La filière du bâtiment a semble-t-il réussi à se faire entendre. Et la ministre chargée du Logement, Valérie Létard, à imposer son arbitrage. Face à la bronca qu’avait provoquée l’annonce de la suspension de MaPrimeRénov’jusqu’au 15 septembre, le gouvernement a finalement décidé de maintenir en place une partie du dispositif, à savoir les « monogestes », soit les travaux isolés de rénovation des logements, comme l’isolation des combles ou le remplacement d’une chaudière au gaz ou au fioul par un système de chauffage plus vertueux, type pompe à chaleur (PAC).

Les « rénovations d’ampleur », c’est-à-dire conjuguant plusieurs gestes, sont en revanche bien exclues temporairement du dispositif, et même sans doute plus tôt que prévu. Selon nos informations, cette suspension, annoncée initialement à partir du 1er juillet, pourrait intervenir avant la fin de cette semaine, vendredi ou samedi au plus tard. « Depuis son annonce, le nombre de dossiers déposés pour MaPrimeRénov’ a plus que doublé, confie une source gouvernementale. On est passé de 200 dossiers par jour, à plus de 400. Il faut fermer les vannes. »

Concernant les monogestes, « la fermeture temporaire du guichet ne les concernera donc finalement pas, car l’action spécifique de lutte contre la fraude sera concentrée sur la rénovation d’ampleur, confirme Matignon au Parisien-Aujourd’hui en France. Toutefois, l’enveloppe budgétaire consacrée à MaPrimeRénov’ (rénovation d’ampleur et monogestes) sera rigoureusement respectée, sans coupe ni rallonge, d’ici la fin de l’année. »

La colère de la filière bâtiment

Depuis la semaine dernière, la filière était très remontée contre cette décision de suspendre MaPrimeRénov’. Les adhérents de la Fédération française du bâtiment (FFB) avaient notamment fait savoir qu’avec ce gel, « un point de rupture avait été atteint ». Réunie en congrès la semaine dernière, la direction de cette puissante fédération avait demandé au gouvernement a minima le maintien des monogestes. À défaut de quoi elle menaçait d’engager « avec ses fédérations locales des actions revendicatives de terrain ».

Sur le terrain, de nombreuses collectivités craignaient également un effet domino d’une suspension généralisée de MaPrimeRénov’ : les aides locales distribuées aux particuliers pour la rénovation étant en effet en partie calées sur ce dispositif d’aide publique. « La suspension de MaPrimeRénov’ pourrait remettre en cause toute cette chaîne de financement complémentaire, par effet papillon », expliquait ainsi Julien Chambon, le maire (Renaissance) de Houilles, en charge du logement au conseil départemental des Yvelines.

Une suspension motivée par la lutte contre la fraude

Le gouvernement avait justifié la suspension temporaire de MaPrimeRénov’ au nom notamment de la lutte contre la fraude. Il s’agissait « de faire le ménage », selon l’expression d’une source gouvernementale, parmi les nombreuses entreprises plus ou moins honnêtes qui s’étaient engouffrées dans cette activité de la rénovation, attirées par les montants des aides publiques, qui peuvent attendre parfois plusieurs dizaines de milliers d’euros pour un seul chantier, lorsqu’il s’agit de rénovation dite d’ampleur.

Dans le viseur du gouvernement : les fameux MAR (pour Mon accompagnateur rénov’), des entreprises en charge des travaux, parfois des particuliers, mais également des professionnels dont le rôle est de jouer les intermédiaires. « On en compte actuellement 1 336 sous la forme de structures agréées, soit 3 789 MAR », précise l’Agence nationale de l’habitat (Anah), qui gère MaPrimeRénov’pour le compte de l’État. Mais un certain nombre de ces structures, au moins une sur dix, estime la filière, ne respecteraient pas les règles. Le gouvernement, au travers de l’Anah, ou encore de la Répression des fraudes (DGCCRF), n’aura donc pas trop de l’été pour remettre le dispositif d’équerre. Et d’autant plus si les monogestes demeurent finalement dans le dispositif.