Quatre personnes qui vivent ou travaillent dans le quartier des Olives nous racontent leurs quotidiens.
Olivier Rivas
41 ans, boulanger
« On fait partie de la vie des gens »
Sur la devanture à l’angle de l’avenue des Poilus et de la rue Lafferage, trois mots et une date. « Rivas et fils, 1963 ». C’est en 2018 qu’Olivier Rivas a succédé à son père Henri, boulanger dans le noyau villageois. « Je ne m’étais pas forcément destiné à ce métier, mais ça m’a fait plaisir de prendre sa suite, pour perdurer dans le quartier. »
La boulangerie et ses cinq salariés y occupent une place centrale. « C’est ici que les enfants y font leurs premiers achats, et puis on les voit grandir, les familles achètent le gâteau pour l’anniversaire, le baptême, le mariage, on fait partie de la vie des gens, et c’est une reconnaissance », sourit le boulanger. Sa clientèle vient des Olives mais aussi d‘Allauch, Plan-de-Cuques, les Trois-Lucs, Saint-Julien. « Elle est très traditionnelle alors nos gâteaux le sont aussi, comme les petites souris, les grenouilles, les oursins, ou le millefeuille castel, notre spécialité. »
Le credo des Rivas : « la qualité et la fraîcheur. Mais comme on est tous dans la même galère, on vend toujours nos baguettes à un euro. » Demandez-lui de déménager son échoppe à Endoume, le refus sera catégorique : « Les Olives ont gardé un côté villageois, c’est là où je suis né, où je vis et connais beaucoup de monde. » Le 21 juin, il participera à la Fête de la musique aux côtés du CIQ pour redynamiser le quartier. Bien que les Olives ne soient pas encore touristiques, Olivier Rivas note que des Parisiens ont investi quelques immeubles pour y loger des Marseillais. « Il y a aussi des Airbnb depuis 3-4 ans, j’ai même servi des Américains de Los Angeles ! »
Jean-Frédéric Pafumi
50 ans, président du CIQ Les Olives village
« Ce sera long mais on y croit »
Jean-Frédéric Pafumi, président du CIQ Les Olives village / PHOTO L.M.
Consultant en sécurité informatique, Jean-Frédéric Pafumi a grandi dans le 6e arrondissement, et vécu « partout » : la Valbarelle, Saint-Loup, la Millière et Saint-Marcel avant de s’expatrier six ans à Paris pour ses études, puis de revenir en 2004, aux Caillols, à la Capelette, à Saint-Julien et, depuis trois ans, aux Olives. Très actif en tant que parent d’élèves, ce père de trois enfants a remarqué que « dans les quartiers où le CIQ est actif, le noyau villageois l’est aussi ».
Dès son arrivée aux Olives, il intègre le conseil syndical de sa résidence et veut prendre contact avec le CIQ. Mais il n’y en a plus. « Le président de la fédération des CIQ du 13e arrondissement, Frédéric Pinatel, m’a dit que si des habitants étaient prêts à le relancer, il nous accompagnerait. Alors j’ai pris mon bâton de pèlerin… »
C’était il y a plus de deux ans. Fin janvier, Frédéric Pinatel relance le sujet et un petit groupe participe à une première réunion d’information. Le CIQ naît au printemps, autour d’une douzaine de membres, des nouveaux et quelques anciens. « Si on ne s’occupe pas des quartiers traversants comme le nôtre, demain ils disparaîtront définitivement de Marseille, insiste Jean-Frédéric Pafumi. On doit s’inspirer de l’âme de Saint-Barnabé ou Plan-de-Cuques. Il faudrait installer un marché, agrandir les trottoirs pour apaiser la circulation, revoir la ligne de bus toujours en retard et qui ne passe pas sur l’avenue Frédéric-Mistral où la vitesse est excessive et empêche les piétons de traverser… On a des idées, on sait que ce sera long, mais on y croit. »
Matthieu Foix
48 ans, directeur du centre social les Olives, la Marie
« Un territoire très mixte »
Matthieu Foix, directeur du centre social des Olives la Marie. / Photo L.M.
Depuis février 2023, Matthieu Foix coordonne les activités des pôles enfance, jeunesse et familles du centre social où travaillent une dizaine de permanents. « On intervient dans le noyau villageois et dans les cités la Marie, les Olives et jusqu’à Fondacle, sur un territoire très mixte socialement et culturellement », relève le directeur.
À côté des Marseillais dont les lointains aïeux venaient d’Italie, d’Arménie ou d’Algérie, on retrouve des habitants plus récemment débarqués du Maghreb, des Comores ou des pays de l’Est, Géorgie, Ukraine… Outre des accueils en centre de loisirs, le centre social crée du lien entre les habitants, en proposant du soutien scolaire, de l’aide à l’insertion, des cours de français, des ateliers culturels… « Les jardins collectifs qu’on a mis en place en 2021 à la Marie ont permis une réappropriation des espaces en pied d’immeuble et contribué à éloigner les réseaux », note Matthieu Foix.
La cité, qui jouxte le quartier aisé de la Pounche, à Allauch, abrite nombre de familles monoparentales, « parfois extrêmement précaires, qui cachent leur situation par honte ». L’une des réussites du centre est d’avoir fédéré près d’une cinquantaine de jeunes qui deviennent acteurs du quartier. « Ils autofinancent leurs sorties en organisant des vide-greniers, des lotos, les commerçants du quartier les prennent en stage, et on organise des fêtes au boulodrome, lieu de convergence des populations. »
Andrée et Claude Gionovesio
74 et 48 ans, bouchers
« Une bonne ambiance de village »
Andrée et Claude Gionovesio, mère et fils, à la tête de la boucherie du 101 avenue des Poilus. / Photo L.M.
C’est en 1972 qu’Alain Gionovesio commence à travailler dans la boucherie du noyau villageois des Olives. Deux ans plus tard, il prend l’affaire à son compte. Incontournable sur l’avenue des Poilus, la boucherie Gionovesio est, depuis la disparition d’Alain, entre les mains d’Andrée, sa veuve, et Claude, l’un de leurs fils. « Il est né ici », sourit Andrée, ce que confirme une cliente voisine et fidèle des lieux, « parce que contrairement aux supermarchés, ici, on peut parler, échanger, et l’ambiance est toujours très bonne ! ». Tout comme la fameuse « salade de nasoles, pardon, de museaux », que s’amuse à servir Claude.
« Pas mal de nouveaux arrivants installés dans les lotissements livrés juste derrière sont devenus nos clients », note Andrée, dont les parents possédaient la ferme de l’Oliveraie, près du champ des Magnan. « Je suis arrivée en 1962 dans le quartier, et ma sœur comme mes enfants ont tous été scolarisés à l’école des Olives », ajoute-t-elle, égrenant les souvenirs des anciens commerces, comme la mercerie Tricotons tenue par la famille Durbec.
« Franchement, on n’a pas trop à se plaindre, conclut Andrée. Ici, on a encore une bonne ambiance de village, avec des commerçants très gentils, des clients de tous milieux et origines, qui s’intègrent très bien et n’ont pas quitté le quartier depuis qu’ils y sont arrivés, il y a plus de soixante ans. Il y a même eu une pétition à l’époque pour qu’on ne chasse pas le camp de gitans qui s’était sédentarisé près du cimetière. »