En novembre 2022, dans le cadre de son programme de préservation de la biodiversité dans la Seine, la Métropole Rouen Normandie, en partenariat avec l’Agence de l’eau Seine Normandie et le GIP (groupement d’intérêt public) Seine-Aval, a fait poser sous les pontons du port de plaisance de Rouen (Seine-Maritime), au cœur de l’activité fluviale d’Haropa Port, 20 habitats artificiels, dénommés « biohuts » et développés par la société Éco Océan. Si 2 000 ont déjà été installés en Méditerranée, Rouen était le premier port fluvial en France à s’en doter.
Depuis, ces cages métalliques sont sous haute surveillance et sont relevées une fois par an pour déterminer les espèces présentes, constater leur état et leur quantité. Dès le lancement, la principale espèce cible a été l’anguille, qui parcoure 6 000 kilomètres depuis la mer des Sargasses pour se reproduire dans la Seine, malgré la pression de la pêche, du dérèglement climatique, de la qualité de l’eau et de la réduction des zones humides.
Ce jeudi 12 juin 2025, la troisième vague de relevés a montré une nouvelle progression de la population d’anguilles dans le fleuve. « Chaque année, on voit un peu plus d’individu dans les biohuts », se réjouit Manuel Muntoni, chargé de mission restauration écologique GIP Seine-Aval. « Nous étions à une anguille, il y a trois ans. En 2024, nous en avons compté 19 et, là, dès les deux premiers casiers, nous sommes à une quinzaine. »
Le gite et le couvert
Le dispositif expérimental choisi est simple : « Nous fournissons le gite et le couvert », résume Manuel Muntoni. Les cages métalliques sont en effet remplies de coquilles d’huîtres « pour créer des micro-habitats dans lesquels se développe un substrat favorable pour que la nourriture devienne attractive pour des espèces juvéniles comme des petits poissons, des crustacés, des crevettes et des anguillettes. Ces animaux restent ainsi à proximité et peuvent s’y réfugier face aux gros prédateurs. »
Le choix d’installer les 20 biohuts dans le port de plaisance n’est pas un hasard, précise le chargé de mission : « Le port est à l’abri des courants forts et est donc comme une aire de repos pour des espèces. »
« Cela montre aussi que la qualité de l’eau s’améliore », ajoute-t-il. « Bien entendu, on ne va pas soigner la Seine avec ces mesures. Il faut des actions plus larges comme le rétablissement de la dynamique fluviale sur des centaines d’hectares. »
Plus de biohuts pour plus d’espèces
Pour le technicien, il faudrait à terme reproduire cette opération à une échelle plus large, et « aller jusqu’à 1 000 ou 2 000 biohuts tout au long des berges », estime-t-il. « Ces crèches permettraient de faire revenir aussi d’autres poissons comme le brochet. On montre ici qu’avec de petites mesures, on améliore les conditions d’habitat et de reproduction dans des milieux totalement artificialisés qui offrent peu d’espace. »
Pour Hugo Langlois, conseiller métropolitain délégué à la protection, la valorisation et la gestion de la Seine : « C’est un projet de reconquête et de reculturation du fleuve. Pendant longtemps, il n’a pas été respecté. Là, on veut montrer qu’on a la capacité de faire évoluer les choses à notre échelle pour recréer des lieux de reproduction et de protection des espèces. »