La requête ne manque pas d’aplomb. Mathieu Messina, ex-adjoint aux Finances et ancien p.-d. g. des ports de Menton, a demandé au maire de lui octroyer la protection fonctionnelle dans le cadre de l’affaire qui porte aujourd’hui son nom.

Dans un courrier en date du 5 juin, le conseiller municipal de 41 ans explique faire « comme [lui] » l’objet de « poursuites pénales par-devant la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille ». « À ce titre, ajoute-t-il, je sollicite le bénéfice de la protection fonctionnelle à laquelle peuvent prétendre les élus de la République suppléant le premier Magistrat […] ou ayant eu des délégations. »

Ce dispositif permet à un élu suppléant d’être protégé par la commune s’il est victime de violence, menace ou outrage dans l’exercice de ses fonctions. Ou s’il fait l’objet de poursuites pénales, liées à l’exercice de son mandat et de ses fonctions officielles, à condition que la faute ne soit pas intentionnelle. Il peut, ainsi, demander que ses frais de justice soient pris en charge par la collectivité.

Extravagantes dépenses

Champagne, caviar, voyages et caisses d’agrumes à gogo… Mathieu Messina est soupçonné d’avoir dépensé plus de 700.000 euros en notes de frais alors qu’il était p.-d. g. de la SPL des ports de Menton. Un montant qui, à l’issue de l’enquête menée par la JIRS de Marseille, avoisinerait aujourd’hui les 2 millions d’euros. Et aurait alimenté tout un « système » dont aurait profité le maire Yves Juhel.

Les deux hommes ainsi que neuf autres personnes ont été renvoyés en correctionnelle dans le cadre de cette vaste affaire de détournement de fonds publics. Lundi 12 juin, Yves Juhel et Mathieu Messina ont été placés sous contrôle judiciaire, dans l’attente de leur procès. La date sera fixée le 17 octobre prochain lors d’une audience relais.

Inscrit au prochain conseil

Si elle comprend que la requête de son client puisse choquer les citoyens « sur le plan de la morale », Me Caroline Canaletti, avocate de Mathieu Messina, rappelle que la protection fonctionnelle est « un droit » que Mathieu Messina peut revendiquer « tant qu’il est présumé innocent ». En effet, d’après ce principe juridique fondamental, toute personne mise en cause est considérée comme innocente tant que sa culpabilité n’a pas été légalement établie par la justice. Il en va de même pour le maire qui a toujours nié en bloc les allégations de son ancien colistier. La demande de protection fonctionnelle pourrait donc être inscrite à l’ordre du jour du prochain conseil municipal, prévu le 17 juin, à Menton. Les élus auront le choix de la valider ou non.

La Commune assurée depuis 2020

La loi du 27 décembre 2019 dite « Engagement et proximité » dispose dans son article 104 que « la commune est tenue de souscrire, dans un contrat d’assurance, une garantie visant à couvrir le conseil juridique, l’assistance psychologique et les coûts qui résultent de l’obligation de protection à l’égard du maire et des élus ». La Commune de Menton a souscrit, le 16 octobre 2020, à un contrat « protection juridique des élus » auprès de la SMACL Assurances et son courtier Suisscourtage, pour une durée de six ans. En cas de mises en cause personnelles, il permet aux élus de disposer d’un soutien juridique et financier.

Elle a été octroyée au maire le 20 février 2024. Yves Juhel en avait fait la demande après avoir déposé plainte, le 31 janvier auprès du procureur, pour diffamation et dénonciation calomnieuse suite à une série d’articles du média Blast qui relataient l’affaire Messina. Victime d’injures et de diffamation, l’adjoint aux Finances Florent Champion en avait également bénéficié le 19 octobre 2023. Pour ce cas précis, le maire avait déclaré que le montant de la protection fonctionnelle s’élevait à « 300 euros TTC ». Mais selon les cas, la prise en charge peut s’élever à plusieurs milliers d’euros.