« Je trouve le concept un peu décalé. Le parallèle est peut-être trop facile et légèrement vulgaire. » « Le parasol en lui-même est très beau mais pourquoi ce jeu de mots avec notre village? » « Ils ne peuvent pas s’approprier notre identité, c’est un scandale. » Un soupçon de réticence jusqu’à parfois, un sentiment de révolte.
À Saint-Tropez, certains habitants sont interloqués après la médiatisation récente, dans la presse parisienne et sur les plateaux télé, d’un nouvel objet à l’appellation insolite et présenté sur un ton léger: Seins-Tropez.
Imaginé en 2023 par deux créateurs français, ce parasol interpelle et provoque avec sa toile, simplement illustrée par un téton. Un design original et osé, complètement assumé par son inventeur, Matthieu Vergote.
« Un clin d’œil humoristique »
« Avec ce produit, nous souhaitons décomplexer les femmes et déconstruire toute la censure, notamment sur les réseaux sociaux, autour de l’exposition de la poitrine et du topless. Ce projet créatif permet de briser les injonctions sur ce sujet. Pour nous, c’est à la fois un clin d’œil humoristique et une forme d’engagement. »
Concernant le nom du projet, le jeu de mots avec la commune lui est venu comme une évidence. « Avec Ekhi (la designeuse N. D. L. R.) on a brièvement hésité avec les Seins-Malo mais ce n’est pas là-bas que le mouvement d’émancipation des femmes est le plus marqué, admet-il. Il est nettement plus présent à Saint-Tropez et renforcé par ses icônes locales comme Brigitte Bardot. C’était plus juste de jouer sur la phonétique de ce village. Cependant, il n’y a aucune volonté de blasphème sur le nom. C’est seulement de l’humour donc nous n’avons même pas pensé à contacter la mairie. »
Sur Internet, les commentaires sont souvent plus enjoués et intéressés.
Toujours dans cette même collection, l’artiste a développé une gamme de verre à cocktail intitulée Seins-Germain, au design suggestif.
Accessoire au prix coûteux
Outre son esthétique et sa symbolique ambivalente, ce parasol est également pointé du doigt par des Tropéziens sondés, qui juge excessif ce tarif de 259 euros.
« À ce prix-là, on pourrait avoir la culotte avec, se moque un résident. C’est beaucoup trop cher pour un simple accessoire de plage. Je peux m’en acheter quinze à ce prix-là! »
De son côté, Matthieu Vergote se défend et prône une confection européenne et indépendante: « Nous ne souhaitons pas le produire en masse. Seulement quelques dizaines par an. C’est avant tout un concept réalisé par deux profils créatifs. »
Le fabricant assure aussi vouloir reverser 10% du prix de vente, – une mention clairement identifiée sous le produit dans ses publications -, au profit de la lutte contre le cancer du sein, sans pour autant citer explicitement l’association sélectionnée (les fonds collectés n’ont pas encore été versés à l’association contactée).
Là encore, les interrogations fusent, notamment sur les réseaux sociaux. « Si tu as vraiment envie d’aider la cause, il me paraît plus logique de donner les 259 euros à une association que de payer un parasol à une marque pour que moins de 10% du prix soit reversé en donation », commente une internaute.
Sans vouloir en faire un argument d’attraction, cette connotation caritative a pourtant été fortement relayée par les médias. « La démarche est avant tout esthétique et politique, portée sur la place du sein dans la société. On a trouvé ça malin de rallier cette cause pour cette occasion, plaide-t-il. Encore une fois, ce sont des produits qui sont chers avec peu de marge pour le faire, donc évidemment, on ne va pas évoquer l’aspect caritatif en premier. »
Mairie dépitée
Outrée. La maire de Saint-Tropez, Sylvie Siri, n’a pas mâché ses mots après la découverte de cette gamme de parasols au nom suggestif.
« C’est tout ce que l’on déteste ici: commercialiser Saint-Tropez sous toutes ses formes! C’est ridicule et déplorable d’utiliser un jeu de mots comme celui-ci, car il touche à notre honneur », proteste-t-elle.
La municipalité a aussi informé avoir saisi son conseil « afin qu’il engage les démarches nécessaires avec cette marque ».
« L’utilisation du nom Saint-Tropez dans ce contexte pose question car elle véhicule une représentation réductrice de notre commune, sans lien avec notre identité réelle. »