Pleins feux sur l’aspect esthétique du livre
Photo: Facebook de Nejkrásnější české knihy roku
Cela a commencé en 1965, et cette tradition n’a jamais été interrompue. Tous les ans, les organisateurs du concours nous rappellent l’importance de l’aspect esthétique du livre : sa couverture, sa reliure, ses illustrations, sa typographie, sa pagination, et même la qualité du papier sur lequel il est imprimé. Et l’intérêt considérable que les auteurs et les éditeurs tchèques manifestent pour le concours démontre que la qualité de leurs livres leur tient à cœur, et aussi, bien sûr, que la participation au concours est un bon moyen de faire connaître leur production. Cette année, 309 projets étaient en lice, c’est-à-dire 309 livres répartis en sept catégories, et nous connaissons déjà les vainqueurs. Nous ne pouvons pas vous présenter ici tout le palmarès et sommes donc obligés de choisir les livres qui ont remporté la victoire dans les catégories que nous considérons comme principales.
Le journal intime d’une fille énergique
‘Vlasta Hustáková – Le journal (1918–1923)’|Photo: Bylo nebylo
Dans la catégorie « prose », c’est le livre Deník – Le journal (1918–1923) de Vlasta Hustáková qui a gagné grâce au travail original des graphistes Helena Šantavá et Zuzana Hustáková Mašková. L’éditrice Helena Černohorská, de la maison d’édition Bylo nebylo, a été immédiatement séduite par cette confession sincère d’une jeune fille énergique :
« C’est écrit avec un élan immense. C’est un livre dans lequel il y a énormément d’énergie. Vlasta Hustáková a une telle force vitale que cela suffirait pour alimenter trois autres vies. Elle écrit avec un élan généreux et d’une façon très convaincante, bien qu’elle ne soit âgée que de treize ans au moment où elle commence à rédiger son journal. C’est écrit dans un dialecte, parce que Vlasta Hustáková provenait du village de Komňa, situé aux confins de la Moravie et de la Slovaquie. Et ce dialecte est très charmant. »
‘Vlasta Hustáková – Le journal (1918–1923)’|Photo: Bylo nebylo
Un livre pour les enfants de parents divorcés
‘Maman et papa ne sont plus ensemble’|Photo: Blaze.je
Dans la catégorie des livres pour enfants et adolescents, la victoire a été remportée par l’ouvrage intitulé Máma s tátou už nejsou spolu – Maman et papa ne sont plus ensemble, dans lequel son auteure, dessinatrice et graphiste Lenka Blažejová – Blaze, traite un thème épineux qui concerne aujourd’hui beaucoup d’enfants et qui la concernait elle-même :
« Je crée des ouvrages réunissant les aspects du livre classique, de la bande dessinée et des cahiers d’activités. Je pars de mon expérience personnelle et mets en exergue les thèmes que je trouve importants. Dans ce cas concret, dans le livre Maman et papa ne sont plus ensemble, il s’agit du divorce, de la séparation parentale. Il est destiné aux enfants, aux adolescents et aux familles entières pour les aider à traverser cette période difficile et pour les soutenir. Mes parents ont divorcé quand j’avais 10 ans, mais à l’époque on n’en parlait pas. Je crée donc les livres que j’aurais aimé lire dans mon enfance. »
‘Maman et papa ne sont plus ensemble’|Photo: Blaze.je
La vie aventurière d’un photographe nomade
‘Bob Krčil (1952–1992) – Vivre comme si cela pouvait coûter la vie’|Photo: Torst
C’est un ouvrage évoquant la vie et l’œuvre d’un photographe globe-trotter qui a été distingué dans la catégorie « livre d’art ». Il s’agit d’une anthologie très spéciale intitulée Bob Krčil (1952–1992) Žít, jako by šlo o život – Vivre comme si cela pouvait coûter la vie. Le livre a été conçu et créé par la graphiste Zuzana Lednická, qui désirait lui donner un aspect modeste et pratique :
« Bob Krčil est un photographe qui a émigré après l’invasion de l’armée soviétique en 1968, et qui était inapte à supporter n’importe quel système politique. C’était à la fois sa chance et sa malédiction. Notre livre retrace son itinéraire et, en même temps, montre ses photos. (…) Nous nous sommes mis d’accord pour que le livre soit de petites dimensions, que ce ne soit pas une monographie classique d’un auteur, mais un ouvrage presque dans le genre de On the Road de Jack Kerouac. Bob Krčil a traversé l’Iran, l’Afghanistan, l’Inde, et il a fini par se rendre à New York après avoir séjourné encore en France. À l’époque, ce n’était pas un itinéraire courant, surtout pour un homme né derrière le rideau de fer. »
Le dialogue de deux dessinatrices habiles
‘Le livre de l’année’|Photo: Baobab
C’est un duo de dessinatrices qui est sorti vainqueur de la compétition dans la catégorie « livre d’auteur ». Elles s’appellent Michaela Kukovičová et Magdalena Rutová. Ce sont deux femmes qui sympathisent, qui aiment se confier l’une à l’autre, et qui cherchaient un moyen de collaborer à un projet commun. Michaela Kukovičová explique qu’elles ont finalement trouvé un procédé original :
« Nous aimons dessiner. Nous dessinons toujours et partout, et nous voulions faire quelque chose ensemble. Et j’ai eu l’idée que nous pourrions échanger chaque jour un dessin, comme un petit reportage, avec une note explicative. Notre seule limitation était le format. Il fallait prendre le dessin en photo avec nos téléphones et faire parvenir les photos à destination avant minuit. »
‘Le livre de l’année’|Photo: Baobab
Le résultat de cette collaboration est un livre volumineux de 700 pages que les deux auteures ont intitulé Kniha roku – Le livre de l’année. C’est une chronique détaillée de la vie quotidienne des deux protagonistes, dans laquelle elles retracent d’innombrables petits épisodes de leurs existences : de petits événements ordinaires, parfois sérieux, parfois amusants et même ridicules, parfois rasants et gênants, mais toujours drôles. Tout cela est illustré par les croquis évocateurs des deux amies. L’aspect esthétique du livre, publié aux éditions Baobab, est dû au graphiste Jan Čumlivski.
‘Le livre de l’année’|Photo: Baobab
Un geste amical en faveur des collègues slovaques
Photo: Facebook de Nejkrásnější české knihy roku
La présidente du jury du concours, Linda Kudrnovská, s’est déclarée surprise par la grande diversité et la qualité des ouvrages en lice. Elle apprécie particulièrement le fait que les auteurs considèrent la présentation graphique du livre comme une tâche complexe exigeant non seulement une connaissance profonde de la tradition, des connotations culturelles et des règles typographiques, mais aussi la capacité de les remettre en question et de les transgresser de manière créative.
Et il y a encore un aspect exceptionnel qui a marqué la 60e édition du concours. La culture slovaque se retrouve aujourd’hui face à un régime qui cherche à la ligoter et à la soumettre à ses objectifs politiques. Dans cette situation, les organisateurs du concours ont offert aux auteurs, designers et graphistes slovaques la possibilité de présenter leur production en Tchéquie. Et selon le directeur du Musée de la littérature de Prague, Michal Stehlík, cette proposition a suscité un vif intérêt chez les collègues slovaques :
Michal Stehlík|Photo: Karolína Němcová, ČRo
« La 60e édition, c’est vraiment déjà une occasion de se retourner sur l’histoire du design, sur l’évolution du livre, sur les talents fabuleux des générations précédentes. Il y a donc 309 projets qui ont participé à notre concours, mais il y a aussi 80 projets de Slovaquie. Et ce n’est pas une simple continuation d’une tradition tchéco-slovaque, car nous ne pouvons pas ignorer la gravité de la situation culturelle en Slovaquie, où nos collègues slovaques ont décidé de boycotter le concours officiel des plus beaux livres. Sans tarder, nous avons donc décidé de créer une catégorie spéciale hors concours pour ces auteurs. La situation culturelle slovaque est loin d’être facile, et nous croisons les doigts pour porter chance à la Slovaquie. »