Une serre tropicale face à la Méditerranée. Aux Papayes de Provence, chemin du Coupereau à Carqueiranne, est le premier lieu de production de papayes en France métropolitaine.

À l’origine de cette forêt tropicale sous serre, Dominique Bardin a fait le pari un peu fou de planter des fruits exotiques.

En 2007, l’ex enseignante au lycée agricole d’Hyères achète des terres pour y créer, avec son compagnon Jean-Bernard Simian, une ferme aquacole: la Spiruline de Provence.

Puis, rapidement, l’agricultrice décide de transformer la terre sèche des serres de rosiers à l’abandon pour « créer un lieu d’abondance » et apporter de la diversité dans ce vallon baigné de soleil 300 jours par an et entouré de collines, donc à l’abri du vent.

« L’objectif était de trouver l’autonomie alimentaire à travers la permaculture, sans chauffage ni traitement chimique », développe Dominique. Dans cette petite jungle équatorienne, des dizaines de variétés ont été plantées.

Une « forêt comestible » composée de fruits de la passion, kiwis, mangues, goyaves, avocats, ananas… Et, donc, de la papaye verte.

« À l’origine de ce projet, une question simple: qu’est-ce qu’on va manger demain? » Les premiers arbres fruitiers sont plantés par passion. Puis la biologiste se prend au jeu de l’expérimentation. Pour « trouver des solutions ». Et ça marche.

À force de persévérance, la papaye verte, irriguée par le canal de Provence, est en passe de devenir un produit local.

Un produit asiatique


La papaye verte se cuisine comme un légume. Crédit photo Web uniquement.

« Une voisine m’a offert la première papaye. Et l’an dernier, on a produit une tonne et demie, raconte la permacultrice. Maintenant, regardez, les graines tombent et ça repousse tout seul. »

Ce fruit à la chair ferme et au goût neutre, voire légèrement amer, est très utilisé dans la cuisine asiatique. Par exemple dans une salade façon thaï, en gratin ou en beignet.

Reconnu comme un aliment santé, la papaye est aussi une véritable mine de vitamines A et C, riche en fibres, potassium et antioxydants.

Parmi les clients des Papayes de Provence, des chefs de la région, des supermarchés locaux et aussi des particuliers, intrigués par ces fruits qui peuvent peser jusqu’à un kilo. « La demande est aujourd’hui plus forte que ce qu’on peut produire », constate l’entrepreneuse, désormais à l’étroit dans ses serres.

Des terres agricoles, il y en a pourtant des dizaines d’hectares à Carqueiranne. À cause de la fin de l’horticulture, la commune est ainsi passée de 300 agriculteurs dans les années 2000 à une quarantaine aujourd’hui.

« J’ai demandé aux propriétaires, pour m’agrandir, mais ils ne veulent pas vendre. Ils espèrent que leur terrain passera en constructible, afin de vendre plus cher. » En attendant, les terres sont en friche et les restanques s’effondrent. Un crève-cœur pour Dominique, « tombée amoureuse » de ce coin de paradis entre Toulon et Hyères.

« Quand on a acheté, c’était désert ici. Tout s’était écroulé. On a donc remonté les restanques, pierre par pierre. C’est un patrimoine à transmettre. Déjà par respect pour les anciens qui ont façonné le paysage. Et aussi pour la génération suivante », espère cette mère de famille.

À ses côtés, Yoann, 21 ans, est en alternance. Il souhaite devenir maraîcher. « C’est beau de voir un jeune aussi motivé. Il faudrait des décisions politiques fortes pour que les jeunes puissent s’installer. »

Cuisine provençale

Au lieu de subir le changement climatique, Dominique Bardin a donc choisi de s’adapter. Dans sa « nurserie », elle a ainsi fait pousser une soixantaine d’arbres fruitiers. Des expérimentations qui prennent du temps.

« Il faut compter entre trois à cinq ans entre le moment où on plante un arbre et la récolte des premiers fruits », explique-t-elle. Aux Papayes de Provence, toute la production est en agriculture biologique. L’engrais? Du crottin de cheval et des déchets végétaux, déposés au pied des arbres fruitiers.

L’exploratrice tropicale a aussi connu quelques revers. La noix de coco et les fèves de cacao n’ont pas survécu sous nos latitudes. En revanche, les délicieuses cerises de Cayenne semblent s’être parfaitement acclimatées au littoral méditerranéen. Tout comme les treize variétés de bananes. Des fruits qui poussent toute l’année.

Au milieu des vignes, des plants de tomates, des amandiers et des figuiers… « De l’exotique et du local, tout est possible. » Le chef Gui Gedda, surnommé « le pape de la cuisine provençale » a même intégré la papaye varoise dans son dernier livre (1) en proposant une recette du « tian de papaye à la carqueirannaise ».

Une consécration.

1. Une vie frottée d’ail: la cuisine provençale d’hier et de demain, aux Éditions de l’Épure, 608 pages, 500 recettes.