Raconter «une histoire comme au cinéma, celle de la nuit devenue un espace de résistance, de liberté créatrice et humaine, à rebours d’un monde du jour carcéral». Voilà l’ambition de l’effervescente actrice et réalisatrice Valérie Donzelli (La guerre est déclarée, l’Amour et les Forêts, Nona et ses filles) invitée cette année à prendre les rênes de la 24e édition de Nuit blanche. Samedi 7 juin, avec plus de 100 projets artistiques disséminés à travers la ville, accessibles gratuitement entre 19 heures et 6 heures du matin (ainsi que le réseau Vélib), la manifestation noctambule promet de transformer Paris en un «immense plateau de cinéma».
L’événement parisien, lancé en 2002, aura donc le 7e art comme fil conducteur : l’occasion de célébrer ses 130 ans, dans la ville où les frères Lumière donnèrent en 1885 la première séance publique payante. Pour fêter cet anniversaire, Gaumont et la Fémis investiront le Petit Palais, transformé pour l’occasion en espace festif, avec des rencontres, projections, concerts et DJ sets.
Le cinéaste Michel Gondry (Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou plus récemment le Livre des solutions) est l’invité spécial de cette édition. Fidèle à son univers bricolé et poétique, il proposera une installation sonore à Stalingrad et dévoilera devant la gare Montparnasse un court métrage inédit, Quelle nuit blanche !, un «film d’animation en papiers découpés». Il transformera enfin la ville de Villejuif en plateau de cinéma, en recyclant son «usine de films amateurs» (activée une première fois en 2014 à Aubervilliers) en invitant les habitants à créer collectivement un court métrage en trois heures.
D’autres interventions auront lieu dans des endroits insolites : le chanteur Philippe Katerine métamorphosera le Quartier jeunes, place du Louvre, pour une performance rosée et musicale déjantée, à l’image de son univers. L’écrivain et journaliste Xavier Donzelli – petit frère de la cinéaste – investira les Catacombes pour un parcours sonore poétique. Une boum phosphorescente ambulante, imaginée par l’artiste multimédia et scénographe Juliette Gelli, se mettra en branle vers le canal Saint-Martin.
Toujours côté cinéma, six réalisatrices incontournables seront mises à l’honneur le temps d’une nuit et leurs œuvres projetées en boucle et en plein air. Jeanne Dielman de Chantal Akerman, Place des fêtes (XIXe arrondissement), Sois belle et tais-toi de Delphine Seyrig sur le terrain de sport des jardins Saint-Paul (IVe arrondissement), L’une chante, l’autre pas d’Agnès Varda sur le parvis de la mairie du XIVe, ou encore les œuvres d’Alice Guy, première réalisatrice de l’histoire, Jacqueline Audry et Germaine Dulac sur des places ou des façades d’immeuble…
Si les films quittent les salles de cinéma, les vidéastes eux, venus du champ de l’art contemporain, sont invités à sortir de leur terrain d’expérimentation habituel pour investir le cinéma des 7 Parnassiens (XIVe). Parmi eux, Anne-Charlotte Finel piste une nature résiliente qui se réinvente dans les sous-sols du métro, Valérie Mréjen interroge la dynamique mère-fille et la résistance à l’autorité, et Alice Brygo rappelle en images de synthèse l’angoisse de la foule face à l’incendie de Notre-Dame. Clément Cogitore (déjà habitué à faire la navette entre l’art et le cinéma…), lui, détourne des images promotionnelles génériques et propose une expérience immersive.
Si elle reste fidèle à la tonalité populaire et festive, avec ce parti pris quasiment sans écart qui se focalise pleinement sur le cinéma, cette 24e édition de la Nuit Blanche continue de s’éloigner de ses premières ambitions : un festival prospectif et exigeant dédié à l’art contemporain, à ses jeunes artistes et commissaires.