Par

Théo Zuili

Publié le

12 juin 2025 à 17h42

Pierre Oliver, maire Les Républicains du 2ᵉ arrondissement et candidat aux élections municipales de 2026 à Lyon, fait de la sécurité son cheval de bataille. S’il est élu, il promet d’installer 2 000 caméras de vidéosurveillance supplémentaires durant son premier mandat, soit près de cinq fois le parc actuel de la ville (environ 571 caméras aujourd’hui).

L’objectif affiché serait de couvrir « 50 à 70 % du périmètre » de Lyon pour un ratio de cinq caméras pour 1 000 habitants au lieu d’une pour 1 000 aujourd’hui. « La caméra n’est pas la solution à tous les problèmes de délinquance », assure de son côté le maire Grégory Doucet, qui la juge toutefois « utile » et s’engage à en rajouter 60 à Lyon d’ici 2026.

Quintupler le nombre de caméras à Lyon aurait également un coût pour les Lyonnais. On se penche sur cette promesse et ce qui se cache derrière ce chiffre impressionnant.

Des dizaines de millions d’euros en jeu

Une caméra, combien ça coûte exactement ? Interrogé par actu Lyon, Pierre Oliver budgète le prix unitaire entre 5 000 et 10 000 €.

Mais à titre d’exemple, l’installation de deux caméras sur la place Bellecour a coûté plus de 60 000 € : approximativement 30 000 € par caméra, pose et raccordement inclus. À Marseille, la municipalité a budgété 15 millions d’euros pour déployer 500 nouvelles caméras d’ici 2026, soit là aussi un coût de l’ordre de 30 000 € par caméra.

Pierre Oliver, maire LR du 2e arrondissement de Lyon, qui sera candidat aux municipales 2026.
Pierre Oliver, maire LR du 2ᵉ arrondissement de Lyon et candidat aux municipales 2026. (©Nicolas Zaugra/ actu Lyon)

Notre calcul en fourchette haute porte ainsi le coût initial du projet à environ 60 millions d’euros. Une estimation qui correspond à plus de cinq fois le budget investi au total par la Ville de Lyon pour son réseau de vidéoprotection, 11 millions d’euros depuis 2001.

« Peu importe le prix »

« On le fera, peu importe le prix, ce sera un sujet majeur », avance Pierre Oliver, qui compte bien « ramener Lyon au niveau de Nice », la ville la plus vidéosurveillée de France avec près de 5 000 caméras et un ratio d’environ 15 caméras pour 1 000 habitants.

Près de 1000 casseurs ont abimé le mobilier urbain à Lyon.
Une caméra de vidéosurveillance dégradée en marge d’une manifestation. (©Théo Zuili/ actu Lyon)

S’il est élu maire de Lyon, il promet « une couverture globale » qui ne se pose pas de limite : « Je dis 2 000 aujourd’hui, mais ça pourra être plus. »

Pierre Oliver compte également s’appuyer sur des subventions de la Région, voire de l’État, qui cofinance à hauteur de 80 % le déploiement marseillais.

Des coûts récurrents

À cette facture initiale s’ajoutent des coûts récurrents de maintenance, fonctionnement, stockage sécurisé, ou encore les salaires du personnel opérateur. Aujourd’hui, la vidéoprotection lyonnaise représente environ 2 millions d’euros par an de budget de fonctionnement, tout compris.

Ce mercredi 22 juin, la police nationale a présenté un nouveau partenariat qui vise à
Les flux de vidéosurveillance peuvent être visionnés en direct ou à postériori. (©Théo Zuili / Actu Lyon)

Actuellement, 28 agents se relaient 24h/24 pour visionner les images des 571 caméras existantes (le ratio d’agents par caméra le plus élevé de France) : multiplier cet effectif au prorata, un défi peut-être impossible, n’est pas dans le programme de Pierre Oliver.

Celui-ci n’écarte pas l’idée de créer de dizaines de postes supplémentaires, mais parie surtout sur l’intelligence artificielle.

Impliquer l’IA

Pierre Oliver prévoit de « moderniser le parc de caméras de Lyon » en y incluant « un système d’IA pour gagner du temps dans les enquêtes et retrouver les différents individus mis en cause ».

Pour « un certain montant par caméra à l’année », cette technique permet de mener des missions « entre 10 et 20 minutes contre entre deux et quatre jours pour un agent du CSU (Centre de supervision urbaine, ndlr) ».

En estimant une augmentation des coûts de fonctionnement de 4 à 6 millions d’euros par an, ce financement annuel représenterait moins de 1 % du budget de Lyon.

Réalisable à condition d’en faire une priorité

Une promesse qui paraît faisable techniquement donc, mais à condition d’en faire une priorité et d’arbitrer en conséquence dans un contexte de contraintes budgétaires fortes sur les collectivités.

Augmenter les impôts locaux, économiser sur d’autres services, retarder des investissements ? Les écologistes ont par exemple fait le choix de ralentir les dépenses de vidéosurveillance, le temps de « poser un diagnostic rigoureux » tout en allouant les ressources vers l’éducation, la transition écologique ou encore la solidarité.

« Notre objectif sera de re-balayer un certain nombre de subventions, revoir le nombre de fonctionnaires, refixer le train de vie de la Ville de Lyon. Des choix ne seront pas populaires, mais re-dégager des marges de manœuvre sera notre priorité. Et ça nous permettra de parier sur cette politique sans toucher aux impôts« , promet Pierre Oliver.

Des caméras « à chaque coin de rue »

L’élu LR a-t-il déjà identifié où elles seront installées ? « Dans tous les secteurs où on n’en a pas. Pour le 4ᵉ arrondissement qui n’en compte aucune, l’objectif est d’en mettre à tous les coins de rue. Entre Perrache et Confluence, rue Delandine, rue Smith, Gerland, avenue Jean-Jaurès, Jean-Macé, La Mouche, les quais du Rhône, avenue Berthelot, Félix-Faure, cours Albert Thomas, secteur Vaise-Industrie et Gorge de Loup… On va cibler par ordre de priorité. Une caméra devant chaque école, ça fait déjà 250 ! »

Quid des craintes concernant la protection de la vie privée ? « On est en France et on a la chance d’avoir la CNIL, particulièrement assidue aux libertés individuelles. Celui qui n’a rien à se reprocher ne va pas être mis en difficulté. »

Un dispositif efficace ?

Au-delà des chiffres et du financement, 2 000 caméras de plus rendront-elles Lyon plus sûre ? Sur ce point, le débat est vif et les études disponibles nuancent fortement.

Si elles rassurent une partie de la population, leur efficacité réelle contre la délinquance reste à déterminer : plusieurs rapports de la Cour des comptes ou du CNRS soulignent une absence d’impact démontré, tandis qu’un audit commandé par la Ville de Lyon et publié en 2023 montre que les effets dissuasifs sont souvent « limités et temporaires ».

De nombreux passants ont pu assister à la scène.
À Lyon, le top 10 des caméras les plus utilisées (avec 69 jours comme record) se trouvent en Presqu’île et dans le secteur Peri-Moncey, à Guillotière. (©Théo Zuili / Actu Lyon)

Depuis la banalisation des caméras dans l’espace public, les délinquants recourent à des techniques pour composer avec leur présence, en se couvrant le visage ou en changeant de lieu pour agir. 

Une corrélation à déterminer

À Lyon même, aucune baisse durable et significative de la délinquance n’a été directement attribuée aux caméras. À Nice, les résultats restent mitigés : là aussi, rien ne confirme une diminution nette de la criminalité liée directement aux caméras. « Aucune corrélation globale n’a été relevée », concluait la Cour des comptes en 2020.

Autrement dit, les villes très équipées n’enregistrent pas moins de crimes et délits que les autres, ni de meilleurs taux d’arrestation. « Une caméra permet de stopper la délinquance », martèle de son côté Pierre Oliver : pourquoi les défendre si leur efficacité n’est pas démontrée scientifiquement ?

Un rôle vital

Selon les services de police, la présence de caméras permet régulièrement de faciliter les enquêtes après un incident. Sur le terrain, les caméras peuvent également guider l’action des forces de l’ordre en temps réel pour envoyer une patrouille directement sur place. Mais à condition d’avoir suffisamment d’agents devant les écrans.

En comptant les 165 caméras désormais mises à disposition de la police nationale par Villeurbanne, les forces de l'ordre françaises disposent de 300 flux vidéos sur la ville en comptant celles mises à disposition par les transports en commun et autres.
Le centre de supervision urbaine Marius-Berliet peut accéder aux images de Villeurbanne. (©Théo Zuili / actu Lyon)

La plupart du temps, c’est pour identifier des auteurs a posteriori des faits qu’elles s’avèrent utiles.

Derrière la sécurité, l’enjeu électoral

À Lyon comme ailleurs, les caméras ne sont ni une solution miracle, ni une mesure inutile par principe.

Sa proposition spectaculaire est-elle une surenchère avant tout électorale, visant à satisfaire l’opinion plus qu’à obtenir des résultats concrets sur des problèmes complexes ? Pierre Oliver balaie cette accusation.

« On va changer de paradigme, donc c’est sûr que ça peut paraître surprenant, mais quoi qu’il arrive, on s’occupera de ce sujet matin, midi et soir. Ça viendra de paire avec le recrutement de policiers municipaux », assure-t-il tout en se disant « conscient de l’importante concurrence des mairies » sur ce métier en pénurie.

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