe*
Tsar Bomba, les paradoxes d'Andreï Sakharov de Fabien Grolleau et Cyrille ElopheTsar Bomba, les paradoxes d’Andreï Sakharov de Fabien Grolleau et Cyrille Elophe Glénat

Si on connaît la vie et le destin d’Oppenheimer, celui qui a permis aux États-Unis de posséder la bombe H, son homologue russe est moins connu. Le nom d’Andreï Sakharov nous dit pourtant  » quelque chose « . Ce roman graphique retrace le parcours historique de ce scientifique passionné, contraint par le système soviétique de dévouer sa vie à la cause.

Avec ses graphismes et sa colorimétrie évoquant les affiches anciennes de l’époque soviétique, Tsar Bomba invite le lecteur dans la tête d’un homme qui se rêvait humaniste et qui a pourtant permis à l’URSS d’acquérir la pire arme mortelle. Un homme broyé par le système et la propagande qui a pourtant réussi à se révolter. Ce biopic teinté d’onirisme a puisé sa source dans l’autobiographie de Sakharov, un récit inspirant sur ce discret antihéros devenu Prix Nobel de la paix.

* Glénat, 160 pages, 22,50 €

Caballero Bueno – Une enquête de l’inspecteur Valverde de Thomas Lavachery et Thomas Gilbert*
Caballero Bueno - Une enquête de l'inspecteur Valverde de Thomas Lavachery et Thomas GilbertCaballero Bueno – Une enquête de l’inspecteur Valverde de Thomas Lavachery et Thomas Gilbert Rue de Sèvres

Au début du XXe siècle, l’île de Pâques n’est pas seulement ce lieu hors du temps parsemé de statues géantes. Appartenant au Chili, elle est aussi exploitée par les Anglais et la population autochtone parquée dans une réserve. C’est sur ce bout de terre, qu’un administrateur britannique est assassiné. Mais l’enquête piétine et l’inspecteur Valverde, dépêché du Chili, va mener l’enquête. Homme imposant, mélomane qui aime les plaisirs de la table et surtout fin limier, il va se plonger dans les secrets des habitants : les tribus opprimées, le coadministrateur homme violent et alcoolique, les militaires sur place depuis trop longtemps et les quelques femmes assez courageuses pour rester. Un polar ethnologique et historique captivant !

*Rue de Sèvres, 176 pages, 25 €

Une enquête de Flavia de Luce – Crime sur le paillasson de Alan Bradley*
Une enquête de Flavia de Luce - Crime sur le paillasson de Alan BradleyUne enquête de Flavia de Luce – Crime sur le paillasson de Alan Bradley Verso

Direction l’Angleterre, années 50, pour un cosy mystery gothique désuet et plutôt intrigant. La narratrice est une fillette de 11 ans, Flavia, curieuse, débrouillarde, passionnée de chimie qui découvre un matin dans le potager du manoir un homme agonisant. Ce même homme qui, le soir même, s’est disputé avec son père… Dans son dernier souffle, il lui adresse le mot  » Vale « . Quel est le lien entre ce cadavre, le père de Flavia et l’oiseau retrouvé mort sur le paillasson un timbre dans le bec ? Le jeu de pistes peut commencer, sans effusion de sang ni violence superflue.

Un roman policier aux accents british avec une Sherlock Holmes en herbe dont le charme va être adapté en série sur Netflix.

* Verso, 480 pages, 14,90 €

Promis, juré de Isabelle Lagarrigue*
Promis, juré de Isabelle LagarriguePromis, juré de Isabelle Lagarrigue Charleston poche

Tout commence par une lettre. Chaque citoyen français, âgé d’au moins 23 ans, inscrit sur les listes électorales et sans antécédent judiciaire et sachant lire et écrire peut la recevoir : la convocation pour être juré d’assises. Une missive que l’on ne peut refuser. Un tirage au sort décidé par le destin.

Dans Promis, juré, l’autrice française Isabelle Lagarrigue raconte cette expérience particulière dans un roman choral original. Elle ne s’attache pas à l’affaire – le meurtre d’un manager par son employée lors d’un entretien annuel. Ni au verdict. Son point de vue est celui de Dylan, Martine et Norma.  Comment des citoyens lambda se retrouvent, le temps d’un procès, à mettre leurs vies entre parenthèses et à s’interroger sur eux-mêmes. Parmi les jurés sélectionnés, ce sont leurs voix que l’on va entendre.

Trois personnalités différentes et trois profils de vie que tout oppose qui vont pourtant se lier et se livrer en se retrouvant, le soir, dans l’hôtel qui les héberge le temps du procès. Ce statut provisoire abolira les frontières que la société a établies et les poussera à l’introspection, ébranlera leurs convictions. Au-delà des personnages criant de vérité et de sincérité, l’autrice emmène le lecteur à se questionner sur ses propres choix. Un roman fort comme un miroir de la société. Une analyse juste et maîtrisée des rapports entre les hommes.

* Charleston Poche, 272 pages, 19 euros

La Psy de Freida McFadden*
La Psy de Freida McFaddenLa Psy de Freida McFadden J’ai Lu

Impossible de ne pas conseiller un roman de celle qui truste les premières places des ventes de livres avec ses thrillers domestiques, on parle bien entendu de l’autrice américaine Freida McFadden. On a choisi La psy qui vient de sortir en poche. Un huis clos maîtrisé et oppressant. Le décor : une immense maison perdue au milieu de nulle part inhabitée depuis des années, une tempête de neige et plus de réseau téléphonique. Tricia et Ethan, jeunes mariés, devaient visiter cette belle demeure en compagnie de leur agent immobilier que les caprices de la météo a retardé. Le couple se retrouve isolé et forcé de s’y réfugier en attendant la fin de la tempête. Tricia a un mauvais pressentiment d’autant plus que cette maison appartenait à une psychiatre très célèbre mystérieusement disparue il y a 3 ans. Des choses étranges se passent : une lumière à l’étage alors qu’il n’y a personne, des empreintes de pas dans la poussière, des craquements, des portes qui claquent. Quels secrets se cachent dans la maison ?

 » Tout le monde ment « , ce sont les premiers mots du prologue qu’on gardera en tête au fil des pages pour comprendre le présent, avec Tricia et Ethan pas si lisses qu’ils n’y paraissent, mais aussi le passé quand Adrienne Hale, la fameuse psychiatre habitait ce manoir isolé. Un puzzle psychologique entre manipulation, trahison et chantage où la tension restera à son maximum jusqu’au dénouement.

* J’ai Lu, 416 pages, 8,60 euros

Miles Davis et la quête du son de Dave Chisholm*
Miles Davis et la quête du son de Dave ChisholmMiles Davis et la quête du son de Dave Chisholm Glénat

En 1982, le trompettiste de jazz Miles Davis a fait un infarctus le privant temporairement de l’usage de sa main droite. Pour sa rééducation, on lui a mis un crayon dans la main. « Je ne dessine pas, je fabrique du son » seront les mots qu’il a répliqué au docteur. Et pourtant, par cet art, le musicien va réussir à créer quelque chose, à revivre et à avancer dans cette quête qu’il a mené pendant 50 ans, celle du son ultime.

En partant de cet événement tragique, Dave Chisholm à la fois musicien jazz et artiste-graphiste a réalisé une bande dessinée sur la vie du grand Miles Davis. Pour aborder avec le plus d’exactitude ce musicien hors norme, il a puisé dans ses mémoires, ses essais et autres interviews, ce qui lui a permis de dresser un portrait précis de ce génie créatif qui ne voulait pas que sa musique soit simplement réduite au jazz. Il prônait la liberté du son, un art vivant et créatif : « Pour être un grand musicien, il faut toujours rester ouvert à la nouveauté, à ce qui se passe autour de soi. » La BD n’occulte pas non plus le côté sombre de l’artiste : ses déboires, les femmes de sa vie, ses accès de violence, son addiction à l’héroïne, à la cocaïne et ses sautes d’humeur. 

On voit à travers les pages défiler les grands noms de la musique afro-américaine Coltrane, Hendricks, Parker, Bird, Quincy Jones… comme un inventaire surréaliste de cette époque.

Un roman graphique particulièrement dense, où la colorimétrie suit les tendances musicales de Miles et dont la mise en scène a été saluée par Erin Davis, le fils de Miles dans l’avant-propos. 

* Glénat, 160 pages, 23 euros

Fatherland, une histoire de famille de Nina Bunjevac*
Fatherland, une histoire de famille de Nina BunjevacFatherland, une histoire de famille de Nina Bunjevac Gallimard BD

Fatherland est une bande dessinée difficile, graphiquement dure avec des traits noirs et droits emprunts de réalisme d’où il se dégage une certaine distance et beaucoup de froideur. Peut-être parce que l’autrice y parle de violence et de ses traumatismes : une fille qui écrit sur son père, un homme considéré comme terroriste. Peter Bunjevac, un nom oublié qui a pourtant fait parler de lui au Canada en 1977 car il faisait partie des activistes serbes en Amérique du Nord, des anticommunistes commettant attentats et autres actions punitives au nom de l’indépendance de la Serbie.

En 1975, la mère de Nina, effrayée par les actions de son mari et son comportement violent, décide de retourner en Yougoslavie avec ses enfants. Sauf qu’elle ne pourra emmener que ses deux filles et devra se résoudre à abandonner son fils en le laissant avec Peter. Un déchirement pour toute la famille. Entre flashbacks et récit au présent, Nina déverse dans ce roman graphique sincère ses sentiments, son mal-être sur fond d’histoire européenne, celle d’un petit pays, meurtri, qu’on a tendance à oublier.

* Gallimard BD, 152 pages, 25 euros