Le chancelier allemand persiste dans sa stratégie de refoulement aux frontières, jugée illégale par un tribunal berlinois.

Le bras de fer s’intensifie en Allemagne autour de la politique migratoire durcie du chancelier Friedrich Merz. Mardi, le dirigeant conservateur a réaffirmé sa détermination à poursuivre les refoulements de demandeurs d’asile aux frontières, au lendemain d’une décision de justice qui qualifie ces pratiques d’«illégales». En effet, lundi, le tribunal administratif de Berlin a donné raison à trois ressortissants somaliens refoulés à la frontière polonaise le 9 mai dernier. Dans sa décision, la juridiction précise que «les personnes qui demandent l’asile lors d’un contrôle aux frontières sur le territoire allemand ne peuvent être refoulées sans que la procédure européenne de Dublin ait été appliquée». Cette procédure détermine quel État membre est responsable de l’examen d’une demande d’asile. Le tribunal rejette également l’argument gouvernemental d’une «situation d’urgence», estimant que la police «n’a pas suffisamment démontré l’existence d’une menace pour la sécurité ou l’ordre public». Bien que portant sur un cas précis, cette jurisprudence pourrait s’appliquer à des situations similaires selon une porte-parole au tribunal.

Merz campe sur ses positions

Face à ce désaveu judiciaire, Friedrich Merz ne fléchit pas. S’exprimant mardi lors d’un congrès des communes allemandes, le chancelier a reconnu que la décision «réduit peut-être encore un peu plus notre marge de manœuvre», tout en assurant que l’Allemagne peut «toujours procéder à des refoulements». Berlin invoque les accords avec les pays voisins et le règlement européen pour justifier sa politique. Le ministre de l’Intérieur Alexander Dobrindt a confirmé qu’«une procédure au fond» était en cours pour trancher définitivement le litige.

Critiques au sein de la coalition

Cette posture divise jusqu’au sein de la coalition gouvernementale. Le député social-démocrate Ralf Stegner a rappelé au magazine Spiegel que son parti, partenaire des conservateurs, avait «toujours insisté sur l’humanité et le respect des règles juridiques allemandes et européennes» en matière d’asile. L’opposition se montre plus virulente. Felix Banaszak, chef des Verts, juge «très inquiétant» qu’un gouvernement «teste au maximum le cadre juridique et soit prêt pour cela à accepter la violation du droit».

Une stratégie face à l’extrême droite

Ces refoulements, instaurés dès le 7 mai, lendemain de l’entrée en fonction du gouvernement Merz, constituent une promesse électorale phare du chancelier conservateur. L’objectif affiché : «protéger la sécurité et l’ordre public», éviter la surcharge des collectivités locales et privilégier l’immigration qualifiée. Cette politique s’inscrit dans un contexte de montée de l’Alternative pour l’Allemagne (AFD), parti d’extrême droite arrivé deuxième aux dernières législatives et qui continue de progresser dans les sondages. La CDU espère ainsi reconquérir un électorat séduit par le discours anti-immigration.

Tensions diplomatiques croissantes

La politique allemande irrite les pays voisins. La Pologne et la Suisse ont exprimé leur mécontentement face à la multiplication des contrôles frontaliers. Les maires de Strasbourg et Kehl dénoncent les complications pour les frontaliers franco-allemands. L’ambassade de France a même demandé par écrit des précisions sur cette politique, soulignant le «souci commun de limiter autant que possible les restrictions imposées aux frontaliers». Friedrich Merz entend poursuivre son offensive migratoire en «mettant fin à autant de programmes volontaires d’accueil que possible» et en négociant des accords avec les pays d’origine. Un pari risqué qui teste les limites du droit européen.