Il est l’un des points centraux du conflit tant économique qu’idéologique qui oppose les États-Unis et la Chine. Les deux plus grandes puissances mondiales se disputent, depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, le canal du Panama.
Long de 80 kilomètres, ce passage est une artère inévitable du commerce mondialisé, alors que 6 % des transactions planétaires et environ 40 % des conteneurs états-uniens y transitent. Or, les deux terminaux situés aux extrémités de la voie maritime sont exploités par la société Panama Ports Company (PPC), filiale d’un groupe hongkongais.
Les États-Unis viennent ainsi de frapper un grand coup, en recevant l’autorisation d’y déployer des troupes. C’est l’Agence France-Presse (AFP) qui révèle l’existence de ce partenariat – signe d’une importante concession faite à Washington -, après avoir eu accès à l’accord bilatéral conclu par les deux États, jeudi 10 avril.
Des entraînements, des activités humanitaires et des exercices
Si la possibilité de bases militaires est exclue, cette annonce représente un retour en arrière pour la région, à une époque où les États-Unis y disposaient d’une enclave avec des bases militaires, avant de finalement céder le canal aux Panaméens, en 1999.
La politique impérialiste de la puissance d’Amérique du Nord, prolongée par Donald Trump, revient donc au galop au Panama, et par extension en Amérique du Sud, que Washington ne cesse de considérer comme une arrière-cour à sa disposition.
L’armée états-unienne – comme des sociétés militaires privées engagées par l’administration Trump – « pourront utiliser les sites autorisés, les installations et les zones désignées pour des entraînements, des activités humanitaires (…) et des exercices », indique l’accord signé par le chef du Pentagone, Pete Hegseth, en visite cette semaine au Panama, et le ministre panaméen de la Défense, Frank Abrego.
« Nous avons signé plusieurs accords historiques, nous sommes en train de récupérer le canal, a déclaré Pete Hegseth lors d’une réunion du gouvernement Trump, selon le compte X de la Maison Blanche. La Chine avait trop d’influence. »
L’accord, d’une durée de trois ans renouvelable, précise que les installations seront la propriété de l’État panaméen et seront destinées à une « utilisation conjointe » par les forces des deux pays. Donald Trump réussit donc à mettre la main sur une zone définie comme prioritaire dans son agenda impérialiste. Depuis son son investiture en janvier, le président états-unien a multiplié les menaces, évoquant même la possibilité de « reprendre » le canal que les États-Unis ont construit en 1914.
Le président panaméen, José Raul Mulino, en déplacement au Pérou jeudi, a confirmé que les États-Unis avaient demandé à rétablir des bases militaires dans le pays et des « cessions de territoires ». Ce qu’il a refusé. « Vous voulez le désordre, mettre le feu au pays ? », affirme-t-il avoir répondu à Pete Hegseth. « Ce canal est et restera panaméen », aurait-il conclu.
« Un recul de la souveraineté nationale »
Au cours d’une conférence de presse organisée un jour plus tôt, le ministre états-unien de la Défense, alors en déplacement au Panama, avait suggéré que les exercices de défense conjoints étaient « une occasion de relancer » une « base militaire » où opéreraient des « troupes », suscitant un malaise. « Nous ne pouvons pas accepter de bases militaires ou des sites de défense », avait immédiatement réagi José Raul Mulino.
Ce dernier a tout intérêt à s’afficher ferme avec la Maison Blanche. Les visées de Donald Trump sur le canal du Panama ont déclenché d’importantes manifestations dans son pays. Le gouvernement panaméen a aussi indiqué que les États-Unis avaient supprimé une mention de la « souveraineté inaliénable du Panama sur le canal » dans la version anglaise d’un communiqué conjoint. Jeudi, Panama a demandé à Washington de mettre à jour le texte et de l’inclure.
Pas suffisant pour le dirigeant syndical Saúl Méndez, qui a condamné l’accord bilatéral. Il y voit « un recul de la souveraineté nationale » : « Ce que le gouvernement panaméen a fait est un acte de trahison, ce sont des vendus et ils doivent être jugés. » Selon la loi, le Panama exploite le canal en donnant accès à toutes les nations. Mais, sous la pression de la Maison Blanche, le Panama a finalement accusé, le mois dernier, Panama Ports Company de ne pas respecter ses obligations contractuelles et a demandé à la société hongkongaise de se retirer du pays.
La société mère des ports, CK Hutchison, a par la suite annoncé un accord visant à céder 43 ports dans 23 pays – dont ses deux ports sur le canal de Panama – à un consortium dirigé par le fonds d’investissement états-unien BlackRock, pour un montant de 19 milliards de dollars. Furieux, Pékin a depuis annoncé un examen de l’opération par les autorités chinoises de la concurrence.
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