Deux silhouettes tiennent chacune un marteau aux couleurs du rainbow flag et encadrent, au sol, une croix gammée brisée en plusieurs morceaux. Si jamais le visuel n’est pas assez limpide, l’affiche officielle de la Marche des visibilités 2025, organisée par le collectif associatif FestiGays et programmée ce samedi 14 juin à Strasbourg, mentionne aussi un mot d’ordre des plus explicites : “Faire corps contre le fascisme”.

Recrudescence des actes anti-LGBT

Sans faire sien un terme politiquement aussi chargé, Mathias Ott ne peut que confirmer le vent mauvais qui souffle sur l’Hexagone, statistiques à l’appui. Oui, la parole haineuse se libère et les actes homophobes vont croissant. « On vit une situation assez paradoxale », résume le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah). « D’un côté, les droits des personnes LGBT progressent. De l’autre, on constate une forte recrudescence des actes LGBT-phobes : +5 % l’an passé au niveau national et déjà +15 % entre 2016 et 2024… C’est un mouvement de fond. » L’Alsace, hélas, ne fait pas exception : dans le seul Bas-Rhin, 53 infractions homophobes ont officiellement été dénombrées en 2024, contre 36 en 2023, soit +47 % d’augmentation !

Au niveau national, observe le patron de la Dilcrah, « cette progression traduit à la fois une libération de la parole, une hausse des plaintes – ce qui est positif – et une désinhibition croissante des propos et actes anti-LGBT. C’est d’ailleurs la même chose en matière de propos et actes racistes et antisémites. »

Plan de lutte triennal

Pour s’en tenir à l’homophobie, deux phénomènes inquiètent particulièrement au niveau national. D’abord « la progression des guets-apens où, pour parler vulgairement, la volonté de “casser du pédé” accompagne souvent des motivations crapuleuses… On a enregistré une centaine de cas l’an passé, un chiffre en hausse », signale Mathias Ott. Ensuite la triste persistance de l’homophobie en milieu sportif, en particulier dans les stades de football.

Le constat n’est guère reluisant, mais il faut reconnaître à l’État de ne pas rester inactif. Depuis 2023, la France s’est dotée d’un plan de lutte triennal, fort de 117 mesures concrètes, dont 80 % ont d’ores et déjà été mis en œuvre. « Un simple exemple », glisse Mathias Ott, « s’agissant de la formation des policiers, gendarmes et magistrats, justement assurée par la Dilcrah. Grâce à elle, les personnels sont désormais mieux sensibilisés aux actes anti-LGBT. Il ne faut donc pas que les victimes aient peur d’aller déposer plainte, bien au contraire ! »

De manière générale, insiste le patron de la Dilcrah, « certains individus ne digèrent le mariage pour tous [NDLR : voté en 2013] et l’égalité des droits. Et puis on vit un moment particulier à l’échelle mondiale : on voit bien qu’ une vague populiste et réactionnaire se développe et celle-ci facilite la parole haineuse et anti-LGBT… Cela crée un contexte, qui oblige à la vigilance, mais il faut d’autant plus se féliciter de vivre dans un pays comme la France, où l’on peut tenir des marches comme celle de ce samedi à Strasbourg, dans de bonnes conditions et avec le soutien financier de l’État. »

Marche des visibilités, ce samedi 14 juin, départ à 14 h de la place de l’Université à Strasbourg ; ouverture du village des associations de 10 h à 19 h.