A un an des municipales, le temps presse. La réforme du mode d’élection à Paris, Lyon et Marseille est étudiée ce mardi 3 juin en séance publique au Sénat. Rejetée par la droite et l’immense majorité de la gauche, la «loi PLM» peine à convaincre le bloc central et risque d’être très largement désavouée lors des débats au Palais du Luxembourg. Son rejet massif probable serait un contretemps majeur pour ses soutiens dont le gouvernement, à moins d’un an des élections.
Adoptée à l’Assemblée nationale début avril avec l’appui de l’exécutif, la réforme mettrait fin au mode de scrutin existant depuis 1982, en vertu duquel les électeurs à Paris, Lyon et Marseille votent dans chaque arrondissement pour une liste de conseillers, les élus du haut de la liste siégeant au conseil d’arrondissement et au conseil municipal.
Elle prévoit à la place d’instaurer deux scrutins, l’un pour élire les conseillers d’arrondissement ou de secteur, l’autre pour élire ceux du conseil municipal, sur une circonscription unique. Le texte propose aussi d’abaisser à 25 % la prime majoritaire pour la liste arrivée en tête, au lieu de 50 %, comme c’est aujourd’hui le cas partout en France.
Ces évolutions majeures sont justifiées par une formule très simple, argument-massue des soutiens du texte : «Un Parisien égale une voix, un Lyonnais égale une voix, un Marseillais égale une voix.» Mais derrière cette justification se cachent également d’importants enjeux politiques, chaque parti ayant sorti la calculette pour essayer d’anticiper l’impact de la réforme sur son score aux municipales de mars 2026.
Au Sénat, à majorité de droite, force est de constater que les calculs n’ont pas donné satisfaction. Le texte avait prospéré à l’Assemblée grâce à une majorité atypique composée du bloc central, des Insoumis et du Rassemblement national… Mais LFI ne compte aucun élu au Sénat, le RN seulement une poignée et le groupe macroniste une vingtaine.
A la chambre haute, la balance semble au contraire pencher très largement pour un rejet, d’autant plus que le président du Sénat Gérard Larcher (Les Républicains) lui-même ne s’est pas privé pour dire tout le mal qu’il pensait de la démarche. «Est-ce bien sage de faire évoluer ainsi un mode de scrutin moins d’un an avant les élections municipales ?», a par ailleurs questionné Mathieu Darnaud, chef des sénateurs LR, première force de la Haute assemblée.
Si les députés LR avaient soutenu l’initiative, nombreux sont ceux qui y ont vu une stratégie dans le cadre de la campagne pour la présidence du parti, entre un Laurent Wauquiez favorable à cette réforme voulue par Rachida Dati, pressentie pour candidater à Paris, et un Bruno Retailleau vivement opposé. Sans surprise, les sénateurs LR suivront massivement la position du ministre de l’Intérieur, ancien chef du groupe au Sénat.
Les socialistes, deuxième groupe du Sénat, ont la même vision, à l’exception de leurs élus marseillais. «C’est un texte mal écrit, qui mélange trois situations totalement différentes sur le plan juridique», regrette leur chef de file Patrick Kanner.
Le rejet probable du Sénat placerait le gouvernement dans une situation délicate sur ce texte. Convoquera-t-il une commission mixte paritaire (CMP), réunion de sept sénateurs et sept députés chargés de négocier pour aboutir à un texte commun ? «La logique serait de voir en CMP si un compromis est possible», avance une source gouvernementale, refusant néanmoins de «se placer dans le cas de figure d’une issue défavorable» des débats dans l’hémicycle du Sénat.
Si aucun accord n’émerge, l’exécutif peut également décider de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale… Mais il faudra l’assumer auprès de ses alliés. En effet, le Premier ministre François Bayrou avait assuré en février qu’il «n’imagin (ait) pas qu’un texte puisse être adopté sur ce sujet sans qu’il y ait accord de l’Assemblée nationale et du Sénat». «Si le gouvernement veut aller au bout sur sa réforme, il va se fragiliser, martèle Lauriane Josende, désignée rapporteure par LR. Je ne suis pas sûre que le jeu en vaille la chandelle».