Comme un marathon. Même s’il est rompu aux courses d’endurance, Christian Estrosi, maire de Nice, ville hôte de l’Unoc, semble signer la plus longue de son palmarès. Alors que la 3e Conférence des Nations Unies sur l’Océan s’est achevée ce vendredi 13 juin 2025, l’élu, à qui vous ne ferez pas avouer qu’il est fatigué – « ça ne se dit pas, ça… » – fait le bilan de cet événement hors normes.
Pendant 15 jours, Nice a été le centre du monde. Quel est votre sentiment à l’heure du clap de fin?
Quand on est dans le feu de l’action, on ne réalise rien. Maintenant que le rideau tombe, je mesure que ce qui s’est passé est assez incroyable et va rester dans l’histoire pour engager un vrai processus face au réchauffement climatique. Je suis heureux que mon pays ait affirmé un leadership qu’on n’a pas trouvé avant pour obtenir ce traité sur la haute mer, notamment. Heureux d’avoir présidé cette coalition de près de 500 élus côtiers, représentant 800 millions d’habitants exposés à la montée des eaux… Quand j’ai su il y a trois ans que la France accueillerait l’Unoc en 2025, je me suis mobilisé de toutes mes forces pour convaincre qu’il fallait que ce soit ici, en Méditerranée. Dès la confirmation par Emmanuel Macron en 2023, il y a eu un travail préparatoire colossal, avec des moments lourds où j’ai dû donner de la voix dans des comités de pilotage ministériels… Mon obsession: que l’événement soit sécurisé mais aussi un rendez-vous populaire pour les Niçois.
Certains ont pu s’agacer du « bazar en ville », des barrages de police jusqu’à Cagnes…
Je les comprends. Je tiens vraiment à remercier tous les Niçois: les contents et les pas contents. On vit dans un temps d’immédiateté où la sécurité reste un domaine majeur et la transition un enjeu souvent perçu comme plus lointain. L’Unoc a eu une vertu pédagogique. Tout le monde n’aura pas été conquis mais je suis certain qu’à la fin, des avis ont changé. Le spectacle de drones a été une réussite hors du commun! Grâce à un logiciel de l’Office de tourisme, on sait que sur 150.000 spectateurs, 100.000 étaient Niçois. Voir cette foule, téléphone allumé, les hourras sur la Prom’, c’était un symbole de résilience fort et ma manière de dire merci aux habitants. Le succès de la Baleine est aussi édifiant. Ce lieu ludique et ouvert [dans le palais des expositions] qui accueillait ONG, start-up, associations pour sensibiliser sur l’océan a reçu près de 123.000 visiteurs. Plus d’un tiers de la population niçoise!
Justement, que vont devenir ces expositions?
Nous allons créer un événement au port cet été, dans la salle de l’Assemblée générale de l’Unoc et les salons voisins. Des expositions immersives spectaculaires et des activités de la Baleine y seront visibles.
Y a-t-il des événements prévus au-delà dans le centre des congrès du port?
Nous avons quinze réservations et près de soixante-dix préréservations. Le Grand Pavois de La Rochelle va y faire son yachting show, des congrès de médecine sont calés. De grands couturiers se renseignent, il pourrait y avoir des défilés. Les spectacles sont aussi un débouché, avec une jauge à 2.400 places. J’ai des contacts importants avec le producteur Gilbert Coullier. Avec Bertrand Rossi [directeur de l’Opéra], on travaille avec des acousticiens pour que la salle puisse accueillir des ballets, des productions classiques. De gros événements sportifs seront annoncés à la rentrée…
Les transports gratuits, du 6 au 8 juin, à la veille de l’ouverture du sommet, ont plu. Pensez-vous à réitérer l’expérience… voire la pérenniser?
Sur d’autres gros événements, oui. La gratuité totale, non. On n’en a pas les moyens. Sans ces recettes, pas de lignes 4 et 5 du tram. Mais nos transports sont à faible coût, comparé à Paris par exemple. Pour un abonnement annuel, c’est 30 euros par mois, sachant que les employeurs en remboursent 50%. Pour les seniors non imposables, les moins de 11 ans, c’est gratuit. Je constate un changement d’habitudes: les parkings relais sont pleins, ce n’était pas le cas il y a trois ans. On va en faire d’autres. L’Unoc a aussi permis à des gens de se mettre aux transports pour éviter les bouchons, je suis certain que ça se fera sentir sur les abonnements à la rentrée. Côté circulation, on a veillé à livrer le tunnel de la sortie ouest de la voie Mathis avant l’événement. De nombreux Niçois ne prenaient pas cet axe à cause des mauvais souvenirs de Grinda et m’ont fait savoir que la fluidité gagnée les a convaincus.
Combien l’Unoc a-t-il coûté et rapporté à Nice?
Le seul investissement, c’est l’équipement [le centre des congrès du port] construit pour l’occasion: il a coûté 23 millions, moins 5 millions de l’État pour certains aménagements. Pendant l’Unoc, l’État nous l’a loué. Les Niçois n’auront pas à l’assumer: les usagers futurs le rembourseront. Côté recettes, la fréquentation a été excellente! Les chiffres de la TVA tomberont fin juin mais, sur le taux d’occupation, on a eu un pic à 98%, avec + 27% de revenus. Des restaurants ont atteint des consommations à 200-300 euros/tête.
Quid de l’indemnisation des commerçants du port qui, eux, ont souffert?
La commission d’indemnisation est en place, gérée par l’État, avec la CCI comme excellent partenaire. Elle sera accessible dès la semaine prochaine. Toutes les entreprises pourront en bénéficier en prouvant la baisse de chiffre d’affaires. Je suivrai de près le dossier.
Vous évoquez des crispations autour de la zone bleue du port lors de l’Unoc… C’est-à-dire?
Je déplore des maladresses. Je suis très reconnaissant qu’on ait garanti la sécurité en mobilisant 5.000 policiers, gendarmes, militaires, que je remercie. Mais je remercie tout particulièrement mes 6.000 agents et plus de 500 bénévoles si dévoués. Je sais que certains ont subi ordres et contre-ordres sous 30°C, avec des « Pourquoi vous n’allez pas plus vite? », c’est épuisant. Si la Ville, qui connaît mieux le terrain, avait été à égalité en première ligne avec les services de l’État, on aurait évité ça.
L’Unoc a boosté l’attractivité de Nice, déjà forte. N’est-ce pas à double tranchant quand on sait que le surtourisme impacte le climat?
Le surtourisme, je n’en veux plus. Pas question de devenir Florence! Dès le 1er juillet, on réduit de deux tiers le nombre de croisières. J’ai baissé les quotas de location Airbnb. On étudie un arrêté pour interdire au plus vite l’entrée dans Nice aux cars de tour-opérateur: ils stationneront et prendront les transports. Niveau hébergement de qualité, on est à l’équilibre. Je suis très sollicité pour du foncier en vue d’investissements hôteliers: je n’y suis pas forcément favorable. Notre tourisme, c’est notre histoire, nos emplois aussi. Je veux le préserver mais en faisant moins et mieux.
L’annonce
Président de la Coalition des villes côtières, Christian Estrosi annonce la création d’un secrétariat permanent de l’ONU dédié. Celui-ci s’installera dans la nouvelle Gare maritime, au port.
Le chiffre
158.000
C’est le record de trajets enregistrés le vendredi 6 juin 2025 dans les transports niçois, gratuits pour l’Unoc. « 33% de plus que la normale », dixit la Ville.
La date
D’ici mi-novembre 2025, l’aire marine protégée de Nice, située face à la ville, devrait être inaugurée. « La police municipale et l’État veilleront à sa surveillance forte », indique le maire.
L’agenda
L’exposition immersive au port, issue du programme de La Baleine, sera à voir du 12 juillet au 14 septembre 2025 7 jours/7 de 10h à 18h (20h le samedi), quai Infernet. Tarifs: de 5 à 10 euros.