Samedi 14 juin, près de 8000 personnes ont défilé dans les rues de Strasbourg pour la Marche des visibilités. Une marche politique qui appelait à « faire corps contre le fascisme », et qui revendiquait surtout le droit d’exister sans peur et sans honte, alors que les actes anti-LGBTQIA+ ont augmenté de 5% en 2024

Sur la place du palais universitaire, une foule dense et colorée brave le soleil de plomb en ce début d’après-midi. Éventails et ombrelles sont de sortie, aux couleurs du drapeau arc-en-ciel pour la plupart. Sur les pelouses, de petits groupes attendent le départ de la Marche des visibilités.

Pride marche des fiertés LGBTQIA+ visibilités

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Pride marche des fiertés LGBTQIA+

Pride marche des fiertés LGBTQIA+ visibilités

© Adrien Labit / Pokaa

« Montrer qu’on existe »

Drapeaux trans, bisexuel et pansexuel sur les épaules, Axelle, Mathéo, Mina, Léa et Abdallah discutent à l’ombre. Venu(e)s des Vosges ou de différentes communes d’Alsace, les cinq ami(e)s se sont donné rendez-vous à Strasbourg pour défiler. C’est la troisième ou la quatrième fois pour la plupart d’entre eux. La première pour Abdallah. « On le baptise », plaisante Mina.

« On est là pour la visibilité, pour rencontrer des gens comme nous, pour parler, discuter », poursuit la jeune femme. « On vient pour montrer qu’on existe, rebondit Axelle. On est là. Les personnes LBTQIA+, c’est pas que dans le virtuel, les films ou les réseaux sociaux. » Pour le petit groupe, se rendre visible dans l’espace public est « un moyen d’aider les autres à s’assumer ».

Et l’aspect festif de l’événement est essentiel. « C’est important de montrer notre joie de vivre, notre fierté à être nous-mêmes », insiste Axelle, quand Abdallah juge que cela donne « un aspect joyeux au côté politique de la pride. »

Pride marche des fiertés LGBTQIA+ © Adrien Labit / Pokaa

« Il n’y a que les rassemblements qui permettent de porter des droits »

Un peu plus loin, Marie-Paule et Caroline sont venues en famille, avec conjoint et enfants, depuis Saverne. C’est leur troisième participation à la Marche des visibilités. « La pride, c’est un moment très joyeux. Une après-midi d’amour et de bonheur où l’on défend les droits de nos enfants. » Une marche politique aussi, « pour que la montée des extrêmes ne soit pas synonyme de montée de l’homophobie et de recul des droits ». Marie-Paule insiste : « Il n’y a que les rassemblements qui permettent de porter des droits. »

Mais venir en famille, c’est aussi « soutenir les personnes LGBT qui sont seules », expliquent les deux sœurs qui ont commencé à venir à la pride pour soutenir l’un de leurs enfants. « C’était important pour nous de montrer qu’on l’accompagnait. » Au-delà de la défense des droits des personnes LGBTQIA+, il s’agit aussi pour eux de « défendre le droit à la différence à tous les niveaux », ajoute Fabien. « On ne peut pas défendre une cause sans être ouvert aux autres. »

Pride marche des fiertés LGBTQIA+ © Adrien Labit / Pokaa

« On se cache au quotidien »

Sur le parvis du Palais U, Noémie et Lucy arborent des tenues aux couleurs du drapeau lesbien et de larges sourires. « C’est notre première pride », expliquent les deux jeunes femmes, venues de Guebwiller pour l’occasion. « On vient montrer qu’on est là, explique Noémie. On travaille avec des enfants et on se cache dans notre vie quotidienne par peur du regard des parents. »

« Dans mon travail, j’ai déjà entendu des parents dire qu’il ne fallait pas que leurs enfants s’approchent de gays et de lesbiennes », poursuit Lucy. « Ce sont de petits enfants, on les laisse se déguiser comme ils et elles le veulent. Mais il y a déjà eu des papas qui ne voulaient pas que leurs fils portent des robes pour ne pas devenir « de grosses pédales ». »

Noémie et Lucy tenaient à venir pour « se montrer en vrai » et militent pour pouvoir sortir ensemble sans avoir peur. « Cet été, on va aller à Paris. Dans la rue, on sera meilleures amies », annonce Lucy, qui s’inquiète d’une homophobie de plus en plus décomplexée, particulièrement sur les réseaux sociaux.

Pride marche des fiertés LGBTQIA+ © Adrien Labit / Pokaa

« Les prides ne sont pas de simples fêtes, elles sont des actes politiques puissants »

À 14h30, les prises de parole s’enchainent sur le parvis du Palais U. « Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les menaces qui pèsent lourdement sur nos épaules, sur celles de nos adelphes, de nos camarades », intervient Klara, bénévole à La Station, en prenant le micro. « Chaque jour, nos vies s’embourbent dans un parcours semé d’embûches, d’humiliations, de dangers. »

« Dans ce contexte, les prides ne sont pas de simples fêtes. Elles sont des actes politiques puissants, des moments de résistance collective, où nous dansons pour ne pas oublier, pour exister, pour ne pas dépérir dans l’ombre. Nous nous retrouvons, nous nous amusons, nous fêtons, nous rêvons – parce que nous en avons vitalement besoin. Nous y célébrons nos identités, parce que personne d’autre ne le fera pour nous. »

Pride marche des fiertés LGBTQIA+ © Adrien Labit / Pokaa

La fête contre la peur

Il est presque 15h lorsque les prises de parole de l’inter-orga de la pride se terminent. Chars et cortèges peuvent enfin s’élancer. Sur un coin d’herbe, Audric regarde la place se vider tout doucement. Lorsque nous lui demandons si nous pouvons lui poser quelques questions sur sa présence à la pride, le jeune homme hésite. « Quand on me demande, j’ai plutôt tendance à dire oui, mais après je vois les commentaires sous les articles et ça me refroidit… »

Il accepte finalement à condition de ne pas être reconnaissable. Habitué de la pride, Audric estime qu’il s’agit d’un « des rares moments où l’on se sent libre d’être bariolés de toutes les couleurs, d’être soi-même ». Pour lui, la Pride est un moment aussi festif qu’engagé et politique. « Cela permet de créer du lien avec des assos. Les personnes isolées peuvent aussi y rencontrer d’autres personnes LGBTQIA+ et c’est important. » L’énergie joyeuse de cette journée est également importante pour le jeune militant. « Nos droits sont constamment menacés, mais on refuse de vivre dans la peur. »

Pride marche des fiertés LGBTQIA+ © Adrien Labit / Pokaa

Pride marche des fiertés LGBTQIA+

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© Adrien Labit / Pokaa

Le droit à l’amour et au bonheur

Arrivés sur les quais, les chars entrainent dans leur sillage une joyeuse foule de danseurs/ses coloré(e)s. Pancartes ou éventails arc-en-ciel à la main. Helia, Sean et Shin marchent tranquillement sous le soleil. Pour les trois ami(e)s, défiler à la pride est une façon de « montrer qu’on est fiers et qu’on s’oppose à la montée du fascisme ». Le mot d’ordre de la Marche des visibilités strasbourgeoise cette année.

« On se retrouve avec plein de gens comme nous. D’ordinaire, dans l’espace public, on est invisibles. Là, on vient dire que l’on n’a pas honte d’exister, que l’on a droit au bonheur et à l’amour. » « À la maison, tout seul, ce n’est pas facile de rentrer dans les cases, explique Ninisse un peu plus loin. Dans la foule, ça devient possible. Et ça fait du bien. »

Pride marche des fiertés LGBTQIA+ visibilités © Adrien Labit / Pokaa

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© Adrien Labit / Pokaa