La gauche peut-elle s’emparer d’un bastion de la gauche ? A Rennes, la question peut se poser. Car à moins d’un an des élections municipales, l’appétit est grand pour mettre la main sur ce fauteuil occupé par le Parti socialiste depuis la victoire d’Edmond Hervé en 1977. La France payait alors en francs, voyait Marie Myriam gagner l’Eurovision et Jacques Chirac être élu maire de Paris. Près d’un demi-siècle plus tard, le PS est toujours aux commandes.
Alors certes, Nathalie Appéré n’a pas encore officiellement annoncé sa candidature. Mais le suspense est mince et tout laisse à penser que la maire briguera un troisième mandat à la tête de la capitale bretonne. La question qui se pose, c’est avec qui elle se lancera. Ou même contre qui. Après deux colocations plutôt sereines avec Les Ecologistes, la logique aurait laissé penser à une mise en ménage dès le premier tour. Mais rien n’est joué.
Lucile Koch, Morvan Le Gentil, Valérie Faucheux et Laurent Hamon mènent la campagne des écologistes en vue des élections municipales à Rennes. - C. Allain/20 Minutes
Au moment de faire leur bilan, les verts rennais vantent leurs réalisations. « Nous avions négocié plus de 150 propositions entre les deux tours en 2020. Aujourd’hui, 94 % de nos engagements sont tenus ou lancés. Nous avons su tenir nos délégations avec sérieux et efficacité », assume Laurent Hamon. Le coprésident des 21 élus écologistes de la ville de Rennes va même plus loin : « On est prêts. On peut avoir un maire écologiste à Rennes. On est capables d’assumer ces compétences. »
Des résultats en constante progression
Voilà qui semble enterrer la perspective d’un accord avec la maire, non ? « La cohabitation s’est bien passée. Elle est la résultante d’une fusion bien négociée. Mais ce sera à nos militants de prendre la décision. C’est la question du projet qui doit primer. De quoi on a envie pour notre ville », assure l’élu. « On sera en dialogue avec tout le monde à gauche », rappelle Valérie Faucheux, ancienne du Front de gauche ayant rallié Les Ecologistes. Le choix de partir seul ou non devrait être acté à l’automne. « Je ne m’interdis pas l’idée de m’imaginer maire », a d’ailleurs déclaré au Mensuel de Rennes l’adjointe à l’éducation Gaëlle Rougier. Si vous n’y voyez pas un signal…
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2008, la liste écolo avait atteint 8 % des suffrages. En 2014, Matthieu Theurier avait obtenu 15 % avant de grimper à 25 % en 2020. La tentation est grande de partir en solo pour tenter de doubler la liste socialiste et de s’asseoir dans le fauteuil tant convoité. Ajoutez à cela quelques tacles aux choix du PS sur l’urbanisme de grande hauteur, le développement économique (coucou Safran) et le « logiciel socialiste » jugé encore trop capitaliste et vous comprendrez que Les Ecologistes ont les crocs. D’autant que le groupe est déjà allié avec l’Union démocratique bretonne (UDB) et Nouvelle donne. Mais ils ne sont pas les seuls à avoir faim.
Car dans les rangs de La France insoumise, on a aussi de l’appétit. Rappelez-vous : en 2022, Jean-Luc Mélenchon avait obtenu 36 % des voix, se plaçant loin devant Emmanuel Macron. Le problème du parti d’extrême gauche, c’est son défaut d’implantation. En dehors de sa jeune députée Marie Mesmeur, LFI n’a pas beaucoup de poids localement.
« Les portes restent ouvertes »
Élue l’an dernier, la députée est, avec Gwénolé Bourrée, chargée d’animer la campagne des insoumis. Mais derrière qui ? « La désignation de la tête de liste viendra dans un second temps », assure Marie Mesmeur. Mais avec qui ? « L’heure n’est pas aux candidatures. Il y aura forcément une candidature insoumise mais nous travaillons d’abord à une union », assure la députée. Avec les verts ? « Les portes restent particulièrement ouvertes aux écologistes », reconnaît Gwénolé Bourrée. Un courrier a d’ailleurs été adressé à l’ensemble des élus de gauche de la ville. Et un questionnaire a été imaginé pour élaborer un programme, dont quelques idées sont déjà actées : gratuité des transports pour les moins de 26 ans, objectif de zéro enfant à la rue, instauration d’un référendum local ou encore reconnaissance de l’État de Palestine.
Gwénolé Bourrée et la députée Marie Mesmeur sont chargés d’animer la campagne des municipales de La France insoumise à Rennes. - C. Allain/20 Minutes
Mais au-delà du seul programme, il y a un élément évident qui risque de cristalliser les tensions : qui sera tête de liste ? LFI ne semble pas décider à lâcher l’idée d’y aller. Mais quelle est la légitimité d’un parti qui ne possède aucun élu à Rennes ? En deux mandats aux côtés de la majorité, Les Ecologistes ont pris de l’avance, intégrant les conseils d’administrations de nombreux établissements. D’autant qu’ils ne cachent pas leurs ambitions à l’échelle de la métropole, eux qui comptent deux maires (Bruz et Saint-Armel). Les négociations s’annoncent délicieuses. Et il n’est pas exclu que chacun parte de son côté.
Et à droite, on fait quoi ?
Le secrétaire départemental des Républicains Thomas Rousseau avait été le premier à s’annoncer candidat à droite. Mais il n’est pas le seul. Le leader actuel de l’opposition Charles Compagnon charbonne depuis cinq ans pour tenter de se dresser contre l’empire socialiste. « Partir divisés serait une erreur funeste », prévient Carole Gandon, qui veut s’unir avec Charles Compagnon mais aussi avec Thomas Rousseau. Le Rassemblement national, qui peine à Rennes malgré des scores en progrès, devrait également présenter sa liste. Sans que l’on ne sache encore qui la mènera.