Parmi les habitants de Bandol, certains ont choisi de vivre sur l’eau. Gilles Capitaine, 62 ans, rêvait de vivre à bord d’un bateau depuis des années. Suite à un divorce, ce responsable d’agence dans les travaux publics a franchi le cap, il y a quatorze ans.
Lorsqu’un ami lui dit qu’un voilier est à vendre au port de Bandol, il ne lui a fallu que 15 jours pour acquérir sa nouvelle « résidence ». Il entame alors des travaux de rénovation. « Le but, c’était de partir… »
Mais le marin, qui comptait prendre le large en solitaire, embarque finalement, un an plus tard, dans une tout autre aventure. « C’était indissociable donc j’ai pris le package: l’homme et le bateau », sourit Martine Chauvet, sa compagne, à ses côtés.
Employée de l’Éducation nationale, la sexagénaire ne connaissait alors « rien à la navigation ». Depuis, le couple est resté « ancré » en face du quai Charles de Gaulle.
La vie à bord
Un mode de vie qui a d’abord surpris leur entourage: « Ils ne comprennent pas comment on y arrive ». Leur cabine, un cocon décoré avec soins, est entièrement équipée avec cuisinière, appareil à vapeur, barbecue… Et aussi un absorbeur d’humidité et un chauffage d’appoint, pour plus de confort. Dans cet espace de vie réduit de quelques mètres carrés, il ne manque rien d’essentiel à la vie quotidienne.
« La coque est en aluminium et à l’intérieur, le bois et la laine isolent très bien », assure Gilles. Le couple peut d’ailleurs vivre en totale autonomie grâce aux panneaux solaires et au dessalinisateur.
Leur consommation moyenne est de seulement 300 litres par semaine à deux. Soit l’équivalent de ce que consomme chaque jour un couple dans un logement classique. « On boit quand même de l’eau minérale en bouteille, pas l’eau de la cuve », précise Martine.
La navigatrice, vêtue d’une marinière, a renoncé à un certain confort matériel. « C’est sûr qu’on ne peut pas embarquer 50 paires de chaussures. Et chaque chose doit être rangée à sa place. »
Mais cette Toulonnaise revient régulièrement à la terre pour cultiver le potager, dans la maison de famille. « On y va pour l’entretien, déposer notre compost et faire pousser les fruits et les légumes. »
« Mon adresse? Port de Bandol »
Gilles, originaire du nord, se définit comme « un SDF »: « Mon adresse? Je suis domicilié au port de Bandol ». Et pour recevoir? « On est assez sauvages », reconnaît le capitaine. « À la base, on est des solitaires », complète son matelot.
On imaginerait pourtant bien le couple, charmant et souriant, embarquer amis et famille pour une croisière en Méditerranée… Mais le couple tient à sa « tranquillité ».
Pour accéder à ce mode de vie, il faut bien sûr s’acquitter de la location de l’anneau au port: 3.900 euros par an pour un bateau entrant dans la catégorie 11 à 12 mètres de long. Soit 325 euros par mois, « eau et électricité compris » précise le propriétaire du monocoque. Un loyer à prix imbattable pour vivre à Bandol. Avec vue mer en prime.
À certaines conditions toutefois. Mieux vaut être patient pour obtenir une place au port. « En moyenne une quinzaine d’années en fonction de la taille du bateau. »
Il faut aussi accepter de vivre avec le « strict minimum » dans un espace de vie plutôt réduit. Et savoir bricoler. « Mécanique, électricité, carénage, vernis, peinture… On fait tout nous-mêmes. Ce qui représente environ 2.500 euros par an. Et cela nous coûterait facilement le double si on devait faire appel à des professionnels. »
Un vent de liberté
Vivre sur un bateau demande ainsi de la rigueur et une certaine vigilance. Le plus grand danger sur un bateau est bien sûr le feu. « On coupe l’électricité systématiquement lorsqu’on sort du bateau », assure Gilles, en montrant les extincteurs.
Les résidents au port doivent aussi s’adapter aux « bruits » de la mer et aux « secousses » causées par les largades. « Au final, on s’y fait. »
Avec une activité professionnelle très prenante Gilles ne peut pas larguer les amarres plus d’une dizaine de jours d’affilée. « Mais dès que la météo le permet, on prend la mer », raconte le couple. Notamment le week-end, en direction du Frioul, ou de Porquerolles.
Le bateau « Rêve d’Antilles » a été construit de manière artisanale en 1978 à La Farlède. Le premier propriétaire du bateau avait acheté les plans à l’architecte marin Finot et l’avait fabriqué sur-mesure. Un bateau de 12 tonnes conçu pour voyager.
En septembre, Gilles et Martine seront tous les deux à la retraite. Et ils comptent bien en profiter pour faire le tour de la Méditerranée « en faisant du cabotage ». Au gré du vent. Et de leurs envies.