Une caméra pour 57 habitants. Des chiffres qui font dire à certains que Breil-sur-Roya serait presque devenu le Big Brother des Alpes-Maritimes. Récemment, Amnesty International, par la voie de son « magazine des droits humains », dénonçait l’installation « des caméras pour prévenir des infractions… parfois imaginaires » dans les villages.
Face aux interrogations et critiques récurrentes sur la mise en place de la vidéoprotection, le maire Sébastien Olharan a souhaité faire une mise au point. Dans une publication diffusée sur ses réseaux sociaux, l’élu est revenu point par point sur ce qu’il qualifie de « fausses affirmations ».
La commune compte actuellement 42 caméras installées sur 20 sites stratégiques. Contrairement à ce qui a pu être avancé, Breil ne ferait pas partie des communes les plus « équipées » de France en proportion du nombre d’habitants. « Il y a une caméra pour 57 habitants. Sur les 32 communes de moins de 5.000 habitants équipées de vidéoprotection dans les Alpes-Maritimes, il y en a 12 qui ont un nombre de caméras par habitant plus important », explique le maire, citant Aspremont (une pour 48), Bouyon (une pour 20), Isola (1 pour 30) ou encore Saint-Jean-Cap-Ferrat (une pour 21). En termes de couverture spatiale, Breil figure même parmi les communes ayant le moins de caméras par kilomètre carré, avec une pour 2km2.
« Breil n’est pas Chicago mais… »
S. B. et F.B.T..
Autre affirmation rejetée: l’absence de délinquance à Breil. L’élu rappelle les chiffres enregistrés en 2020: 162 faits de délinquance générale, 45 atteintes aux biens et 29 atteintes volontaires à l’intégrité physique, 54 comportements portant atteinte à la tranquillité publique, 34 infractions à la législation sur les stupéfiants… En 2023, 129 faits ont encore été recensés, ainsi que 35 atteintes à l’intégrité physique, 63 troubles à la tranquillité publique et 24 atteintes aux biens. « Breil n’est pas Chicago mais il y a tout de même de la délinquance », rajoute le premier édile.
Sébastien Olharan s’appuie sur les statistiques de la gendarmerie de Menton, dont dépend la commune: dans les territoires équipés, la vidéoprotection aurait permis d’élucider 36% des atteintes aux biens, même si son efficacité reste plus limitée pour les autres types d’infractions (4% pour les atteintes à l’intégrité physique, 3% pour les atteintes à la tranquillité publique).
Un coût assumé
Les dispositifs ne sont pas répartis au hasard. Les caméras sont positionnées sur les axes d’entrée et de sortie du village, à proximité des bâtiments publics (écoles, mairie, crèche, gare, église, hôpital) ainsi que dans certaines zones régulièrement touchées par des incivilités, comme la rue des Métiers ou le tour du lac.
Le nombre total de caméras s’explique aussi par des nécessités techniques. « S’il y a plus de caméras, c’est simplement parce qu’il faut parfois jusqu’à 3 ou 4 caméras pour filmer un seul endroit. Par exemple, un embranchement routier », précise Sébastien Olharan.
Le dispositif a coûté 250.000 euros. Un montant qui comprend les études, le matériel, les travaux de génie civil et les raccordements. Ce coût représente 1,21% des 20,5 millions d’euros investis par la commune depuis 2020, tient à souligner l’élu. La moitié de la dépense a été prise en charge par le Département, et 40.000 euros par l’État.
Un système strictement encadré
Le maire insiste: le financement de ce système de vidéoprotection ne se fait pas au détriment de la jeunesse. Depuis 2020, la commune aurait investi plus de 400.000 euros dans des équipements destinés aux jeunes, comme deux terrains multisports, un pumptrack, une Maison des jeunes (censée être inaugurée prochainement), et un projet de rénovation complète de l’école élémentaire pour un budget de 2,2 millions d’euros, prévu dès juillet.
Un peu plus tôt dans l’année, l’agriculteur militant Cédric Herrou et sa compagne, Marion Gachet (et soutenus par une quinzaine d’habitants du village), ont déposé une requête au tribunal contre la mise en place de ce système. Ils dénonçaient un « matériel répressif et restrictif des libertés publiques. » La justice avait donné raison au maire de Breil-sur-Roya. Enfin, sur les craintes de surveillance généralisée, le maire rappelle que seules les forces de l’ordre peuvent accéder aux images dans le cadre d’enquêtes judiciaires. La commune, qui ne compte que deux policiers municipaux, ne dispose pas de moyens humains pour assurer un visionnage en temps réel. Elle prévoit cependant d’adhérer à un syndicat mixte départemental qui permettra un suivi à distance par des agents dédiés, uniquement en cas de détection d’actes délictueux.