Depuis le début de l’offensive à Gaza dans la foulée du 7-Octobre, l’Union européenne peine à s’accorder. À l’insoluble intrication des conflits au Moyen-Orient s’ajoute la difficulté à accorder les Vingt-Sept, tant leurs approches sur ce dossier sont disparates.

L’Allemagne, dont on connaît le poids au Conseil comme au Parlement (96 députés sur 720), est restée, par exemple, longtemps rétive à toute critique vis-à-vis d’Israël en raison du poids de l’histoire. L’Espagne, à l’inverse, est tête de file des États qui défendent les Palestiniens. L’extrême droite, dont la force s’est encore accrue ces dernières années, préfère soutenir Israël que les Palestiniens. Incapable de s’accorder sur une position, le Parlement a préféré ces derniers mois ne pas en prendre du tout. Au Conseil, décisionnaire en matière de politique étrangère, le blocage est similaire.

L’Iran s’invite dans le débat

Mais le déferlement de violence militaire sur Gaza, jusque sur des lieux de distribution d’aide humanitaire, a fait fléchir certains États. Ainsi, les Pays-Bas, traditionnellement pro-israéliens, sont parvenus ces dernières semaines à convaincre de réexaminer, en rétorsion, l’accord d’association qui lie Israël et l’UE depuis 25 ans. Arme diplomatique et commerciale d’intensité modérée mais symboliquement forte dont beaucoup demandent l’usage depuis le début de l’offensive il y a 18 mois.

Le point a enfin été mis à l’ordre du jour des discussions en mai dernier, au prétexte que l’article 2 de l’accord pose une condition de « respect des droits de l’homme ». Il devait être discuté au Parlement de Strasbourg mardi, mais, patatras, l’ordre du jour a été bouleversé par le développement soudain du conflit vers l’Iran. Lors du débat mardi soir, les députés campaient face à face : ceux persistant à vouloir agir pour que cesse le carnage à Gaza, et ceux appelant à soutenir Israël face au régime des mollahs.

La « frustration » de Kaja Kallas

Accusée d’inaction à Gaza, la diplomate en chef de l’UE, Kaja Kallas, s’est retrouvée sur la défensive. Évoquant ses efforts quotidiens pour convaincre le gouvernement israélien de faire passer l’aide humanitaire, elle a aussi témoigné de sa « frustration ». D’autant qu’elle-même admettait douter de l’efficacité du projet de suspension de l’accord, qui doit être à nouveau débattu avec les ministres à Bruxelles lundi : « La suspension de l’accord arrêtera-t-elle le massacre [à Gaza] ? Non », a conclu l’Estonienne. « Mais elle fermera les canaux pour parler à l‘État hébreu », nécessaires pour persister sur l’aide humanitaire. Mais aussi pour tenter d’exister dans la crise avec l’Iran.