Par
Léa Pippinato
Publié le
12 juin 2025 à 19h25
« Frauder, c’est voler. Et je n’ai aucun état d’âme à chasser le fraudeur. À une époque, certains s’en vantaient dans les repas de famille. Aujourd’hui, c’est une honte », a déclaré Laurent Guillon, directeur départemental des finances publiques de l’Hérault, lors d’un point presse à Montpellier, ce mercredi 11 juin 2025.
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En 2024, les services fiscaux ont mené 25 000 contrôles dans le département. Ils ont permis de détecter 111 millions d’euros de fraudes. Environ 65 millions d’euros ont été recouvrés, soit un taux d’encaissement de plus de 60 %. Les particuliers sont majoritaires parmi les fraudeurs, représentant 57 % des montants redressés, contre 43 % pour les entreprises. Le département dispose de cinq brigades, dont quatre à Montpellier et une à Béziers. Elles sont composées d’environ 100 agents spécialisés. Une cinquième brigade a été ajoutée en septembre 2023. Le contrôle fiscal reste un secteur préservé : « Il n’y a aucune suppression de postes dans les missions de contrôle fiscal », a précisé Laurent Guillon. Ces brigades interviennent en complément d’équipes chargées de la programmation, du recouvrement et de l’analyse des risques.
Un appui croissant de l’intelligence artificielle
Plus de 50 % des contrôles effectués en 2024 ont été initiés par l’analyse automatisée de données. L’intelligence artificielle, alliée à l’exploitation des données administratives et satellitaires, permet d’améliorer la précision du ciblage. Laurent Guillon en donne un exemple concret : « Le recours aux outils de l’intelligence artificielle lié aux vues aériennes a conduit les services fiscaux à renforcer le contrôle des déclarations des impôts locaux concernant notamment les piscines. » C’est ainsi que 5 140 bassins non déclarés ont été détectés dans l’Hérault, générant un redressement de 952 960 euros. Un nouveau traitement automatisé est prévu pour 2026. Aulne Abeille, directeur du contrôle fiscal en Occitanie, insiste sur l’intérêt de ces outils : « C’est ce qu’on appelle la programmation. On collecte des indices, on a des faisceaux de suspicion. Cela permet d’envoyer les agents au bon endroit. »
De nouveaux domaines ciblés
Deux autres cas concrets de fraude ont été présentés. Dans chacun, une entreprise avait déplacé fictivement son siège à l’étranger tout en exerçant ses activités en France. Ce type de montage permettait d’échapper à l’imposition en France. Ces cas ont donné lieu à des redressements conséquents, des pénalités lourdes et des dénonciations aux autorités judiciaires. Les services fiscaux ciblent aussi de nouveaux domaines d’activité. Le dropshipping, la vente à distance ou encore les crypto-actifs sont désormais surveillés de près. Ces secteurs, peu encadrés, facilitent les dissimulations. Les crédits d’impôt frauduleux constituent une autre priorité. En 2024, l’administration fiscale a évité le remboursement de 16,8 millions d’euros de crédits d’impôt et de TVA injustifiés. Sur ce montant, 3,6 millions concernaient des crédits d’impôt sur le revenu.
Vidéos : en ce moment sur ActuUne réponse différenciée selon les situations
La réponse de l’administration varie selon le comportement du contribuable. 35 % des contrôles en région Occitanie se terminent par une acceptation des redressements, parfois accompagnée d’une demande de transaction ou d’un règlement immédiat. Aulne Abeille rappelle que « cette acceptation traduit une démarche très différente de celle du contribuable qui conteste ou refuse de coopérer. » Les sanctions sont progressives. Un manquement simple entraîne 10 % de pénalité. En cas de manquement délibéré, la sanction est de 40 %. Pour des manœuvres frauduleuses, elle monte à 80 %, et peut atteindre 100 % en cas d’opposition à un contrôle fiscal. Concernant les cas les plus graves, plus de 200 plaintes ont été déposées en 2024 en Occitanie. Elles concernent les fraudes caractérisées, souvent accompagnées de tentatives de dissimulation ou de refus de coopération.
📍 La situation en Occitanie
En 2024, l’ensemble des services de contrôle de la région Occitanie ont mené 18 323 contrôles fiscaux. Ces opérations ont permis de détecter 422 millions d’euros de fraudes et d’appliquer 101 millions d’euros de pénalités. Par rapport à 2020, ces chiffres représentent une augmentation de 43 %. Cette progression traduit à la fois une amélioration du ciblage, une plus grande capacité d’action des services et une meilleure structuration des dispositifs de contrôle.
La transaction est un outil réservé à certains cas. Elle consiste en un accord entre le contribuable et l’administration pour modérer la pénalité, en échange du paiement rapide et sans contentieux des montants dus. Aulne Abeille précise que « c’est un pouvoir qui nous est donné par la loi, très encadré, qui ne touche jamais au montant de l’impôt dû, seulement à la pénalité. »
Une collaboration interservices renforcée
La DDFiP de l’Hérault participe activement aux opérations dites « Place Nette », officiellement désignées comme Plan d’action départemental de restauration de la sécurité au quotidien, aux côtés des forces de l’ordre, des douanes et d’autres administrations. En 2024, dix interventions ont été conduites. Ces actions ont permis de saisir directement 164 000 euros sur place, de vérifier les caisses, et de déclencher des contrôles fiscaux approfondis. Les services fiscaux travaillent également avec l’URSSAF, dans un partenariat régulier qui permet des redressements croisés, à la fois fiscaux et sociaux. Enfin, l’administration constate des résultats en amélioration sur les déclarations de succession. Selon Laurent Guillon, « certaines déclarations sont minorées ou non déposées. Depuis deux ans, notre nouvelle organisation nous permet d’intervenir de manière plus efficace. »
La loi de finances pour 2025 prévoit plusieurs mesures nouvelles. Une procédure accélérée permettra de bloquer certaines demandes de remboursement frauduleuses. Une base commune de relevés bancaires frauduleux sera partagée entre administrations. De nouveaux outils cibleront les crypto-actifs. La facturation électronique sera exploitée pour détecter des incohérences fiscales. Enfin, un indicateur d’évaluation de la fraude à l’impôt sur les sociétés est en cours d’élaboration. Ces évolutions s’accompagnent de renforts humains, principalement dans les brigades de contrôle.
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