« Juste à côté de la gare, idéal. » Pendant de nombreuses années, la direction interrégionale Grand Ouest de CDC Habitat, filiale de la Caisse des dépôts, a occupé des bureaux à deux pas de l’esplanade Charles-de-Gaulle. Un endroit central, à quelques minutes à pied ou en métro de la gare, permettant à une partie de la quarantaine de salariés de prendre facilement le train pour venir travailler.
Alors, quand, à la sortie de la crise sanitaire, il a été question de déménager pour des locaux plus modernes et avec plus d’espaces de convivialité et de réunion, la proximité de la gare a fait partie intégrante de l’équation. « Ce point est remonté dans le comité de pilotage que nous avons lancé pour associer les collaborateurs aux réflexions sur leur nouvel espace de travail », explique Frédéric Prévôt, le directeur interrégional adjoint de CDC Habitat. En 2022, l’entreprise a trouvé la perle rare : un peu moins de 900 m² au quatrième étage d’un immeuble neuf, à cinq grosses minutes à pied de la gare.
À Rennes, cette histoire est loin d’être un cas isolé. Sans pour autant supplanter la voiture ou le vélo, le train prend une place grandissante dans les trajets domicile-travail des salarié, surtout chez les cadres et dans le secteur tertiaire. Difficilement quantifiable, le phénomène s’est accéléré avec la crise sanitaire et l’essor du télétravail, et pousse les entreprises à s’adapter à cette nouvelle donne.
La « centralité » des bureaux, critère clé
Première évolution notable : comme chez CDC Habitat, beaucoup de directions cherchent aujourd’hui à implanter ou déménager leurs bureaux à proximité de la gare de Rennes ou des lignes de métro la desservant. « On constate une vraie recherche de centralité de la part des entreprises », analyse Ségolène Bianchi, directrice du spécialiste de l’immobilier d’entreprise CBRE à Rennes, Nantes et Angers. Selon elle, « dans les grandes métropoles comme Rennes, 1 m² commercialisé sur 2 se situe dans une zone de centralité et 1 m² sur 2 dans le neuf ».
Résultat, certains quartiers – hyperconnectés aux transports, proches des services et proposant des bureaux neufs et performants d’un point de vue énergétique – sont particulièrement demandés. EuroRennes, au pied de la gare, en fait partie, mais aussi la Courrouze et ViaSilva, aux deux extrémités de la ligne B. Le Crédit agricole, Legendre, la CCI Bretagne, Capgemini, Orange ou encore MV Group ont fait partie des sociétés qui, très vite, ont misé sur les terminus de la seconde ligne de métro. Et ce, bien avant son ouverture, en septembre 2022.
La proximité immédiate du métro, et donc de la gare de Rennes, répond à une attente forte de nos collaborateurs, dont les usages évoluent vers des mobilités plus durables
Dans ces quartiers « prime », les installations se poursuivent aujourd’hui, avec le train toujours au cœur des décisions. C’est le cas pour le Crédit Mutuel Arkéa, qui compte regrouper ses 500 salariés rennais à la Courrouze à l’horizon 2027. « L’accessibilité a été un critère structurant et déterminant dans le choix de localisation du projet. La proximité immédiate du métro, et donc de la gare de Rennes, répond à une attente forte de nos collaborateurs, dont les usages évoluent vers des mobilités plus durables », témoigne Ivana Kudela, directrice organisation et moyens généraux au Crédit Mutuel Arkéa.
Horaires décalés, visio, flexibilité
Autre conséquence du boom du train chez les salariés, les entreprises – là où c’est possible – adaptent tout ou partie de leur organisation aux contraintes du rail : horaires de réunion décalés, ajout systématique de la visioconférence dans les échanges en équipe pour permettre à ceux dont le train est retardé ou annulé de participer à distance, planification des événements, séminaires et congés très amont pour donner un maximum de visibilité…
Les managers affichent également davantage de flexibilité. « Je sais qu’à une certaine heure, tel ou tel membre de mon équipe doit partir et que ce n’est pas négociable, sinon il ne peut pas rentrer chez lui ou alors il rentre tard, il est fatigué le lendemain et ce n’est bon pour personne », estime Guillaume. Cadre dans l’immobilier à Rennes, il ajoute : « Certes il y a parfois des retards, parfois des grèves, et donc des gens en télétravail forcé ou qui doivent prendre leur voiture à la dernière minute. Mais ce n’est pas plus contraignant que des parents qui doivent s’occuper de leurs enfants quand l’école est en grève. On fait avec, ce n’est pas vraiment un problème ».
Les entreprises y trouvent leur compte
Si les managers « font avec », c’est parce qu’en dehors des moments de galère, ils y trouvent leur compte. Pour une entreprise, faciliter les trajets en train peut contribuer à fidéliser des salariés et à en attirer d’autres. Notamment les plus jeunes, très demandeurs de transports ferroviaires. C’est aussi remplir une partie de ses obligations et objectifs écologiques et, comme pour le télétravail, voir la production de ses salariés augmenter.
Le train est devenu un lieu de travail. Contrairement à la voiture, ce mode de transport faire partie intégrante de la journée du collaborateur.
« Le train est devenu un lieu de travail. Contrairement à la voiture, ce mode de transport faire partie intégrante de la journée du collaborateur », note Ségolène Bianchi. Un point de vue partagé par Gabriel Aussant, à la tête du cabinet de conseil rennais Avelmat. « Au prix d’un peu de flexibilité, les entreprises sont gagnantes. En train, les collaborateurs dépensent moins d’énergie, ils n’ont pas le stress des bouchons et en plus ils peuvent travailler. »