« Si cette décision était confirmée, ce sont 1 000 emplois qui disparaîtraient. » Cette alerte, c’est Tristan Lahais, député d’Ille-et-Vilaine, qui la lance depuis les bancs de l’Assemblée nationale, ce mercredi 9 avril. Lors des questions au gouvernement, l’élu Génération.s aborde un sujet qui pourrait avoir un impact significatif dans le monde de l’économie sociale et solidaire : les résultats d’un appel d’offres défavorables au réseau Envie.
Né à Strasbourg dans les années 1980, Envie regroupe aujourd’hui 53 entreprises, parmi lesquelles Envie 35 à Rennes, et emploie 3 800 salariés, dont 2 850 en insertion (chômeurs de longue durée, bénéficiaires du RSA…). Spécialisée dans la réparation et le réemploi d’appareils électroménagers, la structure est aussi active dans le domaine du transport et de la logistique des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). Des écrans, ampoules, radiateurs et autres lave-linges qui, dans le cadre d’une filière de « responsabilité élargie des producteurs » encadrée par la loi, doivent être collectés puis acheminés vers des sites de recyclage.
Pour organiser la partie logistique, les éco-organismes gérant la filière sont tenus de lancer régulièrement des appels d’offres pour remettre en concurrence leurs prestataires. C’est ce qu’a fait l’éco-organisme Ecosystem en publiant, en décembre 2024, un appel d’offres de trois ans (2025-2027), découpé en une centaine de lots géographiques sur l’ensemble du territoire. Ses résultats ont été publiés ce mercredi 9 avril. Et mauvaise nouvelle pour Envie : plusieurs lots qui lui étaient jusqu’ici attribués vont lui échapper au profit d’autres acteurs. C’est notamment le cas pour Envie 35, qui va devoir laisser sa place au groupe Brangeon, originaire du Maine-et-Loire. « Au total, Envie représente aujourd’hui presque 30 % de nos prestations de logistique. Il va à l’avenir plutôt être aux alentours de 25 % », indique la directrice générale d’Ecosystem, Nathalie Yserd. Dans un communiqué, Envie dit avoir perdu « plus de la moitié des marchés ».
Effet domino
Face à ces résultats, le réseau a tiré la sonnette d’alarme. Selon lui, la baisse d’activité induite par la perte des lots aura des « conséquences dramatiques » et met en danger « à très court terme » ses sites logistiques de Rennes, Nantes, Angers, Niort et Mulhouse (mais pas celui de Brest). « Leurs fermetures entraîneraient aussi, par effet domino, la disparition de structures de reconditionnement et de réemploi pourtant reconnues pour la qualité et la fiabilité de leurs appareils électroménagers reconditionnés, garantis, et remis sur le marché à prix solidaire », écrit le réseau. Au total, jusqu’à 1 000 emplois sont menacés de disparation « directement ou indirectement », dont dont environ 80 à Rennes (Envie compte environ 250 salariés en Bretagne).
Depuis que le couperet est tombé, les réunions et les appels téléphoniques se sont enchaînés à Rennes, où les salariés ont été prévenus ce jeudi 10 avril. Soit le lendemain de la prise de parole de Tristan Lahais à l’Assemblée nationale, qui a « un peu précipité les choses », avoue-t-on dans l’entourage d’Envie 35. Que vont devenir les salariés aujourd’hui dédiés à la logistique ? Vont-ils être fléchés vers d’autres activités au sein d’Envie 35 ? Des licenciements sont-ils prévus ? Trop tôt pour le savoir. Les marchés jusqu’ici attribués à l’entreprise devraient s’arrêter courant mai.
Le gouvernement veut « trouver des solutions »
Dans son communiqué, Envie déplore que la décision d’Ecosystem ait été « axée principalement sur des critères tarifaires », au détriment du social. Il demande à l’éco-organisme « d’assumer son rôle d’entreprise à mission, son engagement affiché pour le réemploi/reconditionnement et d’ouvrir un véritable échange pour sauvegarder les entreprises logistiques Envie ». Il réclame aussi l’intervention des collectivités et du gouvernement.
Chez Ecosystem, Nathalie Yserd assure que l’appel d’offres s’est déroulé conformément à la réglementation, avec des critères d’attribution reposant à 60 % sur le volet économique et le reste sur les aspects environnementaux et sociaux. « Malheureusement, pour certains lots, des acteurs ont été plus compétitifs qu’Envie », explique la directrice, qui dit « comprendre la déception et la colère du réseau d’avoir perdu certains lots. Il s’agit d’un marché, avec des gagnants et malheureusement de perdants », ajoute-t-elle.
À l’Assemblée nationale, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a assuré que ses équipes étaient en contact avec Envie et Ecosytem, tout en faisant comprendre qu’il sera difficile de revenir sur les résultats d’un appel d’offres qui « relève de l’interaction entre personnes privées ». Pour la ministre, il faut désormais « trouver des solutions permettant d’accompagner la transition des sites logistiques et, au premier rang, des salariés concernés ». « Nous devons aussi trouver une solution relative à l’accès aux gisements de réemploi. »