« Pas juste des étudiants zadistes »
Premier point à l’ordre du jour : le décompte des derniers morts gazaouis. « Y a-t-il a encore des vies à sauver ? Le temps joue contre nous », s’interroge une jeune fille. La discussion passe ensuite à une question plus à la portée des étudiants, celle du partenariat contesté avec l’université Reichman. Le vote du conseil d’administration, en tous points opposé à l’avis du comité consultatif élu pour mettre fin à deux mois de blocage, ne passe pas.
« Des enseignants-chercheurs ont rendu ce rapport, pas juste des étudiants zadistes », pointe Simon Levan, un des fers de lance du comité Palestine. Parmi les cinq recommandations du comité (dont le principe avait été validé par la présidence de l’université ), la suspension des relations avec la Reichman University dès la rentrée 2025 et la recherche d’une alternative en Israël. Il relève entre autres « un enseignement problématique du droit international », notamment « en matière de torture », un « soutien inconditionnel à la guerre à Gaza » ou l’invitation de l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant, sous mandat d’arrêt du Tribunal pénal international.
Mais ces arguments semblent avoir été balayés par une courte majorité des administrateurs, dont le directeur de Sciences Po Jean-Philippe Heurtin. « Il a remis plusieurs fois en cause la légitimité du comité », s’agace Simon Levan. « Il a un positionnement idéologique, jusqu’au-boutiste », tacle le prof Vincent Dubois, qui a démissionné du conseil d’administration en juin.
« Le blocage ne peut pas être un mode d’action permanente »
Frédérique Berrod
« Nous sommes déçus et amers », témoigne Magdalena Hadjiisky, une enseignante qui a joué les médiateurs entre les étudiants et la direction. « Mais ce n’est pas une bonne idée de s’opposer frontalement au conseil d’administration. » « Si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes contre nous », la rembarre un étudiant. « J’en ai marre de parler stratégie quand il y a un génocide. Je suis hyperdéçue », intervient une autre. « On va montrer qu’on est encore plus en colère qu’avant. “Ils” se sont habitués au blocage. Il va falloir les choquer », menace une des plus remontées. Le blocage du Cardo a été voté jusqu’aux vacances, vendredi, à la quasi-unanimité des quelque 90 personnes présentes.
Un geste pour les étudiants gazaouis
Un premier test pour la nouvelle présidente de l’Université de Strasbourg Frédérique Berrod. Lors d’une conférence de presse, elle a appelé à lever le blocage. « Il y a un temps pour tout : celui de l’écoute, du débat et celui de la décision. Il est désormais temps de respecter celle du conseil d’administration de Sciences Po », décision dont elle se promet d’être « la gardienne », tout en « saluant » le travail du comité Reichman. En langage très diplomatique, elle relève pourtant « des conditions peu propices à la délibération » avec des étudiants manifestant dès mardi soir.
« Le blocage ne peut pas être un mode d’action permanente […] Les cours peuvent et doivent donc reprendre et les personnels doivent pouvoir travailler sans entrave à Sciences Po mais aussi au CEIPI, à l’IPAG, à l’INPI et à l’IEEPI », les autres institutions hébergées au Cardo. Est-elle prête à faire intervenir la police en dernière extrémité , comme son prédécesseur ? « Ce n’est pas extrémité. La police peut être appelée en cas de tensions, de risques pour les personnes. » Elle propose enfin un geste pour les étudiants gazaouis, qui n’ont plus d’universités, via un programme de formation européen. Pas sûr que cela n’apaise leurs soutiens, à 5 000 km de Gaza.