Un galet, un peu d’ocre
rouge, et une empreinte digitale. Voilà tout ce qu’il aura fallu
pour raviver un débat passionnant sur les capacités symboliques de
nos cousins disparus : les Néandertaliens. Découverte dans
l’abri sous roche de San Lázaro, au centre de l’Espagne, cette
pierre pourrait bien représenter l’une des plus anciennes
expressions faciales humaines connues… et elle ne vient pas de
notre espèce.

Une empreinte vieille de 43 000
ans

La star de cette découverte est
un simple caillou, retrouvé dans une couche sédimentaire vieille
d’environ 43 000 ans. Il porte sur une de ses faces une marque
rouge circulaire, clairement apposée au doigt, dont les chercheurs
ont pu relever une empreinte digitale néandertalienne complète — la
plus détaillée jamais identifiée à ce jour. Une précédente
empreinte partielle avait été trouvée en Allemagne, mais celle-ci
se distingue par son intégralité et, surtout, par son contexte
intrigant.

Ce point rouge n’a rien d’une
tache accidentelle. Il a été appliqué délibérément avec un doigt
imbibé de pigment, selon les auteurs de l’étude publiée dans
Archaeological and Anthropological Sciences.
L’analyse révèle également que le galet ne présente aucun signe
d’utilisation pratique : ce n’est ni un outil, ni un objet
fonctionnel, mais très probablement un artefact symbolique.

De l’art ou une illusion de
l’esprit ?

Ce qui rend ce galet si
fascinant, c’est sa ressemblance troublante avec un visage humain.
La marque rouge — probablement apposée avec soin — se superpose à
des dépressions naturelles dans la pierre qui évoquent deux yeux,
une bouche et une sorte de nez. L’ensemble forme une silhouette
familière, presque expressive.

C’est ici qu’intervient un
phénomène bien connu des psychologues : la paréidolie faciale,
cette tendance que nous avons à reconnaître des visages là où il
n’y en a pas vraiment — dans les nuages, les rochers, ou même les
prises électriques.

La grande question posée par
les chercheurs est donc la suivante : est-ce que ce Néandertalien a
lui aussi perçu ce “visage” dans la pierre, et a-t-il choisi de le
souligner par ce geste symbolique ? Ou bien s’agit-il simplement
d’une coïncidence fortuite, interprétée a posteriori par nos yeux
modernes ?

Les auteurs ne tranchent pas,
mais soulignent que l’intention symbolique ne peut pas être exclue.
Et si elle est confirmée, cela change radicalement notre vision des
capacités cognitives de l’Homo neanderthalensis.

néandertalien empreinte
Le galet, avant et après avoir été entièrement excavé, ressemble un
peu à un visage. Crédit image : Álvarez-Alonso et al./Sciences
archéologiques et anthropologiques 2025Les Néandertaliens, ces
artistes oubliés

Pendant des décennies, les
Néandertaliens ont été relégués au rang de brutes archaïques, sans
langage ni imagination. Mais ce cliché s’effrite depuis plusieurs
années. On sait aujourd’hui qu’ils enterraient leurs morts,
utilisaient des pigments, portaient des ornements, et maîtrisaient
sans doute certaines formes de communication complexe.

Ce galet pourrait donc
s’inscrire dans un ensemble de comportements symboliques déjà bien
documentés, mais encore trop souvent attribués exclusivement à
notre espèce. L’idée que les Néandertaliens aient pu, eux aussi,
ressentir le besoin d’exprimer des idées, de représenter des
formes, voire de jouer avec les symboles, devient de plus en plus
difficile à réfuter.

Une vision du monde plus
nuancée

En fin de compte, ce petit
objet nous invite à changer de regard sur les Néandertaliens. Non,
ils n’étaient pas de simples hominidés rustiques, mais des êtres
dotés d’émotions, de perceptions fines, et peut-être même d’un sens
du beau ou du mystère.

La présence de cette empreinte
digitale — témoin direct d’un contact humain, vieux de plusieurs
dizaines de milliers d’années — renforce l’intimité troublante que
nous partageons avec eux. Le geste qu’elle capture n’est peut-être
rien de plus qu’une pression d’un doigt enduit d’ocre sur une
pierre. Mais il contient une intention, une curiosité, peut-être
même une volonté de marquer ou de signifier.

Et si cette intention était
artistique ? Si ce geste était l’équivalent d’un premier coup de
pinceau, ou d’un émoticône préhistorique gravé dans la mémoire du
temps ?

En résumé

  • Un galet découvert en Espagne
    présente une empreinte digitale néandertalienne complète, associée
    à une tache d’ocre rouge.

  • L’objet, non utilitaire,
    semble avoir été délibérément peint, et sa forme évoque un visage
    humain.

  • Les chercheurs évoquent le
    phénomène de paréidolie pour expliquer cette interprétation, tout
    en laissant ouverte l’hypothèse d’une représentation symbolique
    volontaire.

  • Cette découverte renforce
    l’idée que les Néandertaliens partageaient avec nous une forme de
    pensée abstraite, voire artistique.