Dans le désert du Gansu,
au nord-ouest de la Chine, une équipe de
paléontologues a mis au jour une espèce de dinosaure inconnue qui
pourrait réécrire un pan de l’histoire évolutive des sauropodes. À
la clé : un crâne presque complet, rarissime, vieux de 165 millions
d’années, et une nouvelle pièce maîtresse pour comprendre l’étrange
famille des géants du Jurassique.
Une découverte
exceptionnelle
Les dinosaures à long cou — ou
sauropodes — sont parmi les créatures les plus emblématiques de la
préhistoire. Leur silhouette colossale, leur cou interminable et
leur démarche pesante sont familiers à tous. Mais derrière cette
image, les origines de cette lignée restent encore obscures, en
particulier durant une période cruciale de leur évolution : le
Jurassique moyen.
C’est précisément cette zone
d’ombre que vient éclairer la découverte de Jinchuanloong niedu, une espèce jusqu’alors
inconnue décrite dans une étude dirigée par l’Université des
géosciences de Chine et publiée dans Scientific
Reports. L’animal appartient à un groupe de sauropodes
primitifs appelés eusauropodes non-néosauropodes, qui forment la
base du grand arbre généalogique des dinosaures à long cou.
Un puzzle vieux de 165
millions d’années
Le fossile de ce dinosaure a
été découvert dans la formation de Xinhe, une couche géologique
datant du Bathonien supérieur (Jurassique moyen, entre 165 et 168
millions d’années). Il se compose d’un crâne presque complet avec
sa mâchoire, ainsi que de plusieurs vertèbres cervicales et
caudales encore articulées.
Or, les crânes de sauropodes
aussi anciens sont extrêmement rares. En général, seules quelques
dents ou morceaux de mâchoire sont retrouvés. Ce nouveau spécimen
offre donc une occasion unique de comprendre comment ces dinosaures
ont évolué au niveau de la tête — une région clé pour
l’alimentation, les sens et même le comportement.
Vertèbres caudales de Jinchuanloong niedu (JCMF0132). Crédit :
Rapports scientifiques (2025)Un mélange d’ancien et de
moderne
L’analyse morphologique
détaillée révèle un mélange fascinant de caractères primitifs et
plus évolués. Par exemple, le crâne présente un foramen inhabituel
(ouverture osseuse) à la base du processus maxillaire, une
structure crânienne rarement observée dans cette lignée. Les dents,
en forme de cuillère, rappellent celles d’autres sauropodes d’Asie
comme Shunosaurus, un
cousin mieux connu.
Les chercheurs ont également
repéré des caractéristiques post-crâniennes intéressantes, comme
des arcs neuraux non fusionnés dans les vertèbres caudales
postérieures, ce qui laisse penser que l’animal était probablement
un juvénile ou un subadulte. Sa taille estimée : environ 10 mètres
de long.
Pourquoi cette découverte est
importante
Si l’on connaît bien les
grands sauropodes néosauropodes comme Apatosaurus ou Brachiosaurus, leurs ancêtres plus anciens restent mal
documentés. Jinchuanloong
niedu se situe précisément à la charnière évolutive entre les
formes primitives et les géants plus récents. Il s’agit donc d’un
chaînon manquant potentiel dans l’évolution de cette famille
emblématique.
De plus, la découverte
confirme que l’Asie de l’Est abritait une diversité insoupçonnée de
sauropodes au Jurassique moyen, à une époque où les continents
étaient encore rassemblés et les faunes en pleine
diversification.
Une pièce rare dans le grand
puzzle de l’évolution
En apportant un crâne presque
complet à une période géologique où les fossiles sont généralement
fragmentaires, Jinchuanloong
niedu enrichit considérablement les archives fossiles. Il
pourrait même obliger les paléontologues à revoir certaines
hypothèses sur la phylogénie des sauropodes — c’est-à-dire leurs
liens de parenté.
Comme le résument les auteurs
de l’étude : « Cette découverte fournit des informations précieuses
pour comprendre l’histoire évolutive des sauropodes dans le
nord-ouest de la Chine ». Et, au-delà, sur l’origine des plus
grands animaux terrestres que la Terre ait jamais portés.