La NASA rêvait de poser
un robot sur Europe, une lune glacée de Jupiter, pour y
chercher des signes de vie. Mais en 2023, ce rêve a été mis en
pause. En cause : des conditions trop extrêmes pour garantir le
succès de la mission. Pourtant, l’histoire ne s’arrête pas là. Le
robot, déjà conçu et testé, pourrait bien avoir une seconde vie… sur une autre
lune tout aussi fascinante : Encelade, l’un des astres les plus
prometteurs du système solaire pour la recherche de vie
extraterrestre.
Europe : un océan sous la
glace… mais un environnement infernal
Depuis des années, Europe est
dans le viseur des scientifiques. Cette lune de Jupiter cache sous
sa surface gelée un océan liquide global, maintenu à l’état liquide
par les forces de marée exercées par la planète géante. Cet océan
pourrait contenir de l’énergie chimique, de l’eau et des éléments
essentiels à la vie. Autant dire que, pour les astrobiologistes,
Europe est une véritable mine d’or potentielle.
La NASA avait donc prévu
d’envoyer la mission Europa Clipper, qui doit toujours survoler
Europe à partir de 2030. Si elle détectait des conditions
favorables à la vie (via la chimie de l’eau ou d’éventuels
panaches), un atterrisseur robotisé aurait dû être envoyé en
renfort pour prélever des échantillons à la surface.
Mais voilà le hic : Europe est
un enfer technologique. Sa proximité avec Jupiter l’expose à des
niveaux de radiation extrêmes. Ces radiations sont assez puissantes
pour griller les circuits électroniques d’un robot en quelques
jours. Et ce n’est pas tout : la surface de la lune est glaciale
(entre −160 °C et −220 °C), la lumière solaire y est faible (donc
peu d’énergie), et la fenêtre de communication avec la Terre est
réduite à moins de la moitié de chaque rotation d’Europe (85
heures).
Un robot prêt à partir… mais
sans destination
Malgré ces défis, la NASA n’a
pas baissé les bras. Le Jet Propulsion Laboratory (JPL) a conçu un
robot-atterrisseur spécialement taillé pour affronter les
conditions sur Europe. Testé dans des environnements glacés
similaires, comme le glacier Matanuska en Alaska, ce robot était
capable de se poser sur la glace, d’extraire des échantillons en
profondeur et de décider de ses actions grâce à une autonomie
logicielle avancée.
Parmi ses outils innovants
:
-
ICEPICK, un bras de forage
intelligent capable d’atteindre 20 cm sous la surface ; -
Une caméra stéréoscopique avec
éclairage intégré pour naviguer dans l’obscurité ; -
Des jambes articulées pour
absorber les chocs de l’atterrissage et s’adapter au terrain ; -
Un logiciel de navigation
autonome, essentiel dans un environnement avec peu de temps de
communication avec la Terre.
Ce robot a franchi avec succès
toutes les étapes de test. Mais au moment décisif, le verdict de la
stratégie décennale de la science planétaire (2023) est tombé : la
mission d’atterrissage sur Europe est annulée. La raison principale
? Les radiations détruiraient sans doute les biosignatures (traces
de vie) avant même que le robot n’ait le temps de les détecter.
La lune Europe. Crédits : NASA/JPL-Caltech/SwRI/MSSS. Traitement
d’image par Björn Jónsson CC BY-NC-SA 2.0)Encelade : une lune plus
hospitalière pour la vie
Mais le robot ne restera pas
sans mission. La NASA envisage désormais de réorienter ses efforts
vers Encelade, une petite lune de Saturne. Elle possède, elle
aussi, un océan souterrain global et un paysage de glace strié de
fractures, par lesquelles s’échappent des panaches d’eau salée
contenant des molécules organiques complexes. Ces éruptions
naturelles offrent un accès direct à l’océan sans avoir à forer la
surface.
Et surtout : Encelade est bien
moins exposée aux radiations que Europe. Cela signifie que si des
biosignatures s’y trouvent, elles ont bien plus de chances de
survivre à la surface suffisamment longtemps pour être détectées.
En résumé, Encelade coche toutes les cases : conditions favorables
à la vie, meilleure accessibilité scientifique et logistique, et
une mission bien plus réalisable avec la technologie existante.
Réutiliser plutôt que
recommencer
La bonne nouvelle, c’est que
tout ce qui a été conçu pour Europe – des algorithmes de navigation
aux outils de prélèvement – peut être adapté à Encelade. Plutôt que
de repartir de zéro, la NASA capitalise sur l’ingénierie avancée
déjà testée pour Europe. C’est une forme de recyclage spatial
intelligent, où chaque dollar investi sert à repousser les
frontières de notre compréhension de l’univers.
Encelade (au premier plan) dérive devant les anneaux de Saturne
tandis que Titan se profile derrière. Crédits : NASA/JPL-Caltech /
Space Science InstituteÀ la recherche de la vie…
mais pas encore des abysses
Bien sûr, le rêve ultime reste
d’envoyer un jour un sous-marin dans les océans souterrains de ces
lunes glacées. Mais avant d’atteindre ce niveau d’exploration, il
faut d’abord poser un robot à la surface, détecter les
biosignatures, et comprendre les environnements extrêmes de ces
astres lointains.
Avec Encelade comme nouvelle
cible, la chasse à la vie extraterrestre est loin d’être
abandonnée. Elle vient simplement de changer de terrain de jeu.