Une audience est prévue devant le tribunal administratif mercredi. Une récente fiche navette informant la préfecture de Loire-Atlantique des délits commis par des étrangers interpellés déplaît à la gauche et à certains syndicats.

À peine dégainée, déjà attaquée. En Loire-Atlantique, la procédure demandant aux services de police d’informer la préfecture de délits et crimes des étrangers en situation régulière placés en garde à vue ne passe pas. Révélée par Presse Océan, cette note de police que Le Figaro a pu consulter date du 20 novembre. Signée par le directeur interdépartemental de la police, elle consiste annonce la mise en place d’une fiche navette que sont priés de remplir les services interpellateurs.

Ces derniers sont invités à renseigner la situation administrative de l’étranger placé en garde à vue, l’exposé de ses faits judiciaires ainsi que ses éventuels antécédents. Une fois rempli, ce document est envoyé à la préfecture, accompagné du procès-verbal. Les services de l’État examinent ensuite le statut de ces étrangers en situation régulière signalés. Cet examen peut conduire à des mesures telles qu’une annulation d’une demande de titre.

Audience devant le tribunal

Quatre mois après son instauration, ce dispositif fait couler de l’encre. La Ligue des droits de l’Homme (LDH), le Syndicat des avocats de France (SAF), le Syndicat de la magistrature, la Cimade et l’ADELICO (l’association de défense des libertés constitutionnelles) la considèrent comme illégale et ont décidé de l’attaquer. Le dossier sera étudié par le tribunal administratif de Nantes mercredi matin, à 10h.

«Une première difficulté vient du fait qu’il est demandé à des agents ou sous-officiers de Police qui interviennent dans le cadre d’une mission de police judiciaire de transmettre à une autorité administrative, la préfecture, des éléments qui nous semblent couverts par le secret de l’enquête», s’inquiète Me Maxime Gouache, avocat au barreau de Nantes. Il plaidera demain aux côtés de Me Benoît Rivain et Me Antoine Laplane. Il précise qu’à «aucun moment, cette note ne prévoit de demander l’autorisation au procureur de la République», ce dernier ayant autorité en la matière.

Par ailleurs, «cette note demande aux services de police de transmettre une fiche récapitulative des mesures de garde à vue en cours ou d’enquêtes en cours. Il nous semble assez évident qu’il s’agit d’un traitement automatisé de données à caractère personnel», observe Me Gouache. Or, la création d’un tel fichier répond à des règles précises. La question de la transmission d’informations relevant du traitement des antécédents judiciaires l’interpelle également, ces dernières ne pouvant être utilisés que sous certaines conditions.

Cette note de service ne vise aucunement à “répertorier” les délits, mais simplement à informer la préfecture lorsque des troubles graves à l’ordre public sont commis par des étrangers en situation régulière

Préfecture de Loire-Atlantique

Enfin, «avant même d’attendre l’issue de la procédure pénale, cette note prévoit que des conséquences peuvent être tirées sur la situation des personnes qui se trouvent en situation régulière», déplore l’avocat, mentionnant par exemple un retrait de titre. Et de rappeler que «les personnes sont présumées innocentes jusqu’à ce qu’un tribunal les condamne».

Dans un communiqué envoyé lundi, quatre élus écologistes et insoumis nantais s’indignent eux aussi d’un «fichage illégal des étranger.es à Nantes». «Nous demandons à ce que l’illégalité de cette démarche soit reconnue et les mesures nécessaires prises immédiatement», réclament ceux qui ont également alerté le procureur de la République par courrier.

Cette note, dont le délibéré sera rendu plus tard, ne sort pas de nulle part. Comme mentionné dans son introduction, elle vient pallier un manque de communication «entre les préfectures et les services interpellateurs visant à informer les services étrangers des délits et crimes commis par des étrangers en situation régulière».

Cadre législatif

«Cette note de service ne vise aucunement à “répertorier” les délits, mais simplement à informer la préfecture lorsque des troubles graves à l’ordre public sont commis par des étrangers en situation régulière», insiste la préfecture de Loire-Atlantique, sollicitée par Le Figaro. L’institution en réfère à la loi immigration de 2024, qui «comporte en effet des dispositions relatives à l’examen de la situation administrative de ressortissants étrangers mis en cause pour des troubles à l’ordre public».

Dans ce cadre, «la loi liste ainsi différentes hypothèses dans lesquelles un retrait, un refus de renouvellement ou une dégradation du titre de séjour (= le fait de substituer au titre de séjour un document de séjour provisoire) peuvent être envisagés», et ceci «sans qu’une menace grave à l’ordre public ne soit nécessairement constituée».

«C’est pour permettre la mise en œuvre de ces dispositions qu’a été créée une fiche navette avec les forces de sécurité, permettant à la préfecture d’examiner la situation des étrangers, en situation régulière, auteurs de troubles à l’ordre public, afin d’apprécier, au cas par cas, dans les limites fixées par la loi et sous le contrôle du juge administratif, si l’une des mesures administratives précédemment citées doit être prise», concluent les services préfectoraux.