On connaît les grands
requins blancs, les marteaux, les tigres… Mais il existe un tout
autre genre de prédateur marin, bien plus petit et infiniment plus
étrange : le requin emporte-pièce, ou squalelet féroce. Avec
son look modeste et sa taille de poisson rouge, ce petit requin des
profondeurs a pourtant mis au point une méthode d’attaque si
surprenante qu’elle en paraît presque irréelle.
Deux espèces, un mode
opératoire unique
Le squalelet féroce regroupe
deux espèces : Isistius
brasiliensis (à petites dents) et Isistius plutodus (à grandes dents). Le premier
est plus courant, mais tous deux partagent une caractéristique
fascinante : ils s’alimentent en mordant littéralement des morceaux
circulaires dans la chair d’animaux beaucoup plus gros qu’eux.
Ces requins mesurent à peine
50 centimètres. Pourtant, I.
plutodus possède les plus grandes dents inférieures,
proportionnellement à sa taille, de tous les requins connus. Et
elles sont aiguisées comme des rasoirs.
Une attaque digne d’un film
d’horreur
Le modus operandi du requin
emporte-pièce est aussi audacieux qu’efficace. En pleine nuit, il
remonte des abysses vers les eaux de
surface, où nagent des proies comme des marlins, des dauphins, des
thons… ou parfois même des humains.
Grâce à ses lèvres en forme de
ventouse, il s’accroche à la peau de sa victime. Ensuite, il pivote
rapidement sur lui-même, découpant un bouchon de chair avec ses
dents inférieures dentelées. Le résultat ? Une blessure circulaire
nette et sanglante, comme si un emporte-pièce géant avait été
utilisé.
Oui, ils s’attaquent aussi à
nous
Aussi bizarre que cela puisse
paraître, des cas de morsures humaines ont été recensés. En 2024,
une étude scientifique a rapporté sept
attaques confirmées sur des nageurs, dont six à Hawaï. Les victimes
n’ont pas été gravement blessées, mais le type de morsure est
immédiatement reconnaissable.
Les chercheurs ont alors
croisé les données avec les conditions d’observation, et une
corrélation étonnante est apparue : les attaques ont lieu presque
exclusivement lors de nuits sans lune. D’après Steven Minaglia,
coauteur de l’étude, « un ciel nocturne totalement noir serait
un facteur de risque important pour les nageurs ». De quoi
faire réfléchir avant une traversée nocturne…
Toutes sortes de créatures marines sont victimes du requin
emporte-pièce. Crédit image : NOAA ; modifié par
IFLScienceUn monstre des profondeurs…
miniaturisé
Malgré son comportement
agressif, le requin emporte-pièce reste un prédateur discret et
rare. Il vit dans les profondeurs tropicales et subtropicales du
globe, et ne remonte à la surface que la nuit. Invisible le jour,
furtif la nuit, il est l’incarnation parfaite de tout ce que l’on
ignore encore des océans.
Son existence nous rappelle
que les formes de vie marine sont souvent bien plus étranges,
inventives et redoutables que ce que l’on pourrait imaginer… même
lorsqu’elles tiennent dans un sac de sport.