« Le musée est vraiment beau, ça enlève l’aspect ghetto de Maurepas », juge Nawel, lycéenne dans l’établissement d’à côté, en visite scolaire. À quelques pas de la bouche de métro Gros-Chêne, le musée des beaux-arts qui prend appui sur la Banane – logement social construit en 1962 – détonne dans un quartier récemment secoué par de violents affrontements entre dealers.
Le musée des beaux-arts de Rennes a investi les lieux en février 2025 et depuis son ouverture, il voit affluer quelques milliers de visiteurs. Sur certains jours, les chiffres de fréquentation s’élèvent à environ 9 000 entrées. « Il y a une bonne fréquentation, cela confirme le succès public », note Delphine Galloy, directrice du Musée des beaux-arts de Rennes.
Porté par la collectivité rennaise, le musée est le premier équipement livré dans le cadre du plan urbain de réhabilitation du quartier. Sur 10 ans, la municipalité prévoit notamment de rénover 1 600 logements sociaux. Une transformation, estimée autour de 200 M€, dont l’objectif est de désenclaver Maurepas. « C’est une bonne chose pour le quartier. Un musée reste un musée tout le monde peut y entrer », juge une septuagénaire, habitante à Maurepas depuis 40 ans.
On s’approprie le lieu plus facilement grâce aux ateliers qui sont organisés
« On s’approprie le lieu »
Entièrement gratuit, le second site des beaux-arts accueille actuellement deux expositions temporaires. Et ce sont les habitants qui y participent. « On a invité des gens du quartier à choisir des objets du passé et ils ont été photographiés avec », explique Laure Bourgogne, coordinatrice culturelle au musée Maurepas.
Cette approche entend faire du musée un lieu d’abord destiné aux habitants. « Parfois des mères avec leurs enfants viennent en attente d’un rendez-vous. Elles se saisissent du lieu », constate-t-elle. La mise en relation entre les œuvres et le public se veut aussi différente. « On accueille les visiteurs et on fait les visites très librement. On essaye des formats de visites parfois plus rapides », analyse Laure Bourgogne. Victoria, habitante du quartier confie : « On s’approprie le lieu plus facilement grâce aux ateliers qui sont organisés ».
Les gens viennent du centre. Ils sortent du métro et repartent directement une fois que la visite est finie
Un ovni sur la dalle
Mais pour certains habitants, le musée représente encore un endroit infranchissable. « Entre personnes du quartier, les institutions artistiques, on les voit comme des menaces. C’est parfois trop élitiste », confie Laurianne, qui habite le quartier depuis ses sept ans. Pour Laure Bourgogne, coordinatrice culturelle, franchir la porte d’un musée doit être moins impressionnant : « C’est un long travail pour que tout le monde se sente légitime d’y aller mais on peut tous être interpellé par l’art ».
À l’extérieur du musée, le quartier se transforme. La dalle au centre du quartier qui a vu en dix mois, une quinzaine de fusillades entre dealers à Rennes, va être transformée. Ces nouveaux équipements à Maurepas sont dans l’ensemble bien vus par les habitants mais pour certains, ce ne sont que des lieux que l’on traverse sans s’arrêter. « Le musée manque de lien avec le quartier. On ne le calcule pas », regrette Emma (son prénom a été changé, à sa demande), qui vit près de la dalle. Elle ajoute : « Les gens viennent du centre. Ils sortent du métro et repartent directement une fois que la visite est finie. Ils ne vont pas se promener ou aller manger dans les commerces qui sont là depuis des années ».
Delphine Galloy, directrice du Musée des beaux-arts de Rennes, défend : « Il ne faut pas trop attendre du musée, il n’a pas pour projet à ce que les visiteurs s’arrêtent plus dans le quartier. Le musée est attracteur de public et une fois que tous les équipements seront livrés, les habitants profiteront de services de quartier ».